Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé le 13 septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a tenu à rendre hommage aux agriculteurs et les a remerciés d’assurer, jour après jour, notre approvisionnement alimentaire. Mais la CR n’a pas vu d’inflexion dans la politique libérale de l’UE, ni de perspective d’harmonisation intra-UE.

Une Europe toujours plus exigeante face aux efforts des agriculteurs

La CR partage la nécessité de garantir l'indépendance de notre approvisionnement alimentaire. Mais si garantir une alimentation saine est un devoir de l’agriculture, cela ne peut en revanche pas être le fondement de la politique agricole européenne.

La CR défend l’idée d’un contrat social entre des citoyens qui bénéficient d’une alimentation saine, de qualité et à un prix raisonnable, et des agriculteurs vivant dignement de leur métier.

Aussi, la politique agricole doit revenir aux fondamentaux fixés dans l’article 39 du traité de Rome, plutôt que de se disperser. Bien sûr qu’ « agriculture et protection de la nature peuvent aller de pair » ! Il faut en revanche placer raisonnablement le curseur des exigences, et ne pas demander des efforts intenables aux agriculteurs, ni leur fixer des objectifs contradictoires. La multiplication des règles et des normes « vertes », tout en soumettant les agriculteurs européens à la concurrence mondiale sans avoir le même degré d’exigence vis-à-vis de nos partenaires, ce n’est pas favoriser la résilience de notre agriculture. Au contraire, cela revient à favoriser celle de nos partenaires et donc les importations dans l’UE de denrées qui n’auraient pas le droit d’y être produites !

Nourrir la population est une garantie qu’offrent les agriculteurs, mais quelle garantie ont-ils en retour ?

La présidente de la Commission cite quelques problèmes auxquels doivent faire face les agriculteurs, notamment le changement climatique et l’agression russe contre l’Ukraine. En autres impacts sur leur travail et leurs revenus, les agriculteurs auraient certainement identifié la complexification des normes, le renforcement de la conditionnalité de la PAC, les distorsions de concurrence du fait de la politique commerciale de l’UE, ou encore les orientations de l’UE qui amènent à des impasses techniques phytosanitaires. Mais point d’autocritique sur ces dossiers, ni même de piste d’amélioration… d’autant que le Green Deal est considéré comme « la pièce maîtresse de notre économie et dont l'ambition est sans pareil. »

Une Union européenne tournée vers le libre-échange et l’élargissement

Que l’on ne s’y trompe pas, l’ombre libérale de la Commission ne plane jamais bien loin, et sa présidente s’est félicitée de la conclusion de nouveaux accords de libre-échange avec le Chili, la Nouvelle-Zélande et le Kenya. Elle a également annoncé que la Commission s’efforçait de conclure des accords avec  l'Australie, le Mexique et le Mercosur d'ici la fin de l'année, et peu après avec l'Inde et l'Indonésie.

Les clauses miroirs ou de sauvegarde ne semblent en revanche pas être des facteurs d’un « commerce intelligent », au grand regret de la CR. Le dernier volet qui intéressera les agriculteurs concerne l’élargissement de l’Union européenne. Nous sommes 27 dans l’UE, et la présidente de la Commission est convaincue que l’Europe fonctionnera à 30 et plus (8 pays ont le statut de candidat). L’Ukraine est déjà plus ou moins intégrée commercialement à l’UE, mais que se passera-t-il quand elle sera pleinement membre et intégrée à la PAC ? Quel sera l’avenir du modèle familial français face aux structures de plusieurs dizaines de milliers d’hectares ?

La CR défavorable à une politique européenne inégale et préjudiciable pour les agriculteurs

La CR plaide pour une harmonisation des normes au sein de l’UE et la fin de la renationalisation de certaines politiques. Elle milite aussi pour que cessent les distorsions de concurrence imposées aux agriculteurs européens avec les pays tiers.

L’UE doit surtout mettre en cohérence sa politique commerciale avec les objectifs et normes (parfois contraires) imposés à son agriculture. L’UE doit arrêter de se servir de l’agriculture comme d’une variable d’ajustement ou d’une contrepartie dans les accords commerciaux en réduisant fortement le budget agricole ; ce qui empêche d’assurer la régulation des marchés, l’harmonisation des normes et le contrôle des importations dans une optique de préférence communautaire intelligente.

Imposer ses normes sociales, environnementales et sanitaires aux importations permettra à l’UE de préserver son modèle en remplissant le double objectif de protéger le consommateur de l’ingestion de produits toxiques interdits dans l’Union et de protéger les agriculteurs du dumping social, environnemental et sanitaire. C’est un levier fort pour lutter contre la désagriculturation et c’est ce que promeut la CR dans son exception agriculturelle.

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