Jeudi 16 mars avait lieu la seconde consultation régionale dans le cadre de la loi d’orientation et d’avenir agricoles. Une réunion au cours de laquelle les principaux acteurs du milieu agricole ont pu évoquer les enjeux majeurs de l’installation et la transmission des nouvelles générations en agriculture. Pascal DESHAYES, président de la CR 54 et éleveur équin à Ville-sur-Yron, y représentait la Coordination Rurale Grand Est.

Pascal Deshayes, président de la CR 54

Contrairement à la réunion du groupe 1 sur la formation et l’orientation, la concertation du groupe 2 consacré à l’installation et la transmission en agriculture a reçu un retour positif et créé un consensus autour des idées apportées par les différents syndicats, même si tous n’étaient pas représentés par des agriculteurs. Animée par la DRAAF, la réunion a permis à la Coordination Rurale de s’exprimer à plusieurs reprises sur les problématiques de la transmission, devant des interlocuteurs attentifs.

Quelle agriculture pour les nouvelles générations ?

La première difficulté mise sur la table est connue de tous : « Comment, dans une telle conjecture, se projeter et faire un plan prévisionnel sur 5 ans quand on est un jeune qui s’installe ? ». Pascal Deshayes évoque le contexte notamment le contexte économique instable : « Entre la sécheresse, le Covid, l’inflation, le prix des intrants et maintenant l’effet ciseaux, aujourd’hui, on marche à vue, même en tant qu’agriculteur installé depuis longtemps ! ».

Les chiffres rapportés par Pascal Deshayes sont édifiants : d’ici 10 ans, 30 % des agriculteurs vont prendre leur retraite. Pour assurer une continuité entre les générations, il faudrait 1600 repreneurs dans le Grand Est. Or, il en manque 500. À eux seuls, ces chiffres témoignent du besoin d’investir dans des solutions durables permettant une installation et une transmission pérennes.

Néanmoins, aux yeux de la Coordination Rurale, plusieurs aspects empêchent la transmission des exploitations et ne favorisent pas non plus l’installation.

poignée de main

La dure réalité du Grand Est

Tout d’abord : « Quand un exploitant prend sa retraite, aux alentours de 65 ans, il ne transmet pas son exploitation tout de suite mais la met au nom de son épouse qui a quelques années de moins », explique Pascal Deshayes. Ce phénomène est enclin à créer de l’inflation sur les reprises d’exploitation, ce qui devient problématique au moment de la transmission à un jeune.

Second problème et sans doute le plus important : la valeur de reprise. Qu’il s’agisse du foncier, du matériel ou du cheptel, pour acheter une exploitation, un repreneur va contracter des emprunts et « s’endetter sur 20 ans pour des revenus quasi-nuls sur 10 ans » affirme le président de la CR 54. La vraie question se pose alors : « Qui veut investir aujourd’hui en sachant qu’il n’aura pas de salaire pendant 5 à 10 ans ? ».

Sans se faire d’illusions, Pascal Deshayes est catégorique : « Le foncier est l’élément qui limite la reprise. Il ne faut pas se leurrer : le nerf de la guerre, c’est l’argent ». Les conditions actuelles ne permettent pas d’investir tout en ayant une bonne qualité de vie : « Aujourd’hui, le capital reprise d’une exploitation est disproportionné par rapport au revenu éventuel sur l’exploitation. Un jeune n’est pas capable d’investir 100 000€ sur une exploitation pour en tirer 70 000 € de chiffre d’affaires, attendre les aides de l’État et quand même perdre de l’argent à la fin de l’année ».

C’est le serpent qui se mord la queue…

La nécessité de réformer le système de transmission est grande car avec le système actuel, les situations sont répétitives et sans alternatives. En effet, plus un cédant a de capital, moins le jeune installé peut se permettre de racheter car il n’en a pas les capacités financières. L’exploitant vend donc à une exploitation déjà grande qui agrandit ainsi encore plus ses surfaces car ce sont seulement ces offres qu’il estime correspondre à la valeur de son exploitation.

Ce système est également accentué par les pensions de retraite insuffisantes dont bénéficient les agriculteurs : « Le cédant, avec sa petite retraite, va céder plus facilement à une offre de ce type de repreneur qu’à un jeune qui n’a pas tout le capital disponible pour investir ». On ajoute à cela un gonflement du prix de l’exploitation à la vente indexé sur les retraites pour obtenir des prix faramineux : « La retraite actuelle d’un agriculteur est tellement miséreuse qu’il y a un risque de revente plus chère de l’exploitation pour assurer ses vieux jours » affirme-t-il.

Rien ne permet ensuite d’enrayer la machine des grosses exploitations qui ont plusieurs centaines d’hectares et un capital leur permettant d’être en capacité d’emprunter plus que les autres. « Finalement, on va se retrouver avec des exploitations aux capitaux énormes et à l’agrandissement excessif » prédit Pascal Deshayes.

Parmi les propositions de la CR : résoudre le problème du foncier

Un début de solution apporté par la Coordination Rurale est de mettre en œuvre des avantages fiscaux avec la suppression des plus-values au-delà de 250 000 € de chiffre d’affaires : « On veut que le cédant n’ait plus à payer de plus-value pour faire baisser le prix de rachat de son exploitation ».

Au terme des concertations régionales, chaque syndicat devra présenter 5 propositions sur le thème de l’installation et de la transmission. Voici celles de la Coordination Rurale Grand Est :

  • Accompagner le cédant en l’exonérant de droits de succession, un volet très important pour la transmission
  • Favoriser les avantages fiscaux au cédant, avec par exemple l’exonération des plus-values pour les exploitations dont le chiffre d’affaires dépasse les 250 000€ annuels
  • Prioriser le cédant en élevage
  • Mettre en avant les formations et l’expérience professionnelle des jeunes installés
  • Valoriser les prêts bonifiés avec une hyper bonification des prêts contractés à l’installation pour l’achat de foncier, sans plafond

Pascal Deshayes conclut : « Il existe pas mal de leviers pour faire changer tout cela. La solution ne peut pas venir d’un seul côté. Tout le monde doit y mettre du sien ! »

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