La CR88 a écrit au préfet afin de lui exposer sa position vis à vis du Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), autrement appelé "contrôle des structures".

Très vite, dès son élaboration, la CR88 s'en est désolidarisée, tant il semblait qu’il serait comme habituellement l’expression de la pensée unique du syndicalisme cogestionnaire.

Nous en sommes toujours à nous questionner sur son rôle tant il nous semble, lors des premiers pas de son application, substituer au bon sens de situations simples des réponses stéréotypées inadaptées et sources de division dans les campagnes.

Quel est l’objet de ce schéma de contrôle des structures ?

La vraie question est là et en y réfléchissant un peu, la réponse semble incertaine, voire surprenante…

Dans les Vosges, il y a trente ans, les fermes étaient en moyenne beaucoup plus petites que dans le reste de la Lorraine (un tiers plus petites) et avec un contrôle plus draconien qu’ailleurs. Elles ont aujourd’hui strictement la taille moyenne lorraine, y compris la surface par actif. Le schéma de contrôle n’aurait donc pas pour but d’éviter l’agrandissement des exploitations puisque a contrario il le favorise et le normalise (monoproduction laitière ou bovine).

En effet, le fruit défendu est toujours plus convoité. De plus, le fait de ne plus faire confiance aux paysans, via le contrôle, a modifié les pratiques. Plutôt que de reprendre 30 hectares lors de la retraite du voisin pour installer son fils, puis de le conforter par 20 autres dix ans plus tard, le jeune paysan s’est adapté en reprenant 100 hectares tant qu’il y avait droit, c’est-à-dire lors de son installation.

Devenu agrimanager grâce à une belle étude d’installation qui omet complètement que le climat pouvait être aléatoire et les prix volatils, et encouragé à investir pour utiliser entièrement son enveloppe de prêts bonifiés, nous aboutissons inéluctablement à la situation actuelle d’une agriculture très endettée (seconde d’Europe) par le surinvestissement et n’ayant plus ni autonomie ni capacité à subir le moindre aléa.

L'installation : une manne financière pour certains !

Mais quel serait alors le véritable enjeu du schéma ? La manne financière ? Celle qui est mentionnée deux fois dans le rapport de la commission installation de la Chambre d’Agriculture du 14 janvier 2015...

Normaliser, induire les paysans dans un système ou d’autres vont se greffer via de belles, mais surréalistes études d’installation, commissions de maîtrise d’œuvre en bâtiments, journées de formation, sans parler des suivis d’installation, le tout rémunéré sur des budgets divers et variés, régionaux ou Vivea… Niant par là-même la capacité du paysan, censé être un entrepreneur compétent, à décider lui-même des moyens de la validation de sa propre gestion.

Un contrôle inadapté

Par ailleurs, le schéma est complètement incohérent, anachronique, injuste. Il quantifie un revenu standard par actif, avec un revenu standard par hectare alors que les productions sont différentes et avec des revenus différents. Il ne tient pas compte des activités annexes qui peuvent être principales : transformation, vente directe, production d’énergie ou travaux agricoles ou même indemnités de responsabilités agricoles. Cette injuste incohérence confirme bien qu’il n’est que prétexte à cette mainmise sur le monde agricole. C’eût été beaucoup plus simple par exemple de fixer un seuil de chiffre d’affaires.

Dans un environnement très volatil, il est devenu un anachronisme incroyable qui aura simplement pour conséquence de normaliser tant les tailles de ferme que les productions en un modèle unique, élevage laitier de préférence. Imaginons qu’on dise encore aujourd’hui que les Vosges ont vocation à être une terre de textile...

Nous estimons que ce système ne peut perdurer. C’est une véritable et inacceptable faillite.

Nous rappelons que pour nous, le meilleur contrôle serait que les paysans gagnent correctement leur vie sans qu’on les oriente vers cette perpétuelle course en avant dont personne ne connaît les enjeux.

Dynamiser et entreprendre plutôt que contrôler et interdire

A ce système de contrôle, à cette mainmise de quelques-uns pour faire perdurer un système inerte et sans issue dans un monde qui bouge, nous proposons de recréer des dynamiques, basées sur la libération des énergies et l’envie d’entreprendre des paysans, avec pour objectif l’épanouissement de chacun plutôt que le stress permanent.

Ces dynamiques sont plurielles notamment dans des productions qui peuvent être relancées pourvu qu’on les encourage ou les fédère quelque peu. Cela peut aussi être dans des modes de productions plus écologiques, économes, ou autonomes.

La CR88 a plein d’idées à ce sujet. Mais en aucun cas l’avenir ne passera par des schémas de contrôle, des projets agricoles départementaux qui normalisent et planifient l’implanifiable en oubliant l’essentiel : l’imprévisibilité de la nature mais aussi l’énergie des hommes.

Alors libérons ces énergies, plutôt que canaliser, quantifier, contrôler, interdire. Permettons l’épanouissement de chacun et l’expression des potentiels des paysans.

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