Jeudi 20 avril dernier, le président de la Coordination Rurale de la Moselle, Laurent Vaucher, est allé à la rencontre du député Renaissance Belkhir Belhaddad afin d’échanger avec lui sur la non application du contrôle des structures agricoles aux frontières. Un premier contact qui a finalement permis à la Coordination Rurale de donner son point de vue sur les difficultés rencontrées par les agriculteurs en matière d’environnement, de politique agricole commune et d’utilisation des produits phytosanitaires.

Les friches et les ZNT

Dès le début de la rencontre, Belkhir Belhaddad manifeste son intérêt pour le domaine agricole et la nécessité d’adapter le paysage citadin déserté aux zones rurales : « Dans ma circonscription, il y a beaucoup de friches, donc je m’intéresse à leur revitalisation et notamment à la question environnementale ». Laurent Vaucher acquiesce et salue la préoccupation du député tout en rappelant que le plus gros reste à faire : « Dans des commissions comme la CDPENAF dont je fais partie, les acteurs institutionnels tentent de trouver des solutions afin de réhabiliter toutes ces zones où se multiplient les friches industrielles ». Le président de la CR 57 tient néanmoins à évoquer d’emblée le sujet problématique des zones de non-traitement (ZNT) qui le concerne directement. En effet, les ZNT représentent une part non négligeable des terres agricoles périurbaines. En bordure des habitations, les agriculteurs n’ont plus le droit d’épandre de produits phytosanitaires : « On applique uniquement des produits qui ont une autorisation de mise sur le marché et pourtant, les agriculteurs sont toujours mal vus en raison d’une médiatisation à outrance de leur supposée mauvaise utilisation ».

Laurent Vaucher insiste sur le fait que la législation sur les ZNT ne satisfait ni les écologistes qui trouvent qu’il faudrait aller plus loin, ni les agriculteurs qui perdent une partie de leur surface laissée inexploitée le long des habitations.

ZNT

Un exemple de zone de non-traitement

La PAC : des conséquences pourtant prévisibles…

Parler de la politique agricole commune, c’est aussi remonter aux origines de la CR créée pour lutter contre ce système, entériné par le traité de Maastricht en 1992, qui a subordonné l’agriculture française et européenne aux cours mondiaux et mis les agriculteurs sous perfusion.
« Aujourd’hui, on reproche aux agriculteurs de toucher des subventions de la PAC mais à l’origine, ce sont les Français qui ont voté pour rentrer dans ce système, moyennant le paiement de toutes les denrées agricoles au cours mondial pour pouvoir exporter plus facilement » constate le président mosellan.

Une conséquence directe de la ratification du traité de Maastricht et de la PAC de 1992 : les prix des céréales se sont effondrés de moitié. Aujourd’hui, les conséquences perdurent pour les agriculteurs : « Il y a 30 ans, un agriculteur qui touchait 60 000€ de primes PAC annuelles avec très peu de contraintes environnementales se retrouve de nos jours avec 30 000€. Cela représente donc moitié moins de moyens, notamment pour investir ».

À l’heure actuelle, les agriculteurs sont conscients qu’avec toutes les contraintes économiques et administratives imposées par la PAC, les aides européennes sont nécessaires. C’est la raison pour laquelle la Coordination Rurale veut privilégier un système plus libéral permettant aux exploitants de retrouver de l’autonomie : « Nous acceptons la PAC mais nous attendons un certain relâchement de l’État et de l’Europe sur toutes les contraintes environnementales » déclare le président de la CR 57.

La position de la CR 57 sur l’agriculture de conservation et l’utilisation du glyphosate

L’agriculture de conservation est une 3e voie encore méconnue entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle.

Sur de nombreuses exploitations où le sol a beaucoup été travaillé au fil des années et où il s’est appauvri en matière organique, il existe une forte nécessité de réinstaller un système pérenne et durable. Or, ce processus peut mettre de nombreuses années, c’est l’objet de l’agriculture de conservation. Il s’agit d’un système de culture sans travail du sol, permettant le maintien d’une couverture permanente du sol et la diversification des espèces végétales. Cette technique d’agriculture a pour but de renforcer la biodiversité et de garantir un système plus autonome et moins dépendant en engrais. En résulte une utilisation de l’eau et des nutriments plus efficace et l’amélioration durable de la production végétale.
Dans le cadre de l’agriculture de conservation, le glyphosate étant le seul désherbant total permettant aux agriculteurs de nettoyer le terrain avant l’implantation des cultures, Laurent Vaucher a signifié au député que la volonté des instances gouvernementales de supprimer cette molécule au niveau européen était une très mauvaise idée sans solution alternative.

Sur ce point, le député Belhaddad intervient pour défendre le gouvernement qui a essayé de freiner l’interdiction du glyphosate « quitte à être en porte-à-faux vis-à-vis de l’Europe » rappelle-t-il en précisant : « Nous voulions protéger nos agriculteurs ». Le président mosellan lui rétorque tout de même que grâce à M. Macron, le prix du glyphosate est passé de 2,5€ le litre à 13€ le litre en trois ans. D’autant plus que les agriculteurs français en font une utilisation raisonnable, ce qui n’est pas le cas partout, d’où le problème posé par les importations de matières premières agricoles qui ne respectent pas nos normes de production.

Les clauses miroirs : une mesure toujours pas mise en place par le Gouvernement

En France, lorsque l’on utilise du glyphosate, entre le traitement avant semis de la culture de vente et la récolte, il s’écoule plus de 8 mois, ce qui permet d’assurer une production de qualité ne contenant aucune trace de ce produit. En contrepartie, on autorise l’importation de soja et de maïs OGM Round Up Ready de pays où les plantes OGM sont traitées au glyphosate en pleine culture. Laurent Vaucher donne également l’exemple des lentilles au Canada, qui sont traitées avec du glyphosate pulvérisé sur la plante pour accélérer la maturité avant récolte, ce qui est strictement interdit en France. Cela ne nous empêche pas d’importer ces lentilles sur le territoire européen.

À l’inverse, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) avait en octobre dernier décidé d’interdire l’utilisation de phosphine en contact direct avec les céréales à destination des pays hors Union européenne. Cette décision avait beaucoup fait réagir, surtout dans les pays du Maghreb, demandeurs d’un tel traitement et refusant même l’importation de céréales qui ne seraient pas traitées avec de la phosphine. Une situation qu’a déploré la CR et à juste titre puisque le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, est lui-même intervenu en s’engageant à ce que cette interdiction n’entrave pas les exportations en dehors de l’UE dès lors que d’autres pays européens l’utilisent également pour leurs propres exportations. Laurent Vaucher a déploré cette décision unilatérale de l’agence, et sans concertation avec les institutions gouvernementales. Ce qui aurait évité une polémique inutile.

Autre exemple : les champs de colza dont la surface diminue chaque année à cause de l’interdiction du phosmet. « Il y a deux ans, explique Laurent Vaucher, la surface de colza était équivalente à 1,5 million d’hectares. Aujourd’hui, on est passé à 1,1 millions et les prévisions de l’année prochaine descendent à 700 000 hectares ».

Une réalité qui peut avoir des conséquences dramatiques : « On peut perdre jusqu’à 30 % de rendement alors qu’en parallèle, on va autoriser l’importation de canola (colza de printemps canadien). Le Gouvernement devait mettre en place des clauses miroirs mais cela se fait encore attendre ».

Laurent Vaucher interpelle donc le député : « Que deviennent les marchandises françaises si celles importées de l’étranger sont traitées avec des produits alors que nous n’en avons pas le droit ? Si on prend l’exemple des pommes, celles-ci arrivent moitié prix de Pologne et sont traitées avec des produits qu’on interdit en France ! »

Le député reconnaît alors que : « Sur l’harmonisation, il y a encore des progrès à faire… »

 

La Coordination Rurale remercie le député pour son écoute active sur toutes les problématiques qui ont été abordées et espère pouvoir échanger à nouveau sur des sujets aussi vitaux pour les agriculteurs.

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