Ce mardi 26 septembre, la Coordination Rurale organisait une nouvelle conférence au sein de l’Assemblée nationale pour évoquer avec les députés et collaborateurs présents le sujet des accords de libre-échange. L’objectif de cette conférence était d’ouvrir le débat quant à la concurrence déloyale et aux importations toxiques, et ce notamment dans le cadre des échéances de fin d’année concernant le MERCOSUR et la loi d’orientation et d’avenir agricole.

En introduction, il a été rappelé que les enjeux sont double et portent à la fois sur des problématiques de santé publique (exemple récent du miel frauduleux), mais aussi économiques puisque le secteur agricole n’est pas une activité comme une autre et, à ce titre, mérite d’être protégé. Récemment, certains pays ont pris ces mesures de protection comme l’Algérie ou les pays d’Europe de l’Est confrontés aux exportations ukrainiennes. De même, de trop rares précédents existent en France à l’exemple de l’interdiction des importations de cerises fraîches de pays autorisant le diméthoate sur cerisier. Il s’agit donc bien d’une volonté politique qui n’est pas uniquement du ressort de l’Union européenne.

1. Nos institutionnels vantent la souveraineté alimentaire, mais qu’en est-il vraiment ?

Joris Miachon, arboriculteur dans la Drôme et président de la Coordination Rurale Auvergne-Rhône-Alpes a fait un état des lieux sur la stagnation (voire le recul) politique en la matière.

Il y a eu des initiatives politiques qui ont été et qui continuent d’être menées, dont notamment, en 2020, la publication de la liste de 100 substances actives interdites en Europe ; ainsi que cette année la proposition de résolution visant à lutter contre les sur-transpositions en matière agricole et le plan de Souveraineté alimentaire Fruits & Légumes.

Ce dernier plan évoque l’encadrement de limites maximales de résidus de pesticides (LMR) sur les aliments importés et admet clairement qu’aucune véritable avancée n’a été permise Il s’agit donc d’une gageure dans la mesure où mettre la LMR à la limite de quantification pour les produits phytosanitaires interdits en UE est une positon que la France va défendre auprès de la Commission européenne. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas prendre un arrêté français ? Tout comme pour les importations de cerises traités au diméthoate ou phosmet, il faudrait arrêter d’attendre auprès de l’UE des décisions qui peuvent être prise au sein de notre pays (voir article : « Importations : De qui se moque la commission ? »)

Joris Miachon a ainsi rappelé que 1 189 alertes sanitaires concernant des fruits et légumes importés ont été émises au cours de la période 2020-2022.

En réalité, il y a un double discours entre les paroles et les actes de la part de nos gouvernants qui affirment, à l’exemple du président Emmanuel Macron, que déléguer notre alimentation à d’autres est une folie. Ces éléments de langage sont caractéristiques d’une pseudo prise de conscience. Mais, dans les faits, la signature de traités toujours plus nombreux et offrant toujours plus de droits à exporter vers l’Union européenne des produits agricoles non conformes à nos standards semble confirmer la tendance inverse.

• UE / Ukraine (2015)
• UE / CETA (2017)
• UE / UK (2021)
• UE / Nouvelle Zélande (2023)
• Mercosur (en négociation depuis 1999, discussion à nouveau en cours)
• UE / Mexique (en cours)
• UE / Australie (en cours)
• UE / Inde, Indonésie (?)

2. Quelles mesures pour protéger le secteur agricole de tous ces accords de libre-échange ?

Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière bio dans le Finistère et présidente de la Coordination Rurale Union Nationale qui évoquera les actions qui peuvent être conduites.

1. La création d’une commission des importations qui aurait pour mission de recenser les produits importés qui ne respectent pas nos normes. Elle aurait pour but d’alerter et d’émettre des avis, en particulier en amont des discussions sur les accords de libre-échange. La Suisse, par exemple, est déjà dotée d’une commission similaire à celle qui pourrait être créée au sein de l’Assemblée nationale française.

2. Cette commission pourrait ainsi permettre de déposer des clauses de sauvegarde pour chaque produit phytosanitaire ou mode d’application interdit en Europe, tant pour les productions agricoles en provenance des pays tiers que pour les productions intra-européennes.

Contrairement à ce qui est écrit dans le Plan de Souveraineté alimentaire F&L, il ne s’agit pas uniquement de « promouvoir la réciprocité des normes », il s’agit de véritablement les mettre en œuvre ! 

3. Appliquer l’article 44 de la loi EGAlim qui est une demande de longue date de la CR

4. Assurer un renforcement, un meilleur ciblage et une transparence totale des contrôles douaniers effectués sur les denrées alimentaires importées en France et en Europe pour vérifier leur application. Les moyens de contrôle existent mais sont trop faible pour permettre autre chose que des « coups » de pression très espacés. On le voit avec l’exemple du miel frauduleux.

5. Demander à ce que les traités soient votés par les Parlements nationaux. Cela a pu être le cas pour le CETA, il n’y a pas de raison que les futurs accords de libre-échange fassent l’objet d’une telle opacité.

Véronique Le Floc’h a conclu l’intervention en affirmant que si la France peine à faire entendre sa voix au sein des institutions européennes, elle devrait au moins pouvoir faire jouer les dispositifs qui sont en son pouvoir pour protéger ses productions. Des accords continuent d’être signés et malgré les beaux discours, il n’y a, en réalité, pas de mesure significative qui permettent véritablement de protéger les filières françaises et européennes.

3. Débat : les nombreux écueils des accords de libre-échange

Les interventions ont ensuite laissé place à un temps d’échange.

La question des contrôles, dont ceux de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a été posée par le député Dominique Potier. Il est en effet difficile de connaître la teneur exacte des contrôles qui sont effectués par les autorités compétentes en la matière, or il s’agit bien là d’un sujet central La question des contrôles, dont ceux de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a été posée par le député Dominique Potier.

Il est en effet difficile de connaître la teneur exacte des contrôles qui sont effectués par les autorités compétentes en la matière, or il s’agit bien là d’un sujet central puisque sur les 1498 substances identifiées par le rapport du sénateur Duplomb, seules 176 sont incluses dans le plan de contrôles de l’UE. Bien que la France aille un peu plus loin en en contrôlant 568, qu’en est-il des 930 restantes ?! Nous sommes très loin du compte. Véronique Le Floc’h a ainsi rappelé que le plan de contrôle européen devrait inclure l’ensemble des substances interdites.

Le député Arnaud Le Gall, également signataire de la résolution sur le Mercosur, a abondé dans ce sens en signalant que des lois étaient signées, mais sans aucune assurance de leur application effective. Il a par ailleurs affirmé son opposition ferme à tout accord de libre-échange qu’il juge délétère dans la mesure où, tous reposent sur le principe de mise en concurrence via des prix à la baisse. Le député de la Vienne, Pascal Lecamp, quant à lui, ne condamne pas ces accords, mais a exprimé la nécessité de veiller aux prix qui sont négociés dans ce cadre, ainsi que de faire preuve de davantage de transparence sur la teneur exacte des ALE.

La Coordination Rurale tient à remercier les députés et collaborateurs présents pour leur écoute et leur participation, dont notamment Monsieur le député Dominique Potier ayant permis les conditions de ce débat. Cela a permis, en outre, de faire vivre le pluralisme syndical et de faire entendre différents points de vue.

Francis Dubois (LR), député de la Corrèze
Josiane Corneloup (LR), députée de la Saône-et-Loire
Florence Goulet (RN), députée de la Meuse
Pascal Lecamp (Démocrate), député de la Vienne
Arnaud Le Gall (LFI), député du Val-d’Oise
Nicole Le Peih (Renaissance), députée du Morbihan
Dominique Potier (PS), député de la Meurthe-et-Moselle
Hubert Ott (Démocrate), député du Haut-Rhin
David Taupiac (LIOT), député du Gers

Collaborateur de Marie-Noëlle Battistel Collaboratrice de Chantal Bouloux (Renaissance), députée des Côtes-d’Armor
Collaborateur de Guillaume Garot (Socialiste), député de la Mayenne
Collaboratrice de Mathilde Hignet (LFI), députée d’Ille-et-Vilaine
Collaborateur de Freddy Sertin (Renaissance), député du Calvados
Collaboratrice de Liliane Tanguy (Renaissance), députée du Finistère

Pour aller plus loin :

  • Tract exception agriculturelle (2018) : ICI
  • Argumentaire traités de libre-échange (2019) : ICI
  • Lettre à Monsieur Emmanuel Macron (2020) : ICI
  • Dossier Souveraineté alimentaire (2022) : ICI
  • Fiche exception agriculturelle (2023) : ICI

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