Ce matin je me lève admiratif, oui, admiratif de penser à tous mes collègues agriculteurs qui, comme moi, se lèvent pour faire le travail le plus noble qui soit, celui de nourrir la population, entretenir les paysages de notre pays et tout cela pour rien ou si peu ! Je suis aussi admiratif de notre ministre de l'Agriculture française et de ses prédécesseurs. Pourquoi me direz-vous puisque nous sommes toujours dans la misère, mal payés, asservis par nos industriels ?
Eh bien, depuis de nombreuses années j'ai, comme mes collègues de la Coordination Rurale, participé à de nombreuses réunions (États généraux de l’alimentation, négociations commerciales, loi EGA...) sur le sujet de la rémunération des agriculteurs, enfin, surtout sur le prix de nos productions. À ces diverses occasions, j'ai quand même remarqué des ministres qui voulaient que les choses évoluent et vite de préférence (oui un ministre veut marquer son passage rue de Varennes et son temps est compté). Que fait ce ministre ? Eh bien il consulte, organise des réunions et finit toujours par prendre une décision proche du syndicat agricole majoritaire (il faut bien éviter le lisier, le fumier et autres joyeusetés devant les préfectures) ! Vous vous demandez où je veux en venir ? Je veux tout simplement vous expliquer que le problème de nos prix n'est pas uniquement lié au bon vouloir des GMS (grandes et moyennes surfaces), ni aux négociations commerciales ou à notre ministre. Le syndicat majoritaire qui, si vous l'écoutez bien, veut être compétitif pour exporter et ainsi augmenter le chiffre d'affaires de ses copains de la coopération agricole et de l'Ania (association nationale de l'industrie agroalimentaire), a une grande part de responsabilité ! Vous ignorez sans doute que les directeurs de ces entreprises ont un salaire indexé sur le chiffre d'affaires de l'entreprise et sur le nombre de salariés (donc bien évidemment leur but est de faire monter ces deux curseurs) ! De quoi oublier vite fait bien fait les intérêts de leurs fournisseurs de matières premières ! Mais pour exporter il n'y a pas 50 solutions : soit vous faites un produit d'exception (caviar, champagne, grand vin) et là, vous imposez votre prix ! Soit vous faites un produit standard et vous êtes soumis à la loi de l'offre et de la demande à l’échelle mondiale. En gros, si vous avez la chance d'être dans une production déficitaire, les prix montent pour inciter les producteurs à produire davantage pour compenser le manque (exemple : les céréales en 2007). Mais, si vous êtes dans une production excédentaire, les prix baissent pour vous faire baisser votre production. Cela n’est qu’en théorie puisque, en pratique, c’est plutôt le contraire se produit car les producteurs tentent de compenser la chute de prix. Voilà le pourquoi des crises !
Monsieur le ministre de l'Agriculture, soyez novateur, soyez ambitieux, bref soyez le nouvel Edgard Pisani de l'agriculture ! Envoyez Madame Lambert en retraite et dites à Monsieur Vandaele de retourner en cours d'économie ! Monsieur le ministre, prenez votre bâton de pèlerin et faites rapidement le tour de l'Europe pour imposer une gestion de l'offre des produits agricoles ! Les agriculteurs français seront majoritairement derrière vous puisqu'ils veulent des prix et pas des primes, ils veulent vivre de leur travail et pas vivre pour travailler ! À défaut, monsieur le ministre, l'agriculture française va dépérir, il restera peut-être quelques résistants en vente directe et des grosses entreprises céréalières mais tout le reste disparaîtra faute d'avoir fait le nécessaire ! Par conséquent, monsieur le ministre, vous avez deux possibilités, celle que je viens d'énumérer (gestion de l'offre) ou arrêter tout de suite d'injecter de l'argent public (du contribuable) dans l'élevage. Car, sans décisions politiques fortes, il disparaîtra et, en bon gestionnaire, vous auriez donc tout intérêt de mettre cet argent dans les alternatives aux produits animaux… Mais, est-ce vraiment ce dont nous voulons ? Je ne pense pas ! Tant qu’on ne me dira pas le contraire, je continuerai de me battre pour mon métier, ce métier indispensable qui est en première ligne au quotidien !
Pascal AUBRY, président de la Coordination Rurale des Pays de la Loire