La Coordination Rurale exerce son droit de réponse

Depuis le 25 octobre, il est relaté dans la presse que les eurodéputés ont voté mardi 24 octobre la réduction de 50 % de l’usage des « pesticides » dans l’Union européenne d’ici 2030. À cette heure, seuls les députés de la commission Environnement se sont prononcés. Il s’agit d’une étape ni plus ni moins. En outre, un vote doit avoir lieu sur le glyphosate au mois de novembre. La Coordination Rurale souhaite apporter une réponse nuancée à cette actualité aux airs d’effet de manche.

Quelle utilisation des PPP en France ?

La Commission européenne souhaite réviser la directive sur l’usage durable des pesticides (SUD) pour devenir un règlement, plus contraignant sur l’utilisation de produits phytosanitaires et destinée à réduire leur volume. Parler en pourcentage c’est toujours rassurant. Cela permet un affichage simple, sans se poser de questions.

Une fois passé l’effet d’annonce, revenons-en à des faits concrets : la France utilisait 1319 molécules en 1984 alors qu’elle n’en utilise plus que 389 à l’heure actuelle. En près de 40 ans, 66 % des molécules disponibles ont été supprimées. Depuis juin 2022, date de la législation européenne sur les produits phytopharmaceutiques, 58 molécules ont été rayées des listes.

Il n’aura donc pas fallu attendre le Grenelle de l’environnement en 2007 puis le plan Ecophyto de 2008 pour considérer l’idée d’une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires en France. La réduction de 50 % des PPP est une réalité française et ce depuis déjà longtemps. En répétant au fil des années et de manière pavlovienne la même formulation trompeuse, l’Union européenne fait prospérer une réglementation devenue extrêmement préjudiciable pour les agriculteurs français, qui peuvent utiliser de moins en moins de molécules et ont donc de moins en moins de possibilités de traiter. Si cette formule avait un sens l’année où elle a été prononcée pour la première fois en 2008, elle devient perfide dans la mesure où l’on ignore à partir de quand elle aura vocation à s’appliquer.

Il faut également savoir demeurer rationnel : 50 % est un chiffre politique et émotionnel. La raison ne commande-t-elle pas de se garder de toute extrémité ? C’est-à-dire celle d’utiliser des produits sans raison…mais aussi celle de laisser périr plantes et animaux quand l’envahissement et la maladie sont là ! La nature commande, nous nous y adaptons en soignant les plantes et les animaux quand c’est nécessaire. Lorsque déjà de très nombreuses molécules ont été retirées, affirmer, sans tenir compte de la situation réelle de chaque pays de l’Union européenne, que 50 % doivent encore être supprimées, cela signifie-t-il une volonté de désarmer les agriculteurs français, puisqu’il s’agit d’attaquer le noyau dur de la protection des plantes ? En effet, si l’on doit à nouveau amputer 50 % des 34 % de molécules restantes en 2023, les agriculteurs français devront alors travailler avec un maigre résiduel de 17 % (base 1984). Nos eurodéputés veulent–ils se rendre coupables d’une réduction des molécules de synthèse de protection des plantes qui, davantage sollicitées puisque trop peu nombreuses, créeront rapidement des résistances et ce faisant, livreront nos cultures sans défense à la dévastation ?

Des analyses qui ne trompent pas !

Concernant le glyphosate, je veux ici rappeler le rapport du 17 juin 2020 de Monsieur François Veillerette (coordination et rédaction), de Monsieur Nicolas Malval (analyses statistiques) et de Madame Nadine Lauverjat (mise en forme et relecture). Je précise que Monsieur Veillerette est directeur de Générations futures après en avoir été le président. Chacun sait qu’il ne peut pas être soupçonné de complaisance envers le monde agricole. L’objectif du rapport était d’identifier l’ensemble des substances retrouvées lors de prélèvements dans l’eau du robinet et d’établir un état des lieux en fonction de leur nombre d’occurrences et de leur toxicité. Pour cela, deux critères ont été retenus : le caractère CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique) et le potentiel perturbateur endocrinien. « C’est l’ingénieur en biologie de Générations Futures qui a effectué ce travail » (mot pour mot, page 5 du rapport). Nous trouvons page 6 du rapport les résultats pour le glyphosate (dont métabolite) : cancérigène NON, mutagène NON, reprotoxique NON, perturbateur endocrinien NON.

Je rappelle également que j’ai participé au protocole des « pisseurs volontaires » du 86 dans la recherche du glyphosate dans les urines (article paru dans vos éditions sous le titre : « Un pisseur sceptique »). Je rappelle que si l’association « Les pisseurs volontaires » a trouvé du glyphosate dans mes urines, le CHU de Limoges n’en a pas trouvé (analyse réalisée par chromatographie, document signé par deux professeurs et trois médecins). Mon sang non plus ne contenait pas de glyphosate après une analyse complémentaire de ma propre initiative. J’indique que j’utilise le glyphosate depuis qu’il existe. Tous les éléments indiqués ici sont un succinct résumé de ce que j’ai adressé à Monsieur le Procureur de la République de Poitiers par LRAR les 14 octobre 2019 et 20 août 2020, en soutien à deux dépôts de plaintes à l’encontre de l’association « Nous voulons des coquelicots » où nous retrouvons Monsieur François Veillerette.

En conclusion, il faut impérativement arrêter de faire passer les agriculteurs pour des pollueurs et stigmatiser l’utilisation de produits phytosanitaires. S’ils en utilisent, c’est que cela est nécessaire pour produire. Il faut sortir de la position paradoxale qui consiste à interdire pour la production française l’utilisation d’un produit, mais à autoriser les importations depuis des pays qui en maintiennent l’utilisation !

Jean-René Gouron
Ancien président de la Coordination Rurale de la Vienne
Ancien président de la Coordination Rurale Poitou-Charentes
Membre Associé à la Chambre d’agriculture de la Vienne
Agriculteur retraité en continuité d’activité

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