Chers collègues et amis,

2014 fut sans nul doute une année charnière avec la fin des quotas, et aussi la nouvelle PAC qui s'annonce avec beaucoup de retard.

2014 ne sera pas un millésime même si les éleveurs laitiers ont connu un léger mieux avec de meilleurs prix de vente. Les éleveurs de viande, eux, doivent toujours faire face à des prix très moyens. Quant aux céréaliers, que peuvent des rendements moyens à bon face à des prix moyens à mauvais ?

Que sera 2015 ? Plutôt que de s'attarder sur l'épisode Charlie, déjà oublié et récupéré politiquement, je vous propose de ne pas oublier ce qui se trame durablement pour nous paysans et qui est savamment orchestré par nos hiérarques politiques et autres. Tout d'abord, la fin des quotas laitiers, amorce d'une vaste restructuration qui va voir probablement disparaître les 2/3 des éleveurs en 20 ans. Au menu : concentration des élevages, prix très volatiles et plutôt bas et mainmise des laiteries (devenues de fait détentrices des quotas laitiers) sur les éleveurs. 2015 c'est aussi la nouvelle PAC, à peine ficelée et dont nous ne connaissons pas encore vraiment les règles. Sachez que demain 9 avril, je suis convoqué par le Préfet, avec quelques autres responsables agricoles, pour une réunion avec pour objectif prioritaire : payer les primes en temps et en heure ! Depuis 20 ans, nos îlots sont chaque année revus et corrigés à la baisse et doivent être très conformes à la réalité. Et bien non, cette année, l'IGN a été mandaté pour reformater ceux-ci (à la baisse bien sûr), et nous n'aurons accès à notre parcellaire que le 27 avril. Bien sûr, un délai supplémentaire jusque début juin nous est royalement accordé pour nos déclarations. Aujourd'hui, nos politiques et fonctionnaires européens sont à la remorque et nous devrions subir les conséquences de leurs errements et retards ? Nous sommes au bout d'un système qui ne peut plus tenir ni pour nous ni même pour l'administration chargée de faire appliquer des règlements absurdes. C'est devenu insupportable ! Ce système "normes règles primes contrôles sanctions" ne peut plus durer. Nous devrons à terme nous affranchir de ce système asservissant et mettre en place solidairement et tous unis un modèle de production autonome et économe qui nous permette de rester demain paysans ! Entre ce néo soviétisme européen qui nous donne des directives mais nous laisse les responsabilités (notamment financières) et le système impérialiste américain qui se profile via, entre autres, le grand accord transatlantique, nous allons devoir reprendre notre destinée en main et construire notre propre modèle. Mais entrer en résistance sans agir ni construire serait suicidaire. Aussi devons-nous nous unir pour partager nos expériences, réfléchir et ébaucher un modèle d'avenir. Allons-nous encore longtemps accepter que d'autres énarques pseudo-écologistes ou aventuriers politiques décident à notre place et nous expliquent comment cultiver ? Allons-nous encore longtemps accepter d'être corvéables et contrôlables à merci sans réagir ? Ou préférons-nous à l'inverse être asservis à l'agrobusiness et au libéralisme sans liberté que nous proposent les accords de libre échange profitables aux grands groupes financiers, aux multinationales, aux filières, mais surtout pas aux paysans que nous sommes ? Refusons d'être la simple variable d'ajustement de toutes les constantes de ce système qui n'a d'autre but que de faire de nous des sous-traitants dévoués. Alors reprenons notre destinée en main, durablement. Ne vendons notre âme à aucun diable et gardons notre humanité et notre bon sens paysan. N'oublions jamais notre devoir : ce contrat moral qui nous lie à la société, celui de la confiance que nous devons restaurer. Notre rôle n'est pas de devenir de simples producteurs basiques de matières premières, mais bel et bien de permettre à nos concitoyens de bénéficier d'une alimentation saine voire savoureuse. Notre devoir est aussi de préserver notre environnement et respecter cette nature dont nous sommes issus. Je tiens à rappeler que nous sommes les 1ers écologistes, même le Premier Ministre le reconnaît (mais en parole seulement). Alors sachons rénover ce contrat moral avec notre société. C'est un formidable effet de levier car relever ce défi c'est s'appuyer sur l'opinion publique, qui seule peut nous permettre de contrarier tant les errements politiques que les velléités financières asservissantes. Alors soyez fiers d'être paysans. Parlez entre vous ; parlez autour de vous ; redevenez autonomes ; soyez économes et ne doutez pas trop ! Avancez, agissez et vous serez respectés ! Dominique HUMBERT Président de la CR88

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