Pour le quatrième trimestre 2022, un agriculteur a perçu en moyenne 950 € nets de retraite par mois (source MSA).
Pour vous montrer ce qu’est la retraite actuelle et future des agriculteurs, quatre d’entre eux ont accepté de témoigner.

Jean-Louis Ogier, ancien arboriculteur en Isère, en retraite depuis 14 ans :
« Les démarches pour prendre ma retraite ont été compliquées, il manquait toujours un papier et des problèmes que la MSA n’arrivait pas à régler ne cessaient d’apparaître.
Si je n’avais pas connu les directeurs MSA en tant que président CR, je ne sais pas comment j’aurais fait.
Je touchais environ 900 € de retraite au début, j’en touche aujourd’hui 1030 €, 14 ans plus tard.
Ma femme, qui a été salariée avant de venir sur la ferme, touche la même retraite pour ses 10 ans de salariat que pour le reste de sa carrière en tant qu’aide familiale puis conjointe collaboratrice.
Au niveau du capital de la ferme, nous n’avons pas eu de retour financier. Nous avons transmis à nos enfants alors nous n’avons rien vendu. Nous touchons juste une petite location de bâtiment mais c’est tout. » 

Yvon Riotteau, ancien éleveur en vaches allaitantes, volailles en label et poules pondeuses dans le Maine-et-Loire, en retraite depuis 1 an et demi :
« J’ai pris ma retraite le 1er novembre 2021 à 61 ans et c’était un vrai parcours du combattant ! J’ai dû photocopier l’ensemble de mon dossier 3 ou 4 fois. Il n’y a pas de porte entre les bureaux MSA, le dossier arrive et les feuilles s’égarent.
Au niveau du montant, ce n’est pas clair du tout. J’ai pris ma retraite au moment où la loi Chassaigne a été votée et j’avais à l’époque 790 € de retraite. J’ai dû appeler pour demander des informations, notamment pourquoi je n’atteignais pas du tout les 85 % du SMIC. Finalement, j’arrive à environ 1000 € de retraite (comprenant ma retraite d’ancien élu municipal).
Je pensais avoir la bonification enfants car j’en ai trois, mais non. J’ai l’impression qu’ils retranchent beaucoup de choses dès qu’on atteint un certain plafond.
De même, je pensais que ma retraite serait revalorisée en même temps que le SMIC mais ce n’est pas le cas.
Ma mère a une retraite en tant que salariée et une en tant qu’agricultrice. Administrativement, la partie dépendant du système général se passe globalement bien mais celle dépendant de la MSA est catastrophique. Les démarches sont très compliquées et il est impossible d’avoir des réponses claires à nos questions »

Dominique Lefranc, éleveur laitier dans la Manche, en retraite dans un an :
« Avec la réforme des retraites, je vais probablement devoir partir 6 mois plus tard que prévu. J’ai commencé à 18 ans, je suis donc en carrière longue mais la réforme augmente le nombre de trimestres nécessaires pour avoir la retraite à taux plein.
Je suis toujours dans le flou, il est très difficile d’avoir des renseignements avec la MSA. Quand j’essaye de prendre rendez-vous sur mon espace, on me dit qu’on va me rappeler et quand ils le font, on me dit qu’ils ne prennent pas de rendez-vous pour parler de la retraite. Je pensais devoir travailler 2 ans de plus mais la personne de l’accueil m’a dit 6 mois, j’espère qu’elle a raison.
Normalement, je pars donc à 60 ans en juin 2024 mais je ne connais pas le montant de ma retraite ni même si j’atteindrai le taux plein.
Psychologiquement, c’est compliqué de continuer, j’avais prévu d’arrêter et je me suis projeté sur autre chose. »

Grâce à ces témoignages, il est facile de remarquer que rien ne change. Les démarches sont toujours aussi compliquées et les montants toujours aussi bas quelle que soit la génération.

Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière dans le Finistère, en retraite dans 15 ans conclut : 
« Pour compenser les retraites, beaucoup de personnes extérieures au monde agricole parlent du capital financier que représente l’exploitation, mais c’est une idée reçue car il existe beaucoup de disparités. Certains vendent les bâtiments, mais à une valeur très souvent largement dépréciée. Ça n’aurait pas été le cas si l’investissement avait concerné des bureaux qui eux n’auraient pas subi de dépréciation.
Concernant les terres, elles peuvent être vendues ou, dans les cas où l’achat n’est pas possible, louées. De plus, le bénéfice n’est pas toujours élevé en raison de la CSG et des impôts fonciers.
D’autres transmettent à leurs enfants via une donation par exemple, et donc sans perception de capital.
Il n’y a qu’en agriculture que l’on regarde ce soi-disant capital. À la CR, nous sommes heureux pour ceux qui arrivent à rentabiliser leur ferme au moment de la céder mais cela ne concerne que très peu d’agriculteurs.

Il faut aussi relever que la retraite des personnes ayant travaillé sous un statut de conjoint collaborateur ou d’aide familiale sera bien plus basse, alors même que les revenus des NSA inférieurs aux assiettes minimum de cotisations sont gravement surimposés.
Il y a un vrai manque de reconnaissance du métier d’agriculteur. Leur mise en précarité est assumée et pourtant les choses ne changent pas ou très lentement. Le coût de la vie augmente sans cesse mais le montant des retraite ne suit pas. »

En effet, que penser d’un État qui laisse dans la misère les personnes qui nous nourrissent une fois l’âge du repos venu ?

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