Même Albert Spaggiari aurait sans nul doute reconnu la performance de son digne successeur. Si l’auteur du délestage massif de la Société Générale de Nice en juillet 1976 a commis son forfait sans armes, ni haine, ni violence, son héritier se paie le luxe de prévenir ses victimes. N’allez pas croire que l’annonce préalable ait été faite par lettre anonyme. C’est par voix de presse que notre futur maître du casse a fait savoir qu’il comptait rafler plusieurs milliards à l’Agirc-Arrco. Non content de dévoiler par avance ses intentions, il se paie le luxe de s’afficher en public et de courir les plateaux des médias.
L’État convoite les réserves de l’Agirc-Arrco, caisse qui gère entre autres la retraite complémentaire des salariés agricoles. Suite à la réforme des retraites, le gouvernement estime que le nouveau régime va faire entrer 22 milliards d’euros (sur 15 ans) dans les caisses d’Agirc-Arrco. En conséquence, il considère qu’une partie du magot lui revient de droit, et propose d’amputer 3 milliards par an à la caisse complémentaire. La somme ponctionnée doit officiellement servir à revaloriser les petites retraites. Si la complémentaire dispose d’une réserve de 68 milliards d’euros, cela représente moins d’une année de prestation, ce qui est très peu. Quoi qu’il en soit, le ministre du Travail a déjà prévenu qu’un texte de projet de loi de finances de la Sécurité sociale était envisagé.
La volonté de l’État de s’accaparer les avoirs des cotisants – pour leur propre bien – n’est pas nouveau. Lors des échanges avec Véronique Le Floc’h, le président de la CCMSA, Pascal Cormery a rappelé qu’il devait, comme ses prédécesseurs, lutter pour éviter que les énarques étatiques ne mettent la mains sur la mutualité sociale agricole. Bien évidemment, c’est toujours sous prétexte d’une bonne gestion que les tentatives de braquages sont opérées. Un rapide coup d’œil aux finances publiques permet de comprendre pourquoi les dirigeants actuels de la MSA (qui n’est pas exempte d’écarts) ont quelques doutes.
La philosophie du braquage est bien rodée. L’État décide seul d’une réforme, sans consulter qui que ce soit et surtout pas les organismes de Sécurité sociale ou les complémentaires. Les syndicats agricoles n’en parlons même pas ! Une fois le forfait accompli, l’État se tourne vers les caisses de retraite et exige une commission dont il a, bien évidemment, pensé les modalités et le montant.
La Coordination Rurale ne peut que s’opposer à cette manœuvre honteuse. Ce type de comportement fragilise nos organismes, les rendant dépendants des aléas électoralistes. À terme, la MSA et l’Agirc-Arrco passeront sous le joug des ministères et serviront les carrières politiques, tout autant sinon plus que les retraites des agriculteurs et de leurs salariés.