Dans une étude réalisée par le cabinet Agrex Consulting pour le compte de FranceAgrimer publiée en décembre 2019, la France apparaît comme le pays le plus compétitif sur le marché mondial des produits laitiers en 2018. En effet, la filière laitière est caractérisée par l’importance des échanges sur le marché mondial, marché sur lequel la France bénéficie de nombreux atouts et notamment de sa forte présence à l’international. Cependant, cette position de leader mondial sur la compétitivité est à nuancer du point de vue des éleveurs. L’observatoire de l’endettement et des trésoreries élevages bovins lait indiquait qu’en hiver 2018, la situation financière des élevages laitiers était en berne. Le revenu disponible diminue de manière marquée de l’ordre de -10 à -30 %, s’établissant en moyenne à 16 000 € annuel par UTH familiale ce qui ne permet par de tirer une marge de sécurité.

Le classement s’établit sur la combinaison de 7 catégories (macroéconomie, maîtrise des facteurs naturels et durabilité des ressources, potentiel de production laitière, capacité d’organisation des filières, maîtrise technologique de la fabrication des produits, portefeuille des marchés, capacité des opérateurs à conquérir les marchés). Pour la section Lait de la CR, ce classement s’intéresse non pas à la compétitivité de la production laitière, mais bien à celle des industries laitières. Parmi ces critères, la section Lait de la CR en pointe notamment 5 qui impactent directement le revenu des producteurs :

• Durabilité des ressources : ce sont directement les éleveurs qui financent la gestion sanitaire et la surveillance des maladies ; • Capacités d’organisation de la filière : est-ce opportun que la transformation soit concentrée aux mains de quelques industriels qui peuvent plus facilement imposer leur prix ? • Maîtrise technique : ce sont les éleveurs qui assurent une production stable et de qualité ; • Portefeuille des marchés : Si les industriels français peuvent conquérir des marchés à l’export, c’est en imposant des prix à la production toujours plus faibles au regard des charges de production ; • Capacité à conquérir les marchés : les investissements des industriels réalisés à l’étranger se sont faits aux dépens de la rémunération des producteurs.

Il n’y a donc aucune raison de se féliciter, il faudrait au contraire s’inquiéter de la position de la France dans ce classement qui se fait aux dépens des producteurs.

Proposition d’une huitième catégorie : couverture des coûts de production des éleveurs

Parmi les sept catégories (totalisant quarante facteurs de compétitivité) pour treize pays présents sur le marché mondial des produits laitiers, aucun ne fait référence à la couverture des coûts de production des éleveurs. Cette omission peut paraître caduque mais elle est pour nous centrale : avec la prise en compte de cette catégorie supplémentaire, la France aurait du mal à tenir le haut du classement. De plus, le fait d’avoir de nombreux éleveurs se trouvant dans des situations financières exsangues se répercutera inévitablement sur la compétitivité du pays à plus ou moins long terme. Il nous paraît d’ailleurs utopique de se réjouir de cette première place, lorsque l’on connaît la situation financière dans laquelle se trouvent les éleveurs laitiers français qui pourtant représentent la base de ce système pyramidal. La compétitivité de la France est donc le résultat d’années de prix bas payés à des éleveurs qui se serrent la ceinture. Jusqu’à quand cela pourra t’il durer ?!

En 2018, le prix réel moyen payé aux producteurs français se trouvait à 355 €/1000L, soit 67 €/1000L inférieurs à leurs coûts de production s’établissant à 422 €/1000L en moyenne sur 5 ans (méthode Couprod validée par l’interprofession laitière). Pour la Coordination Rurale, le prix permettant de couvrir l’ensemble des coûts de production et assurer une rémunération du travail de l’éleveur et du capital se trouve à 450 €/1000L.

La compétitivité de la France sur le marché des produits laitiers, c’est : • Perte de 56 000 exploitants laitiers entre 2000 et 2016 avec une moyenne d’âge de 54 ans ; • Des éleveurs travaillant environ 70h par semaine pour un salaire inférieur au SMIC (la médiane se trouvait à 10 500€ en 2016) ; • Des aides PAC supérieures aux revenus lors de deux années sur les dix dernières ; • Des outils insuffisamment renouvelés : à peine 20 % de robots et manèges contre encore 10 % de lactoducs et 56 % de salles de traite traditionnelles installées dans les années 80.

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