Aujourd’hui plus que jamais, nous (les viticulteurs) sommes montrés du doigt que ce soit par les anti-alcool ou maintenant par les anti-« pesticides ». La désinformation nous tue car des médias et des politiciens tentent de trouver des bouc-émissaires face à des problématiques dont ils ne connaissent pas tous les enjeux.

« Les consommateurs sont avides de connaissances et de savoir autour du vin, car il fait partie de notre patrimoine culturel »

Alors oui l’alcool tue chaque année, mais le vin est-il vraiment le responsable ? Pourquoi ne pas renforcer encore plus les moyens mis en œuvre pour éduquer et sensibiliser autour de ce produit ? Pourquoi croient-ils que l’œnotourisme se développe ? Les consomma-teurs sont avides de connaissances et de savoir autour du vin, car il fait partie de notre patrimoine culturel ! Ce n’est pas un simple flacon d’alcool !

« Obligeraient-ils leurs proches à ne pas se soigner lorsqu’ils sont gravement malades ? »

Pour ce qui est des produits phytopharmaceutiques (certains utilisent le terme vulgaire de « pesticide »), pourquoi ne comprennent-ils pas que ce n’est pas pour nous un plaisir de les utiliser ? Tout le monde sait que ces produits coûtent une petite fortune et qu’il ne faut pas en abuser. Mais nous les utilisons, comme on utilise un médicament, de manière intelligente et en cas de besoin. Obligeraient-ils leurs proches à ne pas se soigner lors-qu’ils sont gravement malades ? Non, et bien pour nos vignes c’est pareil ! Quand le mil-diou ou l'oïdium sont présents, nous les soignons.

A titre de comparaison, rappelons un chiffre de consommation de produits pharmaceutiques donné par le NODU (Nombre de Doses Unités). En 2013, l’agriculture française a utilisé 60 200 tonnes de matières actives et les citoyens ont consommé 100 000 tonnes de médicaments pour leur santé. Si les produits pharmaceutiques agricoles sont étroitement liés à un milieu biologique complexe, ceux pour la santé humaine sont absorbés par l’organisme humain et rejetés dans les eaux usées sans complexe filtrant intermédiaire. Doit-on continuer à consommer des médicaments pour préserver le milieu naturel et l’eau ?

Si les produits de synthèse sont à utiliser avec précaution il en est de même pour ceux - dits d’origine naturelle - car ils sont aussi des produits actifs avec un impact sur l’environnement et l’humain ; Pourquoi demande-t-on la suppression du cuivre dans les plaquettes de frein de voiture ? Pourquoi nos véhicules ne doivent-ils plus rejeter du soufre ?

Où est le danger, le risque environnemental, le risque pour la santé humaine ?

Ne sommes-nous pas perdus dans un dogmatisme politique ?

Les lobbies et les politiciens veulent imposer l’Agriculture biologique à tous comme unique façon de travailler : une erreur ! Aujourd’hui, tous les viticulteurs se servent de techniques homologuées par l’agriculture biologique (confusion sexuelle, bouillie borde-laise, etc.) mais les restreindre à ces seuls outils serait une catastrophe. Les agricultures biologique et conventionnelle sont des techniques complémentaires et ne doivent pas être une contrainte supplémentaire à l’heure où le gouvernement nous parle de compétitivité !

« Nos labels d’origine dérangent car ils nous protègent et font notre force, notre identité dans le paysage viticole mondial »

Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà que nos AOP sont mises en péril dans le cadre du TAFTA ! J’espère que sur ce point, notre gouvernement ne cédera pas car sinon c’est une fin lente mais inévitable qui attend la viticulture française !

Personne ne s’oppose à ce que chaque pays crée des AOP pour valoriser sa production et faire reconnaître son savoir.

Ces dernières années, j’ai l’impression que la destruction de la viticulture française est en marche forcée. On sait très bien que Bruxelles veut tout libéraliser et faire du vin un produit standardisé comme le lait ou les œufs ! Nos labels d’origine dérangent car ils nous protègent et font notre force, notre identité dans le paysage viticole mondial. Cette identité et ce savoir-faire sont tant enviés que certains n’hésitent d’ailleurs pas à mettre en avant l’image française pour écouler des vins d’Espagne ou d’ailleurs. Allez lire l’origine des vins sur la contre-étiquette, vous serez sûrement très surpris !

Toutes ces attaques déstabilisent les viticulteurs et la viticulture, si bien que les ventes de vins français sont en décroissance – ce qui n’est plus un secret pour personne aujourd’hui !

Il fut un temps où nous devions nous adapter à l’évolution de la société.

Dans ce temps-là nous n’avions qu’un boulet au pied.

Aujourd’hui nous sommes sur un fil au-dessus du vide.

Alain Queyral, viticulteur en Dordogne

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