Suite aux attentats sanglants de ces derniers jours, la France entière pleure... Les agriculteurs compatissent d’autant plus à la douleur des familles endeuillées qu’ils perdent eux aussi régulièrement des proches, victimes d’une guerre silencieuse et meurtrière orchestrée par l’agrobusiness. Évidemment, cette guerre n’est pas comparable à la barbarie de Daesh ! Mais c’est aussi une guerre. Une guerre moderne, économique, mondiale, sournoise et sans violence physique. Les armes utilisées par les assaillants sont immatérielles (confiscation du pouvoir et des marges, asservissement, hypocrisie…) mais elles aussi tuent (suicides), génèrent des souffrances et attentent à la dignité humaine. Les coupables ne sont ni fichés « S », ni inquiétés. Ils agissent habilement en toute impunité !

Lors de sa conférence de presse du 27 juillet, le pape François a dit : « Je parle de guerre seulement, pas de guerre de religion. C’est une guerre d’intérêts, une guerre pour l’argent, une guerre pour les ressources naturelles, une guerre de domination des peuples ». Par ces propos, il sous-entend que la religion constitue un faux mobile, à l’instar de l’ultralibéralisme mondial brandi pour justifier la disparition de l’agriculture paysanne.

Une guerre d’intérêts… une guerre pour l’argent

Le souverain pontife a également précisé : « Certains diront que c’est une guerre de religion mais toutes les religions veulent la paix. Les « autres » veulent la guerre ». Mais quels acteurs se cachent habilement derrière ces innommables « autres » ? Le monde de la finance, les multinationales, l’agrobusiness… ? Le nombre de mandats incalculable et le montant vertigineux des jetons de présence de certains de leurs représentants prouvent leur avidité de pouvoir garantissant leurs intérêts personnels. Le comble est qu’au sein de coopératives, les administrateurs salariés (cadres de direction) ou coopérateurs ne défendent même plus les producteurs qui leur ont, pour certains, accordé leur confiance ! D’ailleurs, certains traîtres ne peuvent même plus cacher les conflits d’intérêts dont ils sont coupables ! Malgré tout, ils réussissent encore à manipuler les esprits (ou les portefeuilles !) pour que ces conflits d’intérêts soient docilement tolérés et même cautionnés par certains représentants crédules, tout aussi responsables de la situation !

En opérant des fusions-acquisitions à tour de bras, certains industriels et « pseudo coopératives » ne souhaitent-ils pas accéder à une situation d’oligopole, voire de monopole ? Une fois leur objectif atteint, ne détiendront-ils pas tous les pouvoirs pour imposer leurs conditions sociales et tarifaires ?

Aujourd’hui, les coopératives, comme les industriels privés, visent la maximisation des profits par l’achat de la matière première au prix le plus bas. Cette stratégie génère des situations écœurantes, exemple récent : le doublement du bénéfice de Danone sur le 1er semestre 2016 par rapport à celui de 2015, pendant que les producteurs laitiers, eux, creusent toujours plus profond leur tranchée mortifère de l’endettement. Au regard des profits de l’industrie laitière et des prix à la consommation qui ne diminuent pas, force est de constater que la rémunération non distribuée aux producteurs est bien subtilisée par les transformateurs et même les « coopératives », qui n’en portent plus que le nom ! Le marché mondial constitue un excellent alibi !

A l’instar de Danone, d’autres industriels privés affichent des bénéfices records : Savencia (Famille Bongrain) affiche ainsi un bénéfice proche de 39 millions d’euros pour 2015, quant à la famille Besnier (Lactalis), sa place au sein des plus grandes fortunes de France suppose des bénéfices exorbitants. En parallèle, les trésoreries des producteurs de lait s’avèrent moribondes !

Pourquoi faire croire aux producteurs que l’augmentation de la consommation dans les pays émergents bénéficiera à la France et à ses producteurs alors que, d’une part, certains industriels chinois se vantent de s’installer en France pour obtenir du lait de qualité à moindre coût et, d’autre part, des industriels français et européens s’installent là où ils souhaitent soi-disant exporter, divulguant par la même occasion notre savoir-faire ancestral (exemple : Lactalis présent dans 39 pays) ?

La finance est là et nous envahit de plus en plus : Veolia, Bouygues, Avril, Coca-Cola, Danone, Nestlé, Vinci, Total, etc. Certains membres des équipes de direction se côtoient au sein des mêmes conseils d’administration, comme cela est le cas pour des lieutenants de Sodiaal et Bongrain également présents chez CF & R, ou encore Sodiaal et Laïta chez Régilait et des représentants de la FNSEA, Total, Altstom, Pernod Ricard, Nexity, Crédit Mutuel... chez Avril Gestion. Qui peut croire que de tels administrateurs puissent avoir des intérêts communs avec les agriculteurs de la base ?

Une guerre pour les ressources naturelles

Le monde financier et l’agrobusiness connaissent les perspectives d’augmentation de la consommation mondiale et veulent profiter, seuls, des opportunités qui se profilent à l’horizon. N’est-ce pas pour cela que des Chinois et des financiers s’accaparent du foncier en Afrique (huile de palme, caoutchouc, or, métaux précieux, matériaux pour téléphones portables…) mais aussi aujourd’hui en France (lait, viande, céréales, etc.). Nos ancêtres se sont battus pour garder l’Alsace et la Lorraine, aujourd’hui notre pays laisse des hectares partir aux mains des Chinois sans scrupules ! Quand l’agrobusiness français ou étranger possèdera les ressources naturelles, les peuples n’auront plus qu’à travailler à moindre coût, tels des esclaves modernes, des « techno-serfs », pour accéder à l’eau et à une nourriture « industrielle », transformée, de qualité médiocre, mais pas sans intérêt pour les laboratoires et la médecine ! D’ailleurs le pape François est lui-même conscient de cet état de fait puisqu’il a écrit dans une de ses encycliques : « Il n’est pas juste d’utiliser la terre au seul bénéfice de quelques-uns, en dépouillant la plupart des gens de leurs droits et des avantages qui lui reviennent ».

Une guerre pour la domination des agriculteurs

L’impuissance des agriculteurs face aux politiques et à l’agrobusiness prouve depuis plus d’un an la confiscation de leur pouvoir de négociation. Les hostilités ont débuté avec la mise en place de la PAC qui, au fil du temps, et de manière insidieuse a remplacé les prix rémunérateurs par des subventions. Subventions infantilisantes qui s’amenuisent proportionnellement à l’augmentation des obligations normatives et administratives. Maintenant que les agriculteurs ne peuvent plus survivre sans ces aides, les instigateurs de la crise baissent les prix d’achat de leurs matières premières pour mieux les asservir !

Si les agriculteurs ne se révoltent pas intelligemment, la fin de cette guerre ne risque-t-elle pas d’être sifflée avec la signature du Tafta ? Le point de non-retour de la dominance des multinationales sur les pays, et donc des peuples, sera alors franchi, offrant sur un plateau tous pouvoirs au monde de la finance !

La guerre se terminera forcément par un vainqueur et un vaincu : le monde de la finance et l’agrobusiness, ou la France paysanne ? Les agriculteurs ont déjà utilisé plusieurs cartouches (innombrables réunions, tables rondes, manifestations, blocages…), mais en vain. Certains représentants syndicaux majoritaires se targuent d’avoir gagné d’infimes batailles (MSA, report d’annuités…) mais ils sont loin d’avoir gagné la guerre !

Aujourd’hui, seuls deux choix s’offrent aux agriculteurs :
  • Capituler et se sacrifier : soit en poursuivant leur activité comme si de rien n’était, tout en suivant la voie infernale de l’endettement tracée par l’ennemi et les guidant droit vers la liquidation ; soit cesser leur activité en bradant le peu de patrimoine qui leur reste et qui a été gagné à la sueur de leur front pendant des années et même des décennies parfois ! Dans ce cas, les pertes seront lourdes dans leur camp !
  • Résister, refuser la résignation en se libérant des entraves invisibles de l’ennemi qui les bride, en utilisant solidairement les ultimes cartouches et en s’adressant, sans attendre, aux personnes et médias objectifs et indépendants de l’agrobusiness !
En optant courageusement pour la résistance, un retour à une agriculture variée, autonome et performante tant économiquement, socialement qu’environnementalement s’avère encore possible. Les agriculteurs sont bien informés de l'existence d'autres syndicats représentatifs, comme la Coordination Rurale, « 100 % agriculteurs », mais au final, c'est comme si une certaine fatalité les avait envahis, comme s’ils étaient hypnotisés. Et pourtant, dans leur esprit, ils veulent le changement. Ils savent que le camp des agriculteurs peut regagner du pouvoir. Mais tous n’ont pas encore compris que le « parti » agricole en place sans alternance depuis des décennies était fatigué. Il ne propose aucune solution efficace et durable pour un retour à des prix rémunérateurs. De ce fait, la régulation de la production, c’est-à-dire l’adaptation de l’offre à la demande, s’opère naturellement, jour après jour, avec une disparition progressive des exploitations : une disparition souhaitée et programmée par « l’état-major ». Au regard des prévisions, aucune ferme ne peut espérer survivre ou sortir indemne de cette guerre ! L’indépendance aura été perdue.

Alors, agriculteurs, agricultrices, en agissant rapidement, vous pouvez encore faire ricocher les balles tirées silencieusement par les pilleurs de marges insatiables et sans scrupules ! Lors de l'appel du 18 juin, le général de Gaulle disait : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas ». A l'instar des hommes courageux qui ont suivi son appel : RÉSISTEZ ! Ensemble nous pouvons encore vaincre ! Pour cela, rejoignez sans attendre les combattants de la Coordination Rurale. Nous avons besoin de vous.

Les combattants de la CR

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