Pascal Aubry, éleveur de porcs à Simplé, commune de 400 habitants située dans le sud de la Mayenne (53), est le nouveau président de l'Organisation nationale des éleveurs de porcs (Onep), section spécialisée de la Coordination Rurale. Portrait d'un homme convaincu de l'importance des combats syndicaux.


Fils d’un producteur de lait, Pascal aurait pu choisir la facilité et reprendre la ferme familiale. Au lieu de cela, après avoir découvert le métier pendant un stage, il a décidé en 1990 de racheter la ferme d’un céréalier et de s’installer pour élever des porcs en plein air. « J'ai tout construit moi-même », raconte-t-il. Mais, l’année suivante, en 1991, Pascal est touché de plein fouet par l'effondrement des prix. Et puis les crises se sont enchaînées. Après sept de travail, il se sentait totalement épuisé.

 

Pascal a alors décidé de réorienter sa production en développant la vente directe. Il se met pour cela en quête de bouchers-charcutiers. « Je suis allé démarcher de nombreux professionnels avec mon demi-cochon sur l'épaule », se souvient-il. La tâche est ingrate. Elle est d’autant plus difficile que nombreux sont ces professionnels à préférer se servir en pièces plutôt qu’en carcasses. « C'était un effort que je ne regrette pas. La démarche me semble beaucoup plus valorisante ! Le prix moyen est plus élevé, ce qui me permet de vivre décemment de mon métier et d'avoir un vrai contact avec les clients. Ce n'est pas comme les groupements qui ne s’intéressent qu'aux volumes », explique-t-il.

 

Aujourd'hui, à 47 ans, Pascal Aubry s’occupe de 50 truies naisseurs-engraisseurs. La moitié de sa production part dans la vente directe. Il cultive également 37 hectares de céréales pour être autonome en aliment. « On gagne de l'argent avec ce que l'on produit, pas avec ce que l'on achète », rappelle-t-il.

 

Un engagement syndical bénéfique et nécessaire

 

Après de nombreuses déceptions à la FNSEA, il a décidé d'adhérer en 2009 à la Coordination Rurale. « J'en avais ras-le-bol de voir les dirigeants du syndicat majoritaire nous emmener dans un trou sans fond. Sans la régulation, nous ne pouvons pas avancer », explique-t-il.  


Selon lui, ce nouvel engagement a été salutaire : « Cette expérience syndicale m'a apporté une grande ouverture d'esprit et m’a probablement permis de sauver l'exploitation. Toutes les rencontres que j’ai pu faire à travers la CR m'ont enlevé des idées reçues, m'ont fait réfléchir. Cette remise en question m'a servi pour m'en sortir », insiste-t-il. Telle est par ailleurs la raison pour laquelle il invite chaque jeune qu’il rencontre à s’investir.

 

Aujourd'hui, l'organisation de sa ferme lui permet de dégager au moins soixante jours par an pour le syndicalisme. Pascal est membre du conseil viande blanche à FranceAgriMer. Il siège également comme administrateur à Inaporc et est suppléant en CDOA structure et installation. « Prendre le relais de Catherine Laillé à la tête de l'Onep n'était pas un objectif personnel ; je le conçois davantage comme un moyen de continuer mon engagement syndical au service de mes collègues », précise-t-il.  

 

« Il est encore possible de changer la situation ! »

 

Loin de se résigner, Pascal Aubry reste lucide : « Si personne ne bouge, le nombre de producteurs va s’effondrer. A ce rythme, dans dix ans, nous serons 50 % de moins. Et il faut arrêter de croire que ceux qui resteront s'en sortiront mieux ! »


Il reste convaincu qu'il est possible d'agir. « Oui, parfois nous avons l'impression de ne pas être écoutés. Mais si nos idées sont si souvent reprises, c'est que nous ne sommes pas si déconnectés de la réalité, comme certains tentent de le faire croire. Généralement, nous avons le tort d'avoir raison trop tôt. »

 

Il fixe comme objectif à l'Onep d'informer les agriculteurs mais aussi le grand public sur ce qu'il se passe dans les différentes instances de la profession. « Il vaut mieux prévenir que guérir », ose-t-il.
« Nous allons continuer à développer l'idée de contrats avec des prix rémunérateurs mais aussi des contrats encadrés entre céréaliers et éleveurs. Nous ferons tout pour rappeler aux coopératives leur véritable rôle : défendre leurs adhérents. Nous nous battrons pour arriver à une régulation européenne. Si elle permet aux éleveurs d'obtenir un prix rémunérateur, nous pourrons avoir un maximum de producteurs », explique ce passionné de chasse avant de conclure : « Si nous nous donnons les moyens, rien n'est impossible ».

 

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