Depuis plusieurs mois, les agriculteurs expriment leur désarroi, manifestent leur mécontentement et revendiquent des prix rémunérateurs ; ils agissent souvent à l’appel des syndicats mais les démarches individuelles sont elles aussi de plus en plus fréquentes. J'ai vu énormément de jeunes dans ces manifestations : des JA bien sûr, mais aussi beaucoup de non syndiqués.

J'admire leur courage et leur détermination. Je me retrouve dans leur indignation, mais surtout je partage l'attachement à ce métier que nous avons choisi.

Toutes ces semaines de révolte n’ont finalement abouti à rien de révolutionnaire et je n’ai encore entendu personne se satisfaire :

  • des infimes réductions de cotisations sociales, des échéanciers et reports jusqu'à 4 ans ;
  • des années blanches pour nos emprunts, dont nous ne voulons plus : nous qui n'avons pas attendu les mesures pour rencontrer nos banques et déjà réétaler nos remboursements, ne serait-ce qu'en raison de la baisse de nos chiffres d'affaires respectifs ;
  • des exonérations de taxes et impôts, alors que notre travail quotidien devrait permettre de contribuer à la « solidarité nationale ».


Ce n'est pas pour obtenir cela que les agriculteurs ont sorti les tracteurs, déversé du fumier et bloqué les routes.

Comment réagissez-vous quand vous entendez vos représentants nationaux se réjouir de ces mesures et vous appeler au calme ?

Comment peuvent-ils accepter cela, alors qu'au quotidien, nous investissons, produisons l'alimentation de nos concitoyens et ce, sans compter nos heures et notre engagement ?

Vos soi-disant « représentants de la profession » devraient peut-être retourner plus souvent dans leurs fermes (s’il leur en reste une) pour se rendre réellement compte de nos difficultés !

Comment justifient-ils que nos beaux plans d'entreprise, tout droit sortis de leurs organismes prestataires de service et annonciateurs de fructueux résultats, soient malheureusement destinés à être déjà modifiés par des avenants ? Et oui, même un très bon technico/gestionnaire ne peut rien faire face à une telle baisse des prix ! Je félicite d'ailleurs par avance les conseillers qui sauront estimer le prix d'achat de nos productions pour les cinq années à venir.

Et surtout, saurez-vous, saurons-nous, rester calmes quand définitivement, les pansements et les rustines ne suffiront plus et ce, alors qu’ils sont déjà insuffisants pour bon nombre d’entre nous ?

Pourquoi font-ils semblant d'entendre les revendications des agriculteurs et leur souhait d’obtenir des prix rémunérateurs, pour ensuite accepter ces mesurettes et pire, s'en réjouir ? Souhaitent-ils réellement une hausse des prix à la production, une régulation des productions ou encore une diminution des contraintes ? Au regard de mon expérience, j'en doute, tant ils sont impliqués, par leurs différents mandats, dans un aval qui ne partage pas nos intérêts.

Toutes ces revendications qui sont enfin entendues dans les manifestations, ce sont les revendications historiques et fondatrices de la Coordination Rurale. C'est cela que nous réclamons tous : le droit de vivre de notre métier, ce qui ne serait finalement qu'une juste manière de respecter notre travail ! Que de chemin parcouru, après des années d'appel à la restructuration et à la réduction des charges… ?

Comme vous le savez peut-être déjà, la CR n'appelle pas au blocage de routes ou des plates-formes de distribution parce que pour nous, le combat prioritaire à mener est un changement majeur de la politique agricole commune. Lui seul permettra à notre métier de retrouver la place qu'il occupait, à nos fermes d'être rentables, et à nous, jeunes installés, d'envisager la possibilité de poursuivre le métier que nous avons choisi.

Nous agissons en rencontrant nos eurodéputés pour faire entendre l'urgence d'une remise à plat totale de la PAC, plutôt qu'en quémandant de nouveaux millions, qui, passés à la moulinette d'une administration débordée, se transformeront chez nous en petits chèques sans commune mesure avec l’ampleur des dettes que notre travail a engendrées.

Ce sont ces combats qui m'ont amené à rejoindre la Coordination Rurale et à m'engager au quotidien pour la défense de notre droit à vivre dignement de notre métier. Et vous, saurez-vous faire le dernier pas sur le chemin qui vous mène à la Coordination Rurale ?



Joris Miachon
Arboriculteur dans la Drôme
Responsable de la section Jeunes de la CR

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