A 51 ans, Michel Le Pape est à la tête d'une exploitation céréalière-bio située à Saint Flovier (37600) en Indre et Loire (Touraine sud). Il y produit du blé, de l'épeautre, des lentilles, du tournesol, du millet, du sarrasin, du maïs et de la fèverole.

 

Après avoir obtenu un BEP Agri-option élevage bovin, c'est en mars 1984 que Michel reprend une exploitation agricole qui était restée dans la famille. Les parents de Michel n'étaient pas agriculteurs, ils exerçaient une profession libérale mais travaillaient au contact des agriculteurs.


Une installation périlleuse


Lorsque Michel évoque son installation, il aime rappeler qu'à l'instar de nombreux agriculteurs, son installation a été mouvementée. « Les terres étant extrêmement humides, la reprise de l’exploitation a nécessité un drainage onéreux ».
On sait bien à quel point les années humides sont terribles sur ces sols à la fois hydromorphes, battants et bordés de bois. Mais comme si cela ne suffisait pas, les prix des céréales baissaient, les quotas laitiers se mettaient en place et les taux d’intérêts étaient très élevés : 10-11 %.
"Les premières années ont été, pour les jeunes qui s’installaient, difficiles et décourageantes ! Heureusement qu'une partie de ma famille était restée dans l’agriculture, ce qui m’a bien aidé, sinon cela m’eut paru impossible !"
En parallèle, Michel a eu la chance d'être entouré par des voisins et collègues de générations différentes. "Certains sont même devenus de véritables amis, tels que ceux que l’on peut se faire en campagne : solides, rassurants et constants".  

En route pour le bio !

Initialement l’exploitation comptait 86 hectares, 6 hectares ont été boisés. Plus tard, Michel a repris 60 hectares de terres plus aptes à la production céréalière. "C’était devenu vital et cela m’a sauvé économiquement".
Pendant dix ans, Michel a travaillé  les sols selon « la méthode superficielle » mais en 2002, Michel décide de convertir l'intégralité de l’exploitation à l’agriculture biologique. Commence alors une belle aventure avec la découverte de l’activité biologique et la réduction des produits phytosanitaires.
"Le passage à la production bio s'est fait naturellement d’autant plus qu’une ferme voisine était déjà depuis plus de dix ans en bio. Là encore, j’ai eu la chance de rencontrer et d’échanger avec des collègues ouverts et  passionnés par leur métier. Aujourd’hui, je travaille avec eux et j’apprécie toujours leur ouverture et leur passion. Le travail en commun, tout en restant des entités indépendantes, apporte un recul, une réflexion qui évite de s’engager sur des pistes glissantes ; aussi, il permet de respecter et de se faire respecter par nos interlocuteurs, cela semble essentiel".

L'âme d'un syndicaliste

L’engagement syndical de Michel s’est fait naturellement, ce sont ses amis qui lui ont fait connaître la FFA en 1988. La FFA était présente depuis 1969 dans le département et a rejoint la Coordination Rurale (CR) en 1992.
"Le souci d’indépendance m’anime depuis longtemps, cela ne signifie pas que je ne travaille pas en commun, mais que pour moi, l’intégration conduit un jour ou l’autre à la désintégration. La FFA, puis la CR résument bien notre travail : indépendance, responsabilité, solidarité et farouche volonté de s’en sortir. Avant nous, des générations d’agriculteurs se sont battues pour tout cela ; parfois elles en ont payé un lourd tribu, alors nous, nous devrions baisser les bras ? Certainement pas !
La CR est un syndicat tel qu’il devrait en exister plus : apolitique, démocratique et combatif. On y rencontre des personnes de toutes productions (même les bio !) qui ont une force de caractère très stimulante. Que nos collègues moutonniers ne le prennent pas mal, cependant, « pas de moutons parmi nous, ça bouge et ça ne bêle pas inutilement ! "
Michel est le président de la section Biologique de la CR.

Les adversaires n'ont qu'à bien se tenir !

"Depuis que j’adhère à la Coordination Rurale, je dois reconnaître la justesse de ses analyses. Notre avenir est entre nos mains, mais aussi celui de nos enfants. Cette période est cruciale et nos combats légitimes pour notre indépendance face aux ogres qui veulent nous dévorer.
Une bataille peut se perdre mais une guerre ne l’est seulement que lorsque nous jetons les armes.
Que nos adversaires le sachent, nous n’en sommes pas à la veille."
Pour l’instant, Michel ne sait pas si l’un de ses enfants lui succédera mais pour que son exploitation reste viable, il faudra privilégier les circuits courts ou semi-courts et produire ce que d’autres ne veulent pas faire, voire peut-être conditionner ou transformer. "La vente de la production en circuits plus courts reste un objectif à atteindre pour garder notre indépendance".


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