A 52 ans, Michel Jouanolou est un agriculteur remarquable. Fidèle à ses valeurs, droit et courageux, il a suivi un parcours professionnel et syndical riche. Issu d'une famille d'agriculteurs, il sait depuis l’enfance qu'il deviendra lui aussi agriculteur. Il reprend logiquement l'exploitation familiale en 1992.

Si la surcharge de paperasse l'a quelque peu déconcerté au début, son enthousiasme n'a pas été entaché. Son jeune âge, additionné à son envie de réussir, lui permettent de surmonter les difficultés initiales. Aujourd'hui, il gère avec son épouse une exploitation située aux pieds des Pyrénées, entre Tarbes et Lourdes. Il y élève une trentaine de mères charolaises et 200 brebis viande. Il cultive également 22 hectares de maïs qui permettent à l'exploitation d'être la plus autonome possible.

Franchir les embûches

En 20 ans, Michel a dû faire face à des situations parfois difficiles. En 1996 et en 2000, il est touché par la terrible crise de la vache folle. Les cours baissent inexorablement. Michel, plus motivé que jamais, tient le coup et « sauve les meubles » grâce au troupeau d'ovins. Autre difficulté : la situation géographique de l'exploitation. Au pied des Pyrénées, les inconvénients de la montagne sont bien présents, mais pas les avantages tels que les primes.

Respecter les traditions

Fidèle aux traditions, Michel maintient la pratique de la transhumance, adoptée par son père en 1971. Ainsi chaque été, les ovins sont conduits par camion à 70 km de l'exploitation, à 2000 mètres d'altitude. Les bovins quant-à-eux partent à 15 km de l'exploitation, à 700 mètres d'altitude. « Les intérêts sont multiples », explique Michel. « Moi, j'aime vivre au rythme des saisons, et m'adapter à la nature. La respecter sans la bouleverser. Grâce à la transhumance, l'été nous n'avons pas de bêtes sur l'exploitation.

Nous allons voir nos troupeaux une fois par semaine. Le reste du temps, on peut se consacrer pleinement à la récolte de foin, aux moissons ». Le rythme redevient alors beaucoup plus soutenu en automne, quand les troupeaux reviennent sur l'exploitation.

Redonner toute sa valeur au produit

Pour Michel, il y a deux grands prédateurs pour les éleveurs : « le loup et la grande distribution ».  « La solution à laquelle je pensais depuis longtemps, c'est la vente directe, mais je n'avais pas les moyens d'en faire ». Une rencontre avec une personne qualifiée dans la distribution va permettre à Michel de réaliser un projet qui lui tenait à cœur. En décembre 2011, un magasin de vente directe voit le jour à Tarbes. Ce projet réunit une cinquantaine de producteurs, qui vendent leurs produits dans un même magasin. Pour chaque produit, il est indiqué le nom du producteur ainsi que le lieu de production. Le travail des producteurs est par ce biais mis en valeur, et chacun y trouve son intérêt : les consommateurs sont ravis d'acheter des produits de qualité avec une traçabilité fiable, les producteurs peuvent savoir exactement où termine leur produit et vendre à un prix rémunérateur.

D'un point de vue humain, c'est un grand projet, puisqu'il permet aux producteurs de se rencontrer et de travailler ensemble, mais il crée également un lien entre producteurs et consommateurs. « On essaye de rétablir la vérité et de dénoncer les mensonges de la grande distribution auprès des consommateurs ». Pour autant, Michel n'est pas encore totalement libéré de la mainmise de la grande distribution, car ses produits plus « standards » passent encore par la coopérative.

Défendre ses convictions, sans concession

Michel est entré à la Coordination Rurale (CR) comme on entre en résistance. A ses débuts, il suit le cursus syndical classique en s'engageant d'abord chez les JA, puis à la FNSEA (il occupera d'ailleurs les postes de président cantonal JA, puis vice-président cantonal FDSEA). Lorsque Michel s'aperçoit que le projet de la FNSEA est de jeter les agriculteurs dans la gueule du loup (la grande distribution), il rend sa carte Fédé et adhère à la CR.

Entrer à la CR, c'était refuser que les coopératives deviennent très riches tandis que les paysans devenaient de plus en plus pauvres, c'était dire non à la grande distribution. Ainsi, depuis 2005, Michel se bat aux côtés des militants de la CR, il occupe actuellement le poste de président de la CR65. Elu chambre depuis 2007, il voit bien ce qu'il se passe et s'inquiète de ceux qui ne défendent plus la profession d'agriculteur, mais qui voient dans le syndicalisme une nouvelle profession...

« Si je me bats, explique Michel, c'est parce que mon fils veut reprendre l'exploitation. C'est une grande fierté pour moi, mais s'il doit être agriculteur, je veux qu'il puisse en vivre. Ce que je ne veux surtout pas, c'est qu'il puisse me reprocher un jour de n'avoir rien fait pour sauver notre beau métier ».

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