Les ministres des 27 ont conclu un accord, qui sera négocié avec le Parlement européen, pour les critères de la nouvelle PAC qui s’appliqueront à partir de Janvier 2023.

Un premier constat : le budget de la période 2014-2020 était de 408,3 milliards d'euros ; le budget de l’accord s’élève à 387 milliards d’euros sur 7 ans, soit une diminution de 5,2 % .

La répartition de ce budget sera revue pour satisfaire l’objectif de « cesser d’opposer approche écologique et approche économique. Il s’agit également de favoriser des objectifs en matière de démographie agricole, d’organisation de filière pour retrouver de la valeur ajoutée, ou de mise en place d’outils de gestion des risques ».

Ces objectifs sont très louables, mais comportent dans leur essence même un antagonisme fondamental. L’attribution des primes, qui au début de la PAC était pour compenser la baisse de prix induite par l’adhésion à l’OMC et la mise des prix européens au niveau des prix mondiaux, sera maintenant majoritairement assujettie à des éco-régimes. Le versement des primes sera inféodé à des engagements complexes de méthodes de conduite des productions agricoles dont le but principal sera de préserver l’environnement, dont les préceptes de l’agroécologie sont le fondement, entraînant des contraintes culturales et administratives supplémentaires pour les agriculteurs.

L’agroécologie, la solution magique

« L’idée de l’agroécologie est de produire de l’alimentation en s’appuyant sur les ressources naturelles, plutôt que d’utiliser les intrants (engrais et pesticides, énergie, eau d’irrigation, tout ce qui vient de l’extérieur) » explique Marie-Catherine Schulz-Vannaxay de France Nature Environnement.

Or, tous les agriculteurs et les citoyens objectifs constatent que la production agricole a progressé grâce à l’apport des fumures minérales et à la protection des phytos. Même la Bio a des difficultés pour assurer la fertilisation azotée et a recours à des phytos, qui même s’ils ne sont pas d’origine chimique, peuvent avoir des effets délétères. Les agriculteurs de nombreux pays africains ont comme espoir le plus vif de pouvoir avoir accès aux engrais, aux phytos, à l’irrigation, tout ce que l’agroécologie veut nous interdire ! Nos eurodéputés devront réfléchir à cette contradiction avant de voter.

Cette même chargée des affaires agricoles à FNE précise : « Par exemple, on peut implanter des haies, des mares ou des bosquets dans les fermes pour héberger des auxiliaires de cultures (des insectes et des oiseaux) qui vont se nourrir des insectes ravageurs et qui vont ainsi aider à la production. C’est utiliser la biodiversité à des fins de production ».

Ce qu’elle élude, c’est que ces mêmes haies abritent aussi les prédateurs des récoltes, et les agriculteurs constatent que les invasions de leurs cultures commencent le plus souvent en périphérie des parcelles, en bordure des haies et lisières de bois. De plus, les haies constituent une concurrence en eau et en lumière envers les cultures adjacentes sur une largeur égale à leur hauteur. La diminution des rendements par hectare contigu étant proportionnelle à leur longueur, leur largeur et leur hauteur. Contenir ces haies à des dimensions limitant cette concurrence nécessite des investissements et des frais d’entretien annuels.

Assurer l’autosuffisance alimentaire

Par contre, on ne peut que lui donner raison quand elle dit « L’idée n’est pas d’être totalement autosuffisant dans toutes les productions mais de réaffirmer notre souveraineté alimentaire et de réduire la politique d’importation massive de protéines notamment et d’exportation ».

Mais ce vœu restera pieux, car l’Europe a engagé les pays membres dans l’OMC, et ils sont obligés d’en respecter les règles d’échange. Et notre autosuffisance alimentaire, déjà fortement compromise se trouve encore plus aléatoire depuis la signature des accords du Ceta et du Mercosur. Ils permettent l’importation de produits nord et sud-américains, dont les normes et les coûts de production mettent les producteurs européens en situation de concurrence défavorable. Ces produits contiennent aussi des résidus de substances interdites chez nous (OGM, glyphosate, etc.).

Comment assurer notre auto-suffisance alimentaire quand, jour après jour, le Commission européenne interdit les uns après les autres les produits de protection de nos récoltes sans s’assurer des conséquences, laissant les agriculteurs sans solution de substitution (Arsénite de soude, diméthoate, glyphosate, etc.).

Une nouvelle répartition des aides

La Commission s'est engagée à explorer d'autres voies pour orienter encore plus efficacement les paiements directs :

  • un plafonnement obligatoire des paiements directs tenant compte de la main-d'œuvre pour éviter les effets négatifs sur l'emploi ;
  • l'introduction de paiements dégressifs, afin de réduire le soutien aux grandes exploitations ;
  • l'accentuation d'un paiement redistributif permettant d'apporter une aide ciblée aux petites et moyennes exploitations, par exemple ;
  • la garantie d'un soutien ciblant les véritables agriculteurs qui gagnent leur vie par l'exploitation active de leurs terres.
 

L’objectif est d’orienter les aides selon le nombre d’actifs au détriment des aides à l’hectare et de plafonner le montant total des aides par exploitation à 100 000 €. Cela semble vouloir tenter de favoriser des petites exploitations employeuses de main-d’œuvre. Mais cette louable intention ne tient pas compte de la faiblesse des prix imposés par la concurrence. Comment une grande exploitation céréalière, déjà sur le fil du rasoir économique, pourra-t-elle survivre à une baisse aussi drastique de ses aides si rien n’est prévu pour compenser par des prix plus rémunérateurs ? La Commission veut augmenter le nombre d’actifs agricoles et favoriser l’installation des jeunes quand le tiers des agriculteurs ne gagne que 350 € par mois !

Rémunérer les services environnementaux

Pour Benoit BITEAU, eurodéputé EELV, « les éco-régimes peuvent, en ce sens, présenter une solution, sous forme de paiement pour services environnementaux. »

Cette proposition est en même temps choquante et intéressante. Pour pallier la sous-rémunération d’une fonction aussi vitale et indispensable que la production de nourriture pour la population, on propose de rémunérer les services environnementaux. Même si les écologistes prétendent que les agriculteurs ont détruit l’environnement, il faut bien reconnaître que depuis des siècles les paysans, par leur travail incessant, ont fait pousser des récoltes nourricières, contrôlé les adventices, empêché les ronces d’envahir les champs, et entretenu la palette colorée des champs cultivés au cours des saisons. Jamais, pour de telles aménités, ils n’ont demandé de récompense. Mais pire, maintenant, on veut leur interdire les moyens mécaniques et chimiques qui rendaient ce travail moins pénible et les obliger à revenir aux méthodes du 19e siècle.

Mais disons chiche à Monsieur BITEAU : dans cette mode de lutte contre le réchauffement climatique, le principe majeur est de taxer le CO² pour tenter de diminuer la consommation d’énergie fossile. L’agriculture est la seule profession dont le bilan carbone est positif pour l’environnement : par le truchement de la photosynthèse et grâce à l’énergie solaire, les plantes cultivées captent du CO² et rejettent de l’oxygène. Une étude permet de mettre en évidence la conséquence du travail de l’agriculteur : un hectare de maïs (par exemple) capte annuellement plus de CO² qu’un hectare de forêt :

Alors que la réglementation PAC se contorsionne pour répartir les primes selon des critères agro-environnementaux, il serait simple de payer aux agriculteurs le service rendu à la collectivité sur la base du CO² capturé sur la base du taux de la taxe carbone.

Ce que nous coûte la politique européenne

Cette énorme machine à contraindre les États à appliquer et respecter des normes complexes et sans cesse en évolution nécessite un système réglementaire, administratif et de contrôle qui génère des coûts financiers. L’UE met en exergue les subventions versées pour accompagner ses exigences, mais rarement le coût net pour les États, donc les citoyens.

Le graphique ci-dessous est très instructif :

On y constate la charge nette en croissance constante de la participation de la France à l’UE.

En 2017, la France contribuait au budget européen à hauteur de 18,69 milliards d’€ et en recevait 13,5 Mds dont 9,2 pour la PAC.

Réformer le carcan administratif

Le fonctionnement administratif et de contrôle de l’agriculture absorbe une somme bien plus conséquente que les primes PAC destinées aux agriculteurs pour compenser la mise au prix mondiaux. Les informations pour l’agence française de développement de l’agriculture biologique, les fédérations de défense sanitaire et contre les organismes nuisibles, les comités de reconversion du vignoble, les Coop de France ne sont pas comprises dans le tableau ci-dessous :

La transposition des directives européennes en droit français, la gestion des services de mise en application des normes, de leur contrôle, de la répartition et du paiement des primes PAC génèrent un nombre conséquent d’emplois, qui se concrétisent par une charge économique et psychologique sur les agriculteurs.

Cet aspect va encore se complexifier avec l’application des écosystèmes (eco-schemes) que prévoit la nouvelle PAC. Ces engagements contractuels vont engendrer des dossiers complexes avec encore plus de conseils et de contrôles pour les exploitants, ce qui se traduira par des charges complémentaires pour percevoir des primes en baisse.

Instaurer une exception agri-culturelle

Les agriculteurs seraient en droit d’attendre des services induits par la PAC une protection de leur profession par des règles sanitaires et commerciales contre les importations de produits qui ne respectent ni les normes sanitaires ni le respect environnemental que leur impose l’UE.

À l’instar de l’exception culturelle dans les accords de l’OMC, l’UE devrait exiger l’exception agri-culturelle afin de protéger l’agriculture et empêcher la concurrence délétère des agricultures du monde entier dont les conditions de climat, de rendement et de géopolitique sont trop différentes.

Quand on sait que 50 % des agriculteurs vont partir en retraite dans les 10 ans, avec un taux de remplacement de 70 %, et la baisse constante de leurs effectifs en raison de leur sous-rémunération, on ne peut que constater que notre souveraineté alimentaire est en grand danger.

La solution ne peut venir que dans une lutte contre l’agribashing afin de réhabiliter le statut de l’agriculteur dans l’opinion, et dans la juste rémunération de son travail, de ses compétences et de ses investissements. Il est choquant de ne proposer à un agriculteur qu’un RSA quand il doit travailler 80 heures par semaine pour soigner ses animaux, quand un autre citoyen perçoit ce même RSA sans contrepartie (sauf rares cas particuliers).

Pourquoi les prix agricoles ne sont-ils pas déterminés de sorte à permettre à un agriculteur de bénéficier d’un revenu horaire minimum comme un salarié a droit au SMIC ?

La réponse à cette question est primordiale pour assurer notre souveraineté alimentaire.

 

Armand Paquereau Adhérent CR 16 Son blog : https://papyrural.blog4ever.com/

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