Producteur de céréales à La Celle, dans le Cher, Eric a commencé à drainer en 1970. Mais depuis quelques années, le défaut d’entretien du cours d’eau en contrebas menace  ses  drainages.

Productions végétales et aquaculture

En 1966, de retour de Tunisie  où il a passé sa jeunesse, Eric s’est installé sur 200 ha avec son frère et ses parents.  Ils ont alors connu des difficultés pour s’agrandir : impossible de louer le moindre hectare supplémentaire à cause de la commission des cumuls. C'est l’achat et le défrichage de 200 ha de bois qui leur ont permis  de cultiver une surface plus grande.

Afin d’améliorer le potentiel de production, les terres ont été progressivement drainées durant les années 1970. (La CUMA hydraulique agricole du Cher a d'ailleurs été constituée en 1972 et Eric s’y implique encore aujourd’hui).

Il exploite actuellement 280 ha en grandes cultures. Jusqu’en 2004, il avait en plus un atelier annexe d’aquaculture en étang  jusqu’à ce que les cormorans viennent mettre en péril la poursuite de l’activité.

Eric élevait des juvéniles de carpes sur 8 ha d’étangs avec bon rendement (1 t/ha) et mettait en commun le savoir-faire, le matériel pour la pêche et la main-d’œuvre avec son voisin. Après la pêche, les carpes étaient expédiées dans les Dombes, dans la Brenne et dans l’est, pour ré-empoissonner ou faire du filet de carpe à usage alimentaire.

Jusqu’à une période récente, Eric n’avait jamais été syndiqué.  A partir des années  2000, il commence à suivre la Coordination Rurale et finit par adhérer en 2008. « C’est l’authenticité de la CR et de ses combats qui m’ont attiré à elle ! C’est un syndicat droit et honnête ! »

Ses drainages menacés

Les dernières parcelles, drainées en 1996, sont les plus basses et les plus proches de l’Hyvernain. En 1996-2000, Eric acquiert quelques prairies en bordure de ce ruisseau. Une telle proximité l’a amené à s’intéresser à l’entretien des cours d’eau. Respectant l’obligation d’entretien imposée au propriétaire riverain par le code de l’environnement et comprenant la nécessité d’un bon écoulement, il enlève régulièrement les embâcles de sa portion de cours d’eau.

En effet, pour des drains en bon état, il est important que les bouches de drainage à l’exutoire ne soient pas noyées en permanence. Si le cours d’eau n’est pas suffisamment entretenu : atterrissements excessifs, embâcles, ripisylve (végétation des berges) broussailleuse et bois mort ; le niveau de l’eau monte et provoque parfois des inondations.

C’est exactement ce qui se produit sur les tronçons dont Eric ne maîtrise pas l’entretien. Les bouches de drainage sont sous l’eau qui remonte dans les drains. A terme, les drains risquent de se boucher et de ne plus être fonctionnels. « Je risque de perdre les dizaines de milliers d’euros investis dans mon drainage ! Tout sera à refaire ! ».

Bouche de drainage située sous le niveau de l’eau

 

Les 2 visages de l’Hyvernain. A gauche, portion aval du cours d’eau mal entretenue et pleine d’embâcles. A droite, portion amont bien entretenue appartenant à Eric Marès.

Afin de trouver une solution, Eric réunit en 2003 la dizaine de riverains du cours d’eau sur 3 km en aval de chez lui, après avoir demandé à la DDA un inventaire gracieux des interventions d’entretien à mener. L’entretien n’étant toujours pas effectué, Eric renouvelle la réunion l’année suivante, puis une année de plus et constate la mauvaise volonté des riverains vis-à-vis de l’entretien. Le niveau d’eau montant de plus en plus fréquemment, le préjudice sur le drainage commence à se réaliser. Les bouches de drainage restent pratiquement noyées toute l’année.

En 2009, Eric prend contact avec un avocat qui a fait état de la situation au Préfet du Cher. Ce dernier répond que c’est aux riverains d’intervenir. S’ils ne s’exécutent pas, la commune peut les y obliger, au besoin en faisant faire les travaux d’entretien à leurs frais.

Face à l’inaction des riverains et des communes, Eric décide en 2012 de les assigner devant le tribunal de Bourges. Le tribunal ordonne une expertise qui conclut en juillet 2013 que le cours d’eau présente de très nombreuses lacunes d’entretien.

En novembre 2013, il est demandé aux maires des 3 communes d'exercer leur devoir de police en ordonnant les mesures d'entretien du cours d'eau par les propriétaires. Maintenant que les conseils municipaux sont élus, que rien n'a été fait et que l'eau continue de monter, Eric va passer à l'assignation des propriétaires.

Mais le temps presse : en décembre 2014, des inondations ont lieu. « A chaque coup d’eau, même de moindre importance, ça inonde ! Cela fait des remontées d’eau. L’état des drains est impossible à contrôler ».

Eric Marès croit en l’avenir

Dans le Cher, on compte 100 000 ha drainés et 15 000 ha irrigués. « C’est dire l’importance du drainage dans notre département ! »

Il ne faut pas considérer l’entretien des cours d’eau seulement comme une charge. La CUMA de drainage du Cher a investi dans un sécateur, afin d’entretenir la ripisylve du cours d’eau, et d’une déchiqueteuse afin d’en faire du bois à brûler en chaudière. « Cela couvre les frais d’entretien ».

« Je suis convaincu qu’un agriculteur ne doit pas rester tout seul. Isolé, l’individu est comme « mort ». L’union des moyens humains et matériels fait la force. » Eric représente la CR dans un groupe de travail sur la police de l’eau et l’entretien des cours d’eau. « J’y participe en pensant à la multitude de ceux qui ont des drainages dont la pérennité dépend du bon entretien du cours d'eau. La CR ne lâchera pas les drainants ! ».

L’optimisme et l’esprit d’entreprise d’Eric se résument ainsi : « Il n’y a pas d’avenir sans agriculteurs ! Il n’y a pas d’agriculture sans avenir ! Un avenir, ça se construit en permanence, ça s’imagine. Il faut être avant-gardiste, ouvert, novateur ! »

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