Après deux années où 50 % des exploitations céréalières ont déjà connu un déficit, la récolte de céréales à pailles est en chute de 28 % avec des prix qui baissent de plus de 10 % soit plus de 35 % de perte de chiffre d’affaires ! Ce n’est pas mieux en colza.

Ceci n’est qu’une moyenne, il y a des cas beaucoup plus graves avec des pertes pouvant dépasser les 1000 €/ha ! Toute la France est touchée, pas seulement le Centre et le Nord qui ont connu les intempéries mais également le Sud où les moissons ont été mauvaises en 2014 et 2015 et, avec la sécheresse estivale, les récoltes en maïs et tournesol ne seront pas bonnes. Il faudrait d’urgence 5 milliards d’euros pour sauver les producteurs de grains, soit 500 euros par hectare.

Dans une économie normale, une baisse de la production serait compensée par une hausse des prix. Hélas, avec le libre-échange et les excellentes récoltes des États-Unis et de la Russie, les prix baissent. Quand on a froid dans une maison, on ferme la porte. Les céréaliers sont malades, la porte reste grande ouverte et il est politiquement incorrect de vouloir la fermer ! Rappelons que la France ne s’est pas opposée à Bruxelles à la signature des derniers accords de libre-échange pour de l’orge canadienne, du blé et du maïs ukrainien. Plusieurs millions de tonnes qui prennent la place des céréales françaises au sein de l’UE et qui nous obligent à réexporter à moindre prix sur les pays tiers.

Pour nous consoler, les services de l’État osent la provocation en nous disant : « n’oubliez pas que nous sortons d’une campagne exceptionnelle avec des exportations records sur les pays tiers ! ». Ces exportations sont l’iceberg contre lequel tous les céréaliers français vont mourir. Si nous avons tant exporté en 2015/2016, c’est tout simplement parce que nous avions le blé le moins cher au monde. Pardon, dans les sphères parisiennes et dans l’immeuble céréalier de Neuilly, on ne dit jamais « prix bas » mais « prix compétitifs ».

Aujourd’hui, nous n’avons ni les volumes, ni les prix, nous ne contrôlons plus le paquebot car nous avons abandonné notre souveraineté en matière de PAC à l’OMC : nous sommes incapables de faire machine arrière face à l’iceberg !

Pour nous aider, la moindre des choses serait que l’on baisse la voilure du côté des charges et des contraintes environnementales qui nous coûtent très cher. L’OPG (Organisation des producteurs de grains) a demandé au Ministère que l’on supprime l’obligation d’implanter les CIPAN, que l’on fasse des dérogations pour les SIE, que l’on supprime TGAP et RPD sur les produits phytopharmaceutiques ainsi que les taxes des agences de bassin. Là, on nous a répondu : « sur l’environnement, nous ne changerons pas le cap donné par le Ministre et par l’UE ». Vous avez compris : l’orchestre du Titanic jouera jusqu’au bout, comme s’il n’en était rien !

Cette double position autiste du Ministère est révoltante, rien ne sera fait pour sauver nos paysans si nous ne réagissons pas fortement. Depuis 4 ans nous avons un gouvernement de gauche qui n’a fait que de s’attaquer aux petits ; les agriculteurs, particulièrement les céréaliers, des micro-entreprises qui font à peine quelques centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires et que l’on noie sous les charges et les contraintes. Par contre, notre Ministre n’a pris aucune mesure contre les multinationales des grains, les traders, les exportateurs – qui sont aussi des importateurs – les spéculateurs et tous ceux qui se nourrissent de la déformation du commerce extérieur agricole de l’UE. Aucune mesure en faveur de la régulation des marchés. Aucune mesure efficace pour le rééquilibrage des grandes cultures en faveur des oléoprotéagineux.

C’est certainement un peu notre faute, car comme l’âne de la fable « les animaux malades de la peste », nous sommes les plus bêtes donc les coupables que l’on méprise. Avec d’un côté un syndicat céréalier qui ne jure que par les exportations sur les pays tiers et de l’autre un syndicat qui affirme que les cultivateurs ont des placements financiers et réalisé des investissements immobiliers, tout cela amène de l’eau au moulin idéologique du commandant Le Foll.

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