Dans le cadre de la PAC 2023, les agriculteurs ont déjà pu faire connaissance avec le Système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3STR) ou « monitoring », qui est le système de contrôle continu de la nature des couverts agricoles et de certains actes techniques sur les parcelles grâce aux images fournies par les satellites Sentinel.

Ce dispositif fait partie du Système intégré de gestion et de contrôle (SIGC – chapitre II du règlement (UE) 2021/2116), et plus particulièrement du « système de suivi des surfaces ».

Ce dispositif a été assez mis en avant et médiatisé, puisque l’on change de paradigme, en entrant dans l’ère du contrôle permanent et continu. C’était en outre un dispositif sur lequel il était déjà possible de faire un retour d’expérience, puisque déjà en service en Espagne par exemple. Sa mise en service « offrira », et c’est tout son atout, un « droit à l’erreur ».

Des registres phytos obligatoirement informatisés en open data

Cependant, la mise en avant du 3STR a quelque peu éclipsé une autre obligation issue du SIGC : le système de demande géospatialisée. Dans le Règlement (UE) 2021/2116, dit Règlement Horizontal (l’un des trois règlements encadrant la nouvelle PAC), il n’en est fait mention que de manière très laconique.

Sa description se trouve dans l’article 8 du règlement d’exécution (UE) 2022/1173, établissant les modalités d’application du règlement (UE) 2021/2116 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle dans la politique agricole commune.

Il est notamment précisé que la demande géospatialisée devra inclure « des informations sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur les parcelles dans le cadre d’interventions en faveur de l’utilisation durable et réduite des pesticides conformément aux articles 31 et 70 du règlement (UE) 2021/2115 ».

La Commission européenne vient de soumettre à consultation un projet de règlement d’exécution sur la tenue de registres par les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, précisant que ces registres devront être tenus par voie électronique.

Il devront donc être conservés sous forme électronique « car les moyens électroniques de tenue des registres sont les mieux adaptés pour permettre une application uniforme de l'obligation de tenue des registres. Cela garantit une plus grande fiabilité des enregistrements, facilite leur collecte et leur vérification par les autorités compétentes et, en définitive, soutient des activités de suivi et de contrôle exactes, efficientes et efficaces par les États membres. »

À cette fin, « les formats électroniques utilisés devraient également être exploitables informatiquement au sens de la directive (UE) 2019/1024. En outre, les autorités compétentes devraient pouvoir établir sans équivoque quand un dossier particulier a été créé ou modifié. »

Au sens de la directive (UE) 2019/1024, ce qui signifie en open data !

Cela pose donc la question opérationnelle pour les agriculteurs qui devront enregistrer ces données, mais surtout celle de l’accès à ces dernières : par qui et dans quel but ?

Les agriculteurs seraient donc contraints de tenir 2 registres : - Protection intégrée des cultures (PIC) selon la Directive 2009/128/CE ; - et registre de l’article 67 du règlement 1107/2009.

Aussi, la CR demande une simplification drastique des informations à compléter et que les 2 registres soient couplés. Pour ce faire, il convient de profiter de la révision en cours du Règlement 1107/2009/CE, pour apporter un complément à son article 67 en ajoutant la prise en considération de la PIC.

Pourquoi une telle obsession du contrôle sur les agriculteurs ?

La CR se demande ce qui pousse la Commission à exiger autant de détails de la part des agriculteurs. Comme l’a fait remarquer notre représentant lors d’une réunion où le sujet a été abordé : « La production agricole sera autant contrôlée que la production d’énergie nucléaire ! ». Qui la Commission veut-elle rassurer ? Le consommateur ? Compte tenu du niveau d’exigence des normes européennes, il serait bien mieux protégé si les importations en provenance de pays tiers respectaient celles en vigueur dans l’Union européenne.

La Commission veut-elle mieux informer le citoyen ? Les agriculteurs utilisent des produits phytopharmaceutiques en tant que produit de santé du végétal pour protéger leurs plants et leurs cultures, donc leurs récoltes et l’alimentation des citoyens, en respectant des cahiers des charges et des dosages fixés par une réglementation stricte. Avant de jeter l’opprobre sur les agriculteurs européens, peut-être faudrait-il se pencher sur la mise en place rapide de clauses miroirs ou la révision des Limites maximales de résidus pour les substances actives déjà interdites dans l’UE, et imposer la mention obligatoire de l’origine des denrées sur l’étiquetage des produits alimentaires.

La Commission envisage-t-elle le contrôle continu comme un gain de compétitivité ? Pour les services instructeurs peut-être ? Encore que… Mais pour les agriculteurs, la surcharge administrative et déclarative n’a jamais été un facteur d’amélioration de la compétitivité, surtout pas face à des pays tiers moins exigeants sur cette question ni sur les restrictions à l’usage de produits pharmaceutiques. La Coordination Rurale espère que les modalités pratiques et opérationnelles ont été étudiées pour que les déclarations soient les moins chronophages possible, et qu’elles n’entraînent pas de coûts supplémentaires autres que le temps précieux des agriculteurs (pas d’abonnement à des services, logiciels, conseils).

Enfin, si la Commission souhaitait ainsi se réconcilier avec les agriculteurs et recréer la relation de confiance qui devrait la lier à eux, c’est une occasion manquée.

Foutez-nous la paix, et laissez-nous travailler !

La PAC doit donc revenir à ses fondamentaux édictés dans l’article 39 du TFUE, en particulier s’agissant du développement de la production agricole et l’assurance d’un niveau de vie équitable à la population agricole. Quant à la garantie de la sécurité des approvisionnements, nous n’avons aucun doute que la sécurité administrative des productions européennes sera garantie, informatiquement vérifiable et contrôlable. Pour ce qui est de la quantité, les objectifs du Green Deal de réduction de l’utilisation des produits phytos et des engrais, ainsi que l’augmentation de la part des surfaces non productives dans la PAC 2023 ne sont pas de nature à nous rassurer.

La PAC doit rétablir ce contrat de confiance agricole commun entre les citoyens, les institutions et les agriculteurs. Et non pas dériver sans fin vers de l’asservissement et du contrôle.

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