En juin 2018 la Commission européenne présentait sa proposition pour la nouvelle Politique agricole commune post-2020. Depuis, malgré des échanges au niveau national et européen sur la nécessité de revoir cette proposition, la position de Bruxelles reste inchangée et se situe malheureusement dans la continuité des réformes précédentes.

L’Europe se targue d’être la première puissance agricole mondiale mais elle est aussi le premier importateur agroalimentaire mondial pour plus de 110 milliards d’€ par an (source : Commission Européenne). Comment peut-on omettre ce paramètre dans les discussions sur la future PAC ?

La Coordination Rurale considère que la proposition de la Commission demeure la négation des objectifs que lui a assignés le traité de Rome et régulièrement rappelés par la CR, préférant s’en tenir à une logique ultra libérale imposée par l’OMC et de multiples accords bilatéraux qui finissent de réduire le secteur agricole stratégique à un boulet économique coûteux et sur-administré, au mépris des besoins vitaux de la population.

Il suffit de regarder quelques mesures majeures…

Le budget

C’est le thème emblématique autour duquel chacun communique en oubliant qu’un budget n’est pas ce qui constitue une politique mais ce qui en découle. Habituée de ce contresens la Commission prévoit une diminution du budget (- 17 % en € constant, - 5 % en € courant), pour le ramener à 365 Md€ quand la France prône un maintien du budget actuel en euros courants.

Alors qu’il n’est jamais évoqué les prix payés aux producteurs en deçà de leurs coûts de production dans le projet, il est consternant de constater le manque de perspective pour le secteur agricole de la part de la Commission et de la France, au moment où, à l’inverse, les grands pays renforcent leur politique de soutien à l’agriculture. C’est le cas du Brésil, de la Chine et des États-Unis notamment.

Dans un tel contexte poursuivre une politique agricole destructrice réduite à une consommation budgétaire, en baisse qui plus est, relève d’un grave manquement qui, malheureusement, n’est endossé par aucun des responsables qui bénéficient d’une immunité assurée par l’indifférence de nos gouvernants.

Plan stratégiques nationaux

Après le Brexit ingérable et à la veille de nouvelles élections, l’Europe traverse une crise profonde et est à un pas de sa dissolution. Dans ce contexte, la Commission présente comme mesure majeure de la nouvelle architecture de la Pac les Plans stratégiques nationaux, ou comment renationaliser la seule politique véritablement commune de l’Union européenne...

Les agriculteurs savent très bien qu’accorder plus de marge de manœuvre aux États-Membres (EM), va se traduire par des distorsions de concurrence plus aiguës que celles qui depuis des années mettent déjà à mal notre agriculture. Pourtant ce que les agriculteurs demandent haut et fort c’est, à l’opposé, une harmonisation des normes sociales, fiscales, sanitaires et environnementales au sein de l’Europe pour en finir avec la concurrence déloyale entre les EM et le rétablissement de la préférence communautaire.

Dans la pratique les EM devront soumettre les Plans nationaux à la Commission, qui sera donc garante de la cohérence d’ensemble de ces plans avec les objectifs plus larges qu’elle aura fixés. Les États seront en charge de la mise au point des indicateurs de référence pour évaluer la mise en œuvre des plans nationaux, avec un suivi annuel ou pluriannuel en fonction des mesures. Le 15 février de chaque année les EM devront présenter un rapport annuel de performance (financière et de résultats). Ce rapport est censé présenter l’état d’avancement dans la mise en œuvre des Plans stratégiques en relation à des objectifs intermédiaires annuels.

Il semblerait que le principe soit accepté par les EM. Ils négocient actuellement afin de fixer à deux ans le terme pour la présentation de ce rapport et faire passer de 25 à 35 % la marge de tolérance fixée par la Commission. Un écart dépassant cette marge (en relation avec les objectifs fixés par les EM et validés au préalable par Bruxelles) peut aboutir à une demande de Bruxelles de mettre au point un plan d’actions correctif. Pour la CR, il est totalement aberrant de présenter comme une simplification une telle délégation de la responsabilité à l’échelon national !

La nouvelle architecture verte : Eco-schème

Présentée par le Conseil de l’Union européenne devant les ministres des EM le 28 janvier 2019, il s’agit d’une mesure proposée par la France et qui constitue l’innovation majeure pour la prise en compte du volet environnemental. Les EM sont obligés de réserver une partie des paiements directs du premier pilier pour inciter les agriculteurs à s’investir dans des pratiques plus durables sur le plan environnemental. Les agriculteurs, de leur côté, pourront adhérer de manière facultative.

La ponction sur le budget du 1er pilier n’est pour l’instant pas définie.

L’éco-conditionnalité pour les paiement directs, toujours obligatoire pour les agriculteurs, sera renforcée par des nouvelles exigences (protection des zones humides, gestion des éléments nutritifs pour améliorer la qualité de l’eau, rotation des cultures...). Moins de soutien au revenu, plus de contraintes vertes… et rien qui prévoit de donner aux agriculteurs des garanties pour des prix rémunérateurs ! Alignés sur les cours mondiaux, les agriculteurs continueront à vendre à perte dans un contexte de concurrence exacerbée. Suffira-t-il d’une nouvelle architecture verte pour encourager des pratiques plus vert...ueuses ? Malheureusement, nous connaissons déjà la réponse. Autant de moyens dépensés pour des solutions qui n’auront aucun impact sur le revenu des agriculteurs, alors que la solution existe : c’est une politique qui organise et régule les productions et les marchés.

Qu’en tirer ?

Le fossé entre les déclarations de principe et les propositions ne fait que se creuser et les agriculteurs en ont assez ! La Cour des comptes européenne a fustigé la Commission en jugeant que dans son projet les aides au revenu et le verdissement sont inefficaces. Faisant fi de ces critiques cette dernière persiste dans ses errements.

Elle déclare vouloir assurer un revenu équitable à la population agricole, mais elle reste arc-boutée sur son plan de restructuration à grande échelle qui conduit à l’élimination des agriculteurs, sacrifiés sur l’autel d’une impossible compétitivité. Un des enjeux des prochaines élections européennes sera de permettre ou non un salutaire changement de direction pour la PAC afin de sauver et relancer ce secteur stratégique parce que vital pour l’Union européenne.

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