Dès 1996, la CR a été le premier syndicat agricole français à mettre en question les OGM. Jusqu’à la transposition en 2007 de la directive européenne sur la dissémination des OGM dans l’environnement, sous la pression des lobbies des semenciers (souvent également vendeurs de produits phytosanitaires), la culture des OGM n’était autorisée en France qu’au titre de l’expérimentation. En 2007, 22 000 ha de culture de maïs MON810 (seul OGM autorisé à la culture en France) étaient déclarés.

Mais le Grenelle de l’environnement est passé par là et a remis les « attentes des citoyens » sur le devant de la scène, ne pouvant faire abstraction de leur large opposition aux OGM. Cela a conduit à la création du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) chargé de formuler des avis sur les questions relatives aux OGM, et à la suspension de la culture du MON 810 en janvier 2008. En outre, la France a proposé une remise à plat des procédures d'homologation des OGM dans l'UE, pour prendre davantage en compte les risques. Cela a amené l’AGPM (branche maïs de la FNSEA) et les semenciers à déposer des recours, finalement rejetés, contre la suspension de la culture du MON 810.

Mais dès mai 2008, les rapports de force politiciens l’ont encore emporté sur l’intelligence, l’objectivité et le réalisme avec le vote de la loi sur les OGM (pour laquelle la CR avait déposé des amendements de bon sens qui ont été écartés). Truffée de lacunes et d’incohérences, cette loi permet d’ouvrir une large route aux productions OGM pour le plus grand bénéfice des semenciers.

Le rapport de la mission d’information de l’Assemblée Nationale conduite par les députés A. Hert et G. Peiro en 2010 est d’ailleurs assez conforme à l’analyse de la CR lorsqu’il dénonce les lacunes et l’inapplicabilité de la loi. Dès qu’elle aura à s’appliquer, la loi ne pourra ni préserver les droits des producteurs victimes de contaminations OGM de leurs cultures, ni ceux des producteurs d’OGM qui voient leur responsabilité engagée, même s’ils n’ont commis aucune faute. Par cette loi, l’Etat a ainsi permis - dès que les entraves à la culture de maïs OGM seront levées - la généralisation des culture d’OGM, tout en s’exonérant de sa propre responsabilité vis-à-vis des risques, inconnus mais possibles, liés à leur dissémination volontaire.

Contrairement à la FNSEA positionnée clairement pour la culture des OGM et à la Confédération Paysanne, systématiquement et farouchement opposée aux OGM dans leur ensemble, la CR a une position très mesurée.

La recherche et l’évolution de la science doivent être encouragées

La CR encourage la recherche publique qui est la seule garante d’un point de vue objectif (indépendant de considérations économico-financières). Elle déplore d’ailleurs que cette recherche publique n’ait pas été engagée plus énergiquement dans les OGM pour lever plus rapidement les nombreuses incertitudes.

Toutefois, cette recherche, qu’elle soit à finalité alimentaire ou médicale, doit être menée en milieu clos et non pas en plein champ, pour éviter la dispersion irréversible des gènes dans la nature, dont les conséquences sont imprévisibles.

La recherche et l’évolution de la science doivent être encouragées

Il convient de considérer les OGM avec une extrême prudence. En effet, pour ce qui est du risque de dissémination des pollens, les risques environnementaux sont avérés, que ce soit par le vent ou par d’autres vecteurs (abeilles, animaux, etc.), et ceci sur des distances pouvant être considérables (voir comment parfois le sable du Sahara atteint la France lorsqu’il est porté par le vent du Sud) et donc bien supérieures aux « barrières anti-pollens » de quelques dizaines de mètres souvent invoquées. Les nombreux cas avérés de contaminations par des OGM ne peuvent que nous convaincre de la réalité des risques, du point de vue écologique, d’une pollution irréversible de certains génomes. Les conséquences d’une telle dispersion sur la santé humaine et sur la faune ou la flore sauvages sont imprévisibles et restent encore à évaluer. Il faut d’ailleurs remarquer qu’aucun assureur au monde ne veut couvrir les risques liés aux OGM. Ce n’est sûrement pas le fruit du hasard…

En outre, des millions d’hectares sont maintenant cultivés dans le monde, si bien que l’on peut considérer que l’expérimentation est déjà faite en grandeur nature. Il n’est donc pas sérieux de dire que la limitation des essais en atmosphère confinée induit un risque de stopper le développement des OGM : la dissémination irréversible des OGM est un risque d’une bien plus grande ampleur à l’heure actuelle.
Enfin, les semenciers ne peuvent prétendre valider l’expérimentation d’une variété génétiquement modifiée avec une très faible quantité d’expérimentations en plein air dans une région de France : il existe une telle variabilité des sols et des climats qu’ils devraient alors reproduire ces essais à des fréquences élevées. Avec des surcoûts bien sûr, il est aujourd’hui sans doute possible de mener ces expérimentations en reproduisant artificiellement sous serre et en atmosphère contrôlée la diversité des conditions de sol et climatiques.
Si ces essais ne présentent pas d’intérêts vitaux pour le secteur alimentaire, ce n’est pas le cas pour ceux qui sont à finalité médicale. Mais les précautions doivent être prises de la même manière, quelle que soit la destination de ces essais, compte tenu des risques incommensurables attachés aux pollutions génétiques.

L’intérêt et l’utilité des OGM doivent être prouvés

La CR ne s’oppose pas par principe aux OGM s’ils s’avèrent utiles à l’humanité. L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) déplore d’ailleurs aujourd’hui l’absence d’évaluation scientifique sur leur « utilité ». Il serait temps que l’Europe écoute un peu moins les puissants lobbies semenciers et lance une étude sérieuse sur leur véritable intérêt ! Ainsi, il n’est aujourd’hui toujours pas scientifiquement prouvé que l’utilisation des OGM permettrait de réduire de manière substantielle l’utilisation des produits phytosanitaires. Au contraire, il existe des études qui montrent tout à fait le contraire.
Ainsi, pour les plantes résistantes au « Round Up » ou génériques équivalents, il n’y a pas eu de recherches faites pour connaître le devenir de ce produit dans la chaîne alimentaire car il a été homologué comme un herbicide total, donc non susceptible d’être retrouvé dans l’alimentation issue de plantes traitées.
En Inde, un rapport officiel a établi en 2010 que le fameux coton Bt de Monsanto était devenu inefficace contre les insectes, qui ont développé des résistances. La technique est rattrapée par la nature, ce qui devrait remettre en question l’intérêt de ces substances.

Coton transgénique Monsanto

Pas pour Monsanto cependant, qui reconnaît le problème… pour mieux inciter les agriculteurs indiens à passer à sa nouvelle génération de coton transgénique.
Sachant qu’un certain nombre d’agriculteurs avait commencé à développer des semences fermières de coton Bt, ce « malheur » tombe finalement très bien pour Monsanto. Nécessaires, les OGM actuels ? Pour contraindre les agriculteurs à passer par les firmes agro-chimiques, sans aucun doute !

L’innocuité des OGM pour la santé doit être établie

Non seulement nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’éléments scientifiques irréfutables permettant d’établir l’intérêt des OGM pour l’utilisation humaine ou pour l’alimentation d’animaux destinés à la consommation humaine, mais aussi et surtout de garantir leur innocuité pour la santé et l’environnement.
Le rôle de la recherche est d’évaluer de manière honnête les éventuels risques que font porter les OGM sur la santé. Il ne faut pas négliger la question des interactions du vivant, qui posent le problème des mutations génétiques et de l’apparition à plus ou moins brève échéance, d’espèces résistantes aux maladies ou aux parasites que l’on prétendait éradiquer avec les OGM. En effet, s’il est possible de prévoir l’évolution d’une pollution chimique ou nucléaire, il n’y a par contre aucun modèle statistique qui soit en mesure de prévoir l’ampleur et l’évolution d’une pollution biologique qui est régie par la logique de reproduction du vivant. Les gènes introduits au hasard par bombardement dans l'ADN d'un être vivant d'une autre espèce sont souvent accompagnés d'impuretés qui peuvent produire des réactions imprévisibles. Il existe donc des risques fondamentaux inconnus qui concernent tous les êtres vivants (hommes, animaux et plantes) de voir apparaître des mutations, des nouveaux agents pathogènes, des allergies, des toxicités etc.

Les risques d’allergies
Il existe déjà plusieurs OGM allergènes qui posent de sérieux problèmes aux Etats-Unis dont le maïs Starlink, accusé de provoquer des allergies chez l'homme et donc interdit à la consommation humaine. Malgré cette interdiction, de nouveaux cas d'allergie se manifestant, on s'aperçut que de nombreux produits alimentaires contenaient le gène du Starlink. Ainsi, plus de 300 aliments destinés à la consommation et des milliers de tonnes de maïs pollué furent retirés du marché, entraînant une forte baisse des exportations américaines, notamment vers le Japon et la Corée. Les allergies touchent aujourd'hui un quart de notre population ; celles qui sont alimentaires sont graves et nécessitent une connaissance parfaite des aliments consommés. Le développement des cultures OGM dans toutes les espèces entraînerait une pollution généralisée de toutes les plantes comestibles par la dispersion des pollens. Toute traçabilité sérieuse deviendrait impossible. Ceci pourrait donc avoir de très dangereuses conséquences sur la santé humaine.

Les risques liés à l’utilisation de vecteurs viraux
L’utilisation de gènes viraux pour fabriquer des plantes résistantes aux virus pourrait faire apparaître de nouveaux virus inconnus, nés du mélange du transgène et des gènes infectants. Le risque est d'autant plus à prendre en compte qu’une modification des génomes se transmettrait aux générations suivantes.

Les risques de résistance aux antibiotiques ou d’accumulation de toxines dans la chaîne alimentaire
La résistance à l'antibiotique Ampicilline (encore très employé en médecine) conférée par un 2ème gène au maïs CIBA a déclenché en son temps une vive controverse. L’utilisation de ce gène nous paraît inconsciente quand il se forme des souches de microbes résistants aux antibiotiques, et que l'OMS recommande d’éviter les antibiotiques dans l'alimentation animale et met en garde contre leur utilisation abusive en médecine humaine.

Les soupçons de toxicité
Les soupçons de toxicité qui pèsent sur les OGM reviennent régulièrement dans les débats, avec accusation de mauvaise foi ou de censure selon les camps. Le débat a rebondi à nouveau en 2010 avec la présentation en Russie d’une étude sur le sujet, menée pendant 2 ans sur plusieurs groupes de hamsters. Les résultats sont à prendre avec précaution, puisque le protocole expérimental n’a pas été validé, mais ils ont de quoi inquiéter : il semble que les hamsters nourris avec un pourcentage élevé de soja OGM souffrent d’une nette diminution de leur fertilité (la 3e génération étant quasi stérile) et… de l’apparition de poils dans la bouche !
De même pour le maïs « Bt », dont on ignore si des recherches ont été menées pour vérifier la non toxicité pour l’homme de la protéine insecticide qu’il contient.

L’objectivité en matière d’évaluations des OGM est primordiale

Compte tenu des risques potentiels, la CR estime que les procédures d’évaluation des risques liés aux OGM ne sont pas suffisantes. Tout d’abord, cette évaluation n’est jamais globale mais partielle. Il faudrait en effet pouvoir juger des effets de leur utilisation tant sur la santé des animaux et des humains que sur l’équilibre de la faune et de la flore ainsi que sur les micro-organismes en terre. Il n’y a pas pour l’instant de procédures d’évaluation des effets possibles des aliments issus de productions OGM sur la santé, ni de l’incidence des cultures OGM sur l’équilibre biologique des sols, de la faune et de la flore. Aussi longtemps que pèsent les incertitudes sur les effets possibles des OGM sur la santé, il est nécessaire d’informer les consommateurs de leur présence, même à un taux très bas, de manière à leur laisser le choix. Il serait scandaleux d’abuser de l’ignorance des populations pour en faire des cobayes permettant des expérimentations en grandeur réelle.
En outre,l’évaluation au niveau européen est exclusivement basée sur des rapports fournis par les créateurs des OGM, qui n’ont aucun intérêt à produire des études objectives mettant en cause leur produit. Enfin, pour la CR, l’agence européenne chargée de cette évaluation (l’EFSA aujourd’hui) doit être pluraliste, indépendante et objective. Sinon, il faut laisser le choix aux Etats membres à travers des comités nationaux qui soient eux aussi pluralistes, indépendants et objectifs. Actuellement, l’EFSA et le HCB ne remplissent pas ces conditions. Si une réforme de l’évaluation des OGM était envisagée, la CR plaide pour une agence européenne composée notamment de personnes élues à la majorité et issues des comités nationaux tels que nous venons de les décrire. Dans l’idéal, une telle nomination devrait se faire à l’unanimité mais nous avons conscience de la difficulté que pourrait poser cette dernière exigence.
Concernant le HCB, la CR déplore d’avoir été écartée de sa composition actuelle. C’est particulièrement injuste car : - la CR est représentative au niveau national et incarne donc, au vu des votes, près de 20% des agriculteurs, - la CR est le 2nd syndicat d’exploitants agricoles (nombre de chambres détenues et nombre de sièges en chambre) après la FNSEA, - les autres syndicats représentatifs (FNSEA et Confédération paysanne) y siègent.

Les risques de dissémination des OGM dans l’environnement sont avérés, la coexistence entre les filières OGM et non-OGM est impossible

Aucun scientifique ne peut aujourd’hui garantir l’absence totale de risques, avérés ou non, de la dissémination des OGM. Autrement dit, personne au monde ne peut garantir que ces disséminations volontaires, susceptibles de se multiplier et de se diversifier à outrance, ne pourraient pas s’avérer dangereuses, voire dramatiques pour l’environnement ou la santé des populations. C’est d’ailleurs pour cette raison, sans doute confuse dans leur esprit, que la grande majorité des consommateurs rejette les OGM.

Les pollens pouvant parcourir des distances considérables, nous ne pensons pas que la coexistence des filières OGM et non-OGM soit possible, s’il s’agit de préserver des cultures à 0 % d’OGM. En dehors de la dissémination des pollens, les mélanges seront inévitables, sauf à avoir des filières traitées avec du matériel de semis, de récolte, de transport, de stockage et de conditionnement totalement indépendants. Il faudrait en effet une traçabilité graine par graine pour pouvoir garantir l’absence de mélange. Les notions de « présence fortuite d’OGM » ou de « seuil de contamination autorisé » démontrent que l’on ne maîtrise pas la prolifération des OGM. Il faut impérativement retrouver la pureté génétique initiale des plantes. Nous ne pouvons pas admettre par exemple qu’on considère comme inéluctable, voire normal, qu’actuellement on trouve des traces d’OGM dans des semences de maïs conventionnel semées en France, alors qu’il ne s’en cultive plus.

Dans un tel contexte, nous estimons choquants les propos, notamment de la FNSEA, selon lesquels il n’y aurait aucun problème à faire cohabiter les filières OGM et non OGM : ils participent de la désinformation visant à enclencher une dissémination irréversible, qui ferait peser un risque effectif sur la biodiversité. Cette attitude est d’autant plus choquante que les citoyens sont très majoritairement contre les OGM, appuyés par de nombreux chercheurs.

Le principe de précaution doit être appliqué, l’Europe doit revenir à une agriculture sans OGM

La complexité de ces questions nous amène à penser raisonnablement qu’il y aura pour le moins une modification des équilibres avec la culture des OGM en plein champ. De ce fait, nous pensons que le principe de précaution, si souvent invoqué, doit être appliqué, car c’est pour nous la meilleure garantie que l’on puisse donner aux consommateurs, inquiets, qui en majorité (70 à 80%) ne souhaitent pas consommer des OGM. Se pose aussi dans notre pays un problème aigu d’information du consommateur, notamment sur l’alimentation du bétail. Nous réaffirmons donc que les cultures expérimentales doivent rester en atmosphère contrôlée sous serre.


Toutes ces réflexions donnent de quoi s’interroger bien au-delà du seul rapport « qualité-prix » de ces cultures. De quoi surtout justifier la mise en place d’une filière européenne sans OGM et valorisée comme telle. Une façon pour l’Europe de sortir par le haut de l’affrontement avec les pays fortement exportateurs de cultures OGM et de redonner un peu de valeur ajoutée aux agriculteurs européens.

L’étiquetage des produits, pour distinguer ceux qui sont « sans OGM » de ceux qui en contiennent, est indispensable et urgent.

L’étiquetage des produits, « sans OGM » est indispensable et urgent

Il faut bien garder en tête que les produits traditionnels sont ceux qui ne contiennent pas d’OGM et la logique voudrait que tous ceux qui sont susceptibles d’en contenir soient étiquetés comme tels.
D’ici là, la CR se félicite de la position de bon sens adoptée fin 2009 par le Haut Conseil des Biotechnologies sur la définition du « sans OGM », qui confirme bien les ambitions d’indépendance annoncées lors de la création de ce comité. Le seuil de 0,1 % d'ADN transgénique pour l'étiquetage "sans OGM" mis en avant pour les filières végétales avait été défendu par la CR lors de son audition.

La proposition d’étendre la possibilité d'étiquetage aux produits issus d'animaux nourris avec des aliments non étiquetés OGM et contenant fortuitement entre 0,1% et 0,9% d'ADN transgénique " est également pour la CR une position raisonnable, à condition que l’objectif final soit bien d’atteindre un taux le plus bas possible. En effet, la seule mention d’un taux inférieur à 0,9 % n’est pas suffisante. C’est bien la limite de quantification, soit 0,1 %, qu’il s’agit de viser.
A cet égard, la CR déplore la surdité de la Commission européenne, qui vient d’autoriser l’importation de 3 maïs OGM, malgré la réticence des consommateurs et en totale opposition avec les dispositions raisonnables que la France se prépare à entériner.


La responsabilité de la dissémination d’OGM doit être assumée par le semencier, créateur ou metteur en marché de ces organismes

Si tant est que la coexistence des filières OGM et non-OGM soit possible, ce que nie la CR, une question fondamentale reste toutefois en suspens : qui va supporter les frais liés à la séparation nette des filières OGM et non OGM ? La loi adoptée en 2008 indique clairement que ce seront les cultivateurs d’OGM qui seront financièrement responsables en cas de contamination, et ce même s’ils respectent les prescriptions techniques. Ceux qui feront le choix de cultiver des OGM devront donc se montrer extrêmement vigilants, car les assureurs n’acceptent toujours pas de couvrir ce type de risques. La loi montre bien que la cohabitation OGM et non OGM n'est pas neutre, contrairement aux affirmations des lobbies semenciers.
Quoi qu’il en soit, il serait inacceptable que les filières traditionnelles aient à assumer les surcoûts liés à l’apparition des filières OGM (analyses coûteuses, précautions d’isolement, de transport, de stockage, etc.), et ce d’autant plus lorsqu’on considère le rejet massif des OGM par la majorité des citoyens. Ce surcoût reporté sur les non OGM aurait pour effet de les rendre artificiellement moins compétitifs.

Responsabilité de la dissémination d’OGM doit être assumée par le semencier

Etant donné la complexité de la question des OGM, la responsabilité de tous les préjudices, économiques, moraux, environnementaux et de santé publique doit être portée par les auteurs ou metteurs en marché de ces organismes génétiquement modifiés. C’est à eux qu’il incombe de constituer un éventuel fonds de garantie ou de trouver les compagnies d’assurance consentant à les couvrir des risques qu’ils font courir à l’ensemble de la société. Cela nous semble relever de la même logique que celle qui rend responsable le constructeur automobile des vices de fabrication de ses véhicules au lieu de diluer sa responsabilité sur ses utilisateurs.

D’ici là, la CR a proposé au Haut Conseil des Biotechnologies que les filières OGM seules alimentent à tout le moins, à travers une contribution directe, un fonds finançant les analyses et mesures de contrôle par la DGCCRF, qui permettraient dans un premier temps de garantir la fiabilité des produits « sans OGM ».

Les OGM : une solution pour la lutte contre la faim dans le monde ?

Dans l’immédiat, avec le type de plantes OGM que nous connaissons, justifier les OGM par la faim dans le monde n’a aucun sens et relève de la caricature.

D’une part, la manipulation génétique n’améliore pas la productivité de la plante, mais lui confère simplement une résistance à une agression particulière. Ainsi, le maïs Bt n’apporte rien en l’absence de pyrale et il pourra même avoir un rendement moindre qu’un maïs conventionnel d’une variété plus productive ou mieux adaptée. Les rendements peuvent différer selon la plante ou le type de gène inséré. L’expérience nous indique par ailleurs qu’aucune résistance n’est jamais acquise dans la nature, qui se réorganise rapidement pour contourner les obstacles.

Une solution pour la lutte contre la faim dans le monde ?

Par ailleurs, nous pensons que l’inacceptable problème de la faim dans le monde ne peut pas être circonscrit à la question des teneurs en protéines ou en vitamines : avant de penser à l’équilibre de la ration, il faut déjà que l’apport calorique de base soit suffisant. Ainsi, pour avoir la dose journalière recommandée en vitamine A, il faudrait par exemple consommer par jour plusieurs kg de riz dit « doré ». En supposant que ces quantités soient effectivement disponibles pour chaque individu, ce qui relève de l’utopie la plus complète, encore faudrait-il être capable d’engloutir de telles quantités.

Les OGM ne peuvent donc constituer une solution pour les pays en développement. Le problème des agricultures de ces pays tient beaucoup plus aux déséquilibres économiques causés par les distorsions de concurrence avec les pays riches, qui faussent les prix sur les marchés des pays en développement en aidant leurs propres producteurs. L’introduction des OGM dans ces pays ne fait qu’ajouter à leurs problèmes celui de la dépendance vis-à-vis des fournisseurs de semences.

En effet, il est interdit de ressemer les semences OGM (qui sont plus chères que les semences certifiées classiques), ce qui oblige les agriculteurs à en racheter chaque année et donc entraîne pour eux des dépenses supplémentaires, que beaucoup ne peuvent supporter. Par ailleurs, un agriculteur qui ressèmera sa récolte (même en semences conventionnelles) sera suspecté de contrefaçon. Les brevets sur les OGM sont donc très pénalisants pour les agriculteurs. Le développement des OGM signifie l’arrêt de l’utilisation des semences fermières.
Les semenciers étaient jusque-là censés apporter des améliorations des plantes correspondant aux attentes des producteurs. Avec les OGM, les semenciers peuvent apporter ce qu’ils souhaitent, eux, et ceci dans leurs propres intérêts souvent présents également dans la phytopharmacie. De plus, compte tenu de la protection que leur confèrent les brevets, les semenciers créent un marché captif pour toutes les semences et empêchent les agriculteurs de ressemer leurs propres récoltes, avec toutes les conséquences que cela suppose : dépendance, perte de biodiversité, risque pour ressemer en cas d’accident climatique qui détruirait les semences en terre…

Préserver la production européenne des OGM aujourd’hui pour garantir un revenu demain

La céréale américaine qui menace nos marchés n'est pas le blé, mais le maïs. Le maïs américain, moitié moins cher que le maïs français, n'arrive pas aujourd’hui dans nos ports car il contient des types d'OGM qui ne sont pas (encore !) autorisés à la commercialisation en Europe.

Si aujourd'hui on banalise les OGM en Europe, demain c'est le maïs OGM américain qui arrivera et cassera notre marché. Ainsi, vaut-il mieux faire 130 quintaux avec du maïs BT payé à 120 euros/tonne (hors surcoût lié aux prix des semences et à la séparation des lots) ou 115 qx de maïs normal avec un prix de 200 euros/t ? Aujourd’hui, la filière française tente tout pour faire baisser les prix, notamment pour voir tourner ses usines d’éthanol. Les coopératives et l'AGPM font le choix des volumes, la CR fait celui du revenu par les prix !

Les producteurs européens ne seront jamais compétitifs face aux Etats-Unis ou à l’Amérique du Sud. Leur intérêt est donc de bien différencier leur production, comme le font déjà les producteurs européens de viande bovine, qui ne traitent pas leurs animaux avec des hormones. La sagesse consiste donc à éviter de tenter cette aventure pour mieux mettre en avant les qualités et la fiabilité du maïs « produit en UE  », afin d’en tirer un profit maximum.

Pour la CR, l’homme doit agir avec prudence quand, par son intervention, il peut provoquer une série d’interactions qu’il ne maîtrise pas.

La connaissance du génome représente un progrès considérable pour l’humanité, mais les applications qui peuvent en être faites doivent respecter l’ordre de la nature. Il y a une véritable différence entre les processus de sélection naturelle et l’intervention sur le génome. Cette dernière devrait conduire à appliquer le principe de précaution si souvent invoqué en matière d’action publique, en étant strictement confinée en laboratoire sans diffusion de produits génétiquement modifiés. Par contre, les nouvelles connaissances acquises sur le génome peuvent être mises à profit en repassant par les voies de la sélection génétique naturelle, pour l'accélérer et mieux atteindre les cibles visées pour améliorer le comportement des végétaux. L’expérience devrait nous enseigner que l’on aurait tort de jouer les apprentis sorciers dans un domaine aussi sensible que celui de la vie (ESB, dioxine).

Si les effets et l’évolution des pollutions chimiques ou nucléaires sont connus ou prévisibles et modélisables, il est par contre impossible d’en dire autant pour les OGM qui vont évoluer en fonction des règles aléatoires et incommensurables de la reproduction du vivant.

Nous n’avons pas le droit de déclencher des processus irréversibles que nous ne savons pas maîtriser.

Nous n’avons pas le droit, pour nous-mêmes et pour notre descendance, de déclencher des processus irréversibles que nous ne savons pas maîtriser. A cet égard, la réglementation européenne donne des signes d’inquiétante faiblesse en légiférant sur la présence fortuite d’OGM ou sur un seuil de contamination autorisé, et en autorisant l’importation et la commercialisation en Europe d’OGM toujours plus nombreux.

Dans la même catégorie

Environnement
Alimentation
Économie
Élevage