Semences de fermes

Le 28 novembre 2011, l’UMP et le Ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire ont fait voter en force à l’Assemblée nationale la loi inique sur les certificats d’obtentions végétales (COV) au détriment de tous les agriculteurs français. On regrette que cette loi ait bénéficié de l'appui de Xavier Beulin, président de la FNSEA, qui a affirmé qu'il est « normal que participent aussi au financement de la création variétale, puisqu'ils en bénéficient ».

Egalement président du groupe Sofiprotéol qui détient des participations dans plusieurs grands groupes semenciers français (Euralis Semences, Limagrain...), il est en pleine confusion d'intérêts. Mais il a choisi son camp... et ce n'est pas celui des agriculteurs ! Il est temps de faire cesser ces « arrangements » et de venir réellement au secours des agriculteurs français.

Le droit de ressemer sa propre récolte est ancestral et issu du bon sens paysan. Ses avantages sont incontestables en de nombreux points : d'un point de vue technique, économique, mais également pour l'environnement et pour préserver notre sécurité alimentaire.

Considérations technico - économiques

Il faut maintenir les semences fermières car :

la semence de ferme participe à la baisse des coûts de production ;

  • leur qualité est souvent supérieure à celle des semences certifiées. Préparées par les agriculteurs pour leur propre usage, ceux-ci portent en effet une attention particulière à leur production ;
  • elles n'ont aucun effet dépressif sur le potentiel de la culture quels que soient le sol ou la les conditions de climat ;
  • dans des conditions de culture à faible niveau d'intrants (pour des régions ou des sols à faibles potentiels), elle est la seule possibilité d'installation de cultures pour garder de la rentabilité économique.

La taxation et donc la fin des semences fermières ne se justifie pas car :

  • elle mènerait à une situation de monopole de la part des firmes semencières. Les semences de tournesol sont déjà deux fois plus chères en France qu'en Espagne, les semences de maïs, deux à trois fois plus chères qu'aux USA …. et cela ne ferait qu'inciter les semenciers à augmenter encore leurs prix ;
  • les sociétés de semences sont en majorité présentes sur le marché de la phyto chimie. Leur intérêt est de fournir des variétés consommatrices de phytosanitaires, en opposition avec une demande de variétés rustiques, tolérantes aux maladies qui nécessiteraient peu de produits phytosanitaires pour leur développement.
  • Pour le seul blé tendre, les cotisations volontaires obligatoires (CVO) représentent une rentrée nette de 6 millions d'euros, au profit des semenciers. L'extension de cette taxe à vingt autres espèces représentera un budget indécent prélevé chez tous les agriculteurs (y compris éleveurs sur les semences de fourrage) au profit des firmes dont la situation financière ne reflète pas la misère. Les semenciers bénéficient déjà de niches fiscales et de crédits d’impôts pour la recherche et une grande partie de leur production est destinée à l'export.
  • pour proposer leur génétique, les semenciers ont puisé dans une biodiversité naturelle savamment entretenue par les paysans. Leur faire rémunérer aujourd'hui la recherche est un manque de reconnaissance pour le maintien de ces ressources génétiques.

Considérations environnementales

Il faut maintenir les semences fermières car :

  • elles contribuent à la démarche « Ecophyto », de réduction des phytosanitaires, en laissant le choix à l’utilisateur de la dose et de la matière active du produit de traitement de semence. La semence certifiée étant, elle, souvent accompagnée de traitements « haut de gamme ».
  • Produite sur l'exploitation même où elle sera utilisée, elle évite un aller et retour chez l'organisme stockeur, à l'usine de traitement ou de conditionnement et une dispendieuse démarche commerciale.
  • elle participe au maintien de la biodiversité et à la pérennisation de certaines variétés anciennes et rustiques. Par son expérience, son savoir faire, son bon sens, l’agriculteur contribue à la diversité, à l’évolution et à l’adaptation des espèces en fonction des terroirs ;

Respect du travail des agriculteurs

Il ne faut pas supprimer les semences de fermes car :

  • seule l’interprofession « semences » (GNIS) sera consultée pour établir cette taxe, sans que les syndicats agricoles non majoritaires (+de 40 % des agriculteurs) ne soient invités à la table des discussions ;
  • les semenciers ne peuvent pas revendiquer être les seuls à l'origine de l’amélioration de la production. L’apport d’engrais (phosphate, potasse, azote…), de produits phytosanitaires, le machinisme, la technique, le savoir-faire de l’agriculteur ou encore ses choix de rotation contribuent largement à la progression et à l’amélioration tant qualitative que quantitative des rendements ;
  • bien évidemment les agriculteurs ne refusent pas la recherche. Ils acceptent de payer au juste prix (mais pas plus!), une fois pour toute, une semence certifiée dont ils sont dès lors propriétaires à part entière ;

Considérations sociétales

Il faut maintenir les semences fermières car :

  • la semence reproduite à la ferme offre la meilleure traçabilité aux consommateurs ;
  • l'aspect sécuritaire, face à des circuits commerciaux trop empreints de rentabilité, est indéniable ;
  • elles sont source de sécurité,
  • en ce sens qu'elles ont très souvent permis de disposer de graines pour des re-semis ou des semis tardifs à des époques ou les disponibilités commerciales ne sont plus présentes ;
  • elles seules permettent aussi d'assurer les emblavements, les années où les qualités des semences certifiées seraient, pour des raisons climatiques, insuffisantes.
  • les droits des paysans de ressemer et d’échanger leurs propres semences sont le dernier rempart contre la confiscation de toutes les semences et du droit à la souveraineté alimentaire par une poignée de multinationales de l’agrochimie.

Un pays qui ne conserve pas les moyens de maîtriser sa souveraineté alimentaire perd inexorablement sa souveraineté politique. L’agriculture en France, toutes productions confondues, perd sa liberté. Elle est asservie, criblée de taxes, CVO et prélèvements abusifs de tous genres.

Aujourd’hui, la mission des paysans est de nourrir la population en quantité et en qualité pour pas cher, sans que personne ne se préoccupe de leurs conditions de vie, conditions exécrables qui les ont fait disparaître de moitié en 10 ans.

CA SUFFIT !!! Les paysans aspirent à plus de considération, de dignité et à une rémunération descente.

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