Après lecture de l’avant-projet de loi agricole dont le titre n’a pas été précisé, la Coordination Rurale estime, qu’en l’état, sa portée est assez limitée. La CR est satisfaite des orientations prises sur les projets de stockage de l’eau qui seraient d’intérêt général majeur, mais s’interroge sur l’approche donnée à la souveraineté alimentaire.

Ce qui figure dans l’avant-projet

Souveraineté alimentaire
La CR regrette que la définition base la souveraineté alimentaire de la France sur sa « capacité à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne et de ses engagements internationaux ». Pour la CR, c’est la production agricole nationale qui devrait être la base de son approvisionnement alimentaire et figurer dans la définition. Ce choix rédactionnel est d’autant plus étonnant que, dans l’article 3 de l’avant-projet de loi, il est bien spécifié que la production alimentaire contribue à titre principal à la souveraineté alimentaire de la France.

Biomasse
La CR note avec satisfaction que le Gouvernement entend donner la priorité à la production alimentaire. Mais que ce soit pour la production alimentaire, textile, énergétique ou autres, la CR rappelle que la production de biomasse nécessite de pouvoir produire en quantité suffisante, et donc de pouvoir nourrir les plantes (engrais et eau) et d’avoir les moyens de les protéger (produits phytopharmaceutiques).

Eau
La CR espère que l’article 6, en disposant que les projets destinés au stockage de l’eau sont réputés d’intérêt général majeur, contribuera à débloquer la situation sur ce dossier.

Formation
Si la formation des personnes travaillant dans l’agriculture et l’agroalimentaire est un enjeu certes important, toutes ces personnes n’auront bientôt plus grand monde à accompagner ni à conseiller si la problématique du renouvellement des générations et celle de l’attractivité du métier ne sont pas traitées. À moins bien sûr de vouloir une agriculture sans agriculteurs, et d’ubériser le métier.

Sur la connaissance des métiers de l’agriculture (article 8), sensibiliser les jeunes aux métiers de l’agriculture est une piste intéressante, mais la CR s’interroge sur l’articulation entre cette mission nouvelle confiée aux Chambres d’agriculture et les programmes de l’Éducation nationale, ainsi que les budgets alloués à celle-ci.

Pour ce qui est de la transformation de l’enseignement cela ne veut dire qu’une chose. Plus d’agroécologie. Une solution, si et seulement si, les modes culturales sont l’unique cause de la désaffection. Or, ce n’est pas le cas. Les freins sont multiples (formations, pénibilité, agribashing…..), l’agroécologie ne résout rien.

Un bachelor est un diplôme d’établissement qui donne un niveau équivalent à Bac+3. Ce n’est pas une licence, mais quelque chose d’approchant. Certains bachelor confèrent le titre de Licence, d’autres sont simplement considérés comme étant d’un niveau équivalent à une licence. Ils ne valent pas comme licence mais sont reconnus officiellement et inscrits au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles). Les écoles qui forment des bachelors recrutent au niveau Bac et éventuellement Bac+2. Le bachelor est un diplôme très professionnalisant. Contrairement à la licence qui est destinée à la poursuite d’études, le bachelor vise l’entrée dans la vie active au niveau Bac+3. Les études sont en lien avec le terrain et les périodes en entreprises sont nombreuses. Cette idée du bachelor vise à obtenir, avec d’autres mesures, 30 % d’apprenants en plus. D’une part, ce chiffre de 30 % est curieux. D’autre part, aucune source n’est indiquée sur ce qui a conduit à ce résultat. De plus, cela implique que l’existant reste stable.

Ensuite, un bachelor pourquoi faire ? Il existe effectivement certains emplois qui sont peu pourvus parce qu’à cheval entre deux niveaux. Le niveau Bac+2 est jugé trop faible par les professionnels, mais les élèves en licence préfèrent poursuivre plutôt que de bifurquer sur l’emploi (chef de culture, responsable culture…). Si le bachelor est cantonné aux emplois Bac+3, mais avec un bagage professionnalisant d’accord. S’il dessine les contours du futur diplôme d’accès à la profession d’agriculteur, le nombre de professionnels va s’effondrer drastiquement. Pour la CR, l’idée du bachelor se limite à un nombre restreint d’emplois.

Maillage vétérinaire
Pour la CR, l’article 13 n’apporte pas de réponse à la problématique des déserts vétérinaires, ni à la crise de l’exercice du métier en milieu rural.

La recherche pour l’adaptation au changement climatique
Au vu de l’enchaînement ces dernières années de catastrophes climatiques touchant l’agriculture, le fait d’orienter les programmes de recherche et d’innovation et les financements associés vers l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques est une bonne chose. (par exemple, INVITE pour les céréales, PeaMUST pour les pois et féverole, ou encore Waagan pour le blé). Cependant, on déplore le fait que ces nouveaux objectifs ne soient pas accompagnés d’une allocation de nouveaux fonds pour les mener à bien.

La transmission du foncier agricole
Aucune mesure concrète permettant de favoriser la transmission de foncier ou l’installation de nouveaux agriculteurs n’est annoncée, le texte se contente d’annoncer des objectifs de maintien des exploitations sur le plan national et d’encouragement des stratégies et outils de financement privés et publics en faveur de l’agriculture. La Coordination Rurale propose la réinstauration du crédit transmission (cf. seconde partie).

Le service de remplacement
Il est ici proposé de supprimer la condition de nécessité de présence obligatoire de l’agriculteur sur son exploitation pour bénéficier du crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour le service de remplacement. Cela est une bonne chose car cette mesure ouvre le bénéfice du crédit d’impôt à l’ensemble de la profession et plus seulement à certaines productions.

 

Ce que la CR aimerait trouver dans la future loi

Installation / transmission

1/ Crédit transmission
La CR demande la réactivation de ce dispositif en y apportant les améliorations suivantes, afin de le rendre plus attractif pour l’acquérant comme pour le cédant :
• abaisser à 30 % du prix le paiement exigé lors de la conclusion de la vente, et allonger la durée maximale du différé à 15 ans ;
• majorer la retraite du vendeur exploitant pendant la durée du différé de paiement ;
• exonérer d’impôt sur le revenu 75 % des intérêts perçus, avec un plafond de 10 000 € pour une personne seule, ou 20 000 € pour un couple.

2/ Simplification de l’installation
• limitation du Plan de professionnalisation personnalisé au stage 21h pour tous les titulaires d’un diplôme de niveau IV (sauf demande du jeune installé d’accès à certains stages, formations) ;
• un assouplissement des conditions du suivi et d’engagement ;
• une meilleure prise en compte du statut de pluriactif.

3/ Autres propositions
• l’interdiction de la possession du foncier par les coopératives et, de manière générale, par les entreprises de quel que type soient-elles. Le bien foncier doit rester dans les mains de celui qui le travaille.
• la restriction de l’accès au foncier français des fonds prédateurs étrangers ;
• la création d’un prêt d’honneur à taux 0 % pour tous les jeunes installés ;
• l’exclusion systématique de la maison d’habitation des garanties ;
• la préservation du foncier agricole péri-urbain ;
• l’accès à des habitations à distance raisonnable de la ferme via :
– l’assouplissement des règles encadrant la construction de bâtiments d’habitation sur des terres agricoles. En effet, ces règles sont aujourd’hui appliquées de manière extrêmement stricte, ce qui, en pratique, ne permet la construction que dans de très rares cas et uniquement pour des éleveurs (qui arrivent à justifier plus facilement de la nécessité d’une présence permanente sur l’exploitation) ;
– la priorisation au profit des agriculteurs ne disposant pas d’un logement à distance raisonnable de leur exploitation lorsque survient une vente d’une habitation proche de leur ferme, même si cette habitation ne se situe pas sur des terres agricoles et ne relève pas normalement du droit de préemption des SAFER. Cela se traduirait par une préemption par la SAFER suivie d’une rétrocession au profit de l’agriculteur en manque de logement.
• cautionnement de l’État sur les prêts liés à l’installation
• hyper bonification des prêts contractés à l’installation pour l’achat de foncier, sans plafond
• de fonds d’avance des fermages :
• d’incitations fiscales pour les baux permettant l’installation ;

Revalorisation des retraites

La CR demande :
• la prise en compte de la pénibilité du métier d’agriculteur ;
• la revalorisation des retraites à un montant au moins égal à celui des salariés agricoles (l’employeur étant, par le biais des cotisations patronales, le financeur des retraites des salariés, et à ce titre, mérite un traitement au moins équivalent) ;
• la mise en place de la pré-retraite à taux plein à 60 ans pour les agriculteurs qui installent un primo-installant pourrait également être envisagée.

Liberté de vente des céréales

À une époque où chacun plébiscite les circuits courts, le projet de loi doit saisir l’opportunité qui lui est offerte de déroger à l’obligation pour les producteurs de céréales de vendre leurs productions par un intermédiaire. La suppression de l’agrément de ces intermédiaires au profit d’une déclaration impose toujours à l’agriculteur désireux de vendre librement ses céréales de créer une structure commerciale, avec la complexité administrative et les coûts qui en découlent.

Disparition des substances actives / surtransposition

La CR demande que la France n’interdise aucune substance active sans alternative viable et fiable, et que seule la réglementation européenne s’applique en la matière, sans surtransposition.

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