Pascal Perri, docteur en géographie-aménagement, docteur en sciences de gestion, journaliste et auteur, est intervenu le 5 décembre à l’occasion du 30e congrès de la Coordination Rurale qui s’est tenu à Nancy.

Dans son ouvrage « Le Péril Vert », Pascal Perri écrit : « Aujourd’hui et pour longtemps, la question des questions est celle de l’autonomie. Nous ne pouvons pas être souverains et autonomes sur tout, mais nous pouvons choisir nos dépendances et le périmètre de notre souveraineté. »

Mais pouvoir choisir nos dépendances implique d’avoir la capacité de produire suffisamment.
Or cette capacité est de plus en plus mise à mal.
Au-delà des objectifs contradictoires et/ou inatteignables assignés aux agriculteurs européens et français, ceux-ci ne bénéficient même pas de mesures protectrices vis-à-vis des distorsions de concurrence.

Pacte vert ou péril vert ?

1/ Agriculture et vents contraires

Sur le plan international, ce qu’il se passe à l’extérieur de nos frontières a des conséquences lourdes sur tous les pans de l’économie, dont l’agriculture.
3 points chauds porteurs de risques sont à surveiller d’après Pascal Perri :
• la guerre en Ukraine qui vraisemblablement va durer ;
• le conflit israélo-palestinien, lequel a des conséquences sur l’énergie et les intrants ;
• le conflit en mer de Chine, espace maritime par lequel transite la moitié du commerce mondial et un tiers des hydrocarbures

Les objectifs d’exportations de céréales françaises ne sont, pour l’instant, pas tenus, mais la France a comblé son déficit de compétitivité/prix par rapport à la Russie, laquelle a utilisé l’arme alimentaire pour se constituer des amitiés et obtenir des votes favorables à l’ONU.

L’exportation est, en effet, un facteur d’équilibre pour les grandes filières françaises.
Les français continuent d’exporter y compris dans des conditions défavorables avec une réglementation qui constitue plutôt un handicap puisque les politiques publiques sont globalement défavorables à l’agriculture. Dernier exemple en date : la fumigation des céréales dans les navires dont il aura été nécessaire de faire des exceptions à la règle.

Alors que l’UE impose de plus en plus de contraintes, elle continue de signer des accords commerciaux, et laisse entrer sur le territoire national et européen des productions qui n’y seraient pas produites parce que ne respectant pas les normes en vigueur. Pour Pascal Perri, il faut continuer de se battre pour exiger des clauses miroir.
On ne peut pas être plus royalistes que le roi.

En effet, pour l’auteur, les dirigeants européens entretiennent des paradoxes. Ils sont prêts à tout moment à prêcher la liberté des échanges et la concurrence parfaite, et multiplient en même temps les obstacles à la production nationale.

Mais, les vents contraires peuvent aussi être intérieurs, à savoir franco-français. Pascal Perri s’est dit frappé par les débats autour de la réautorisation du glyphosate. Il indique que la France a manqué de courage en donnant la patate chaude à la Commission européenne alors que tous les voyants scientifiques étaient pourtant au vert, et notamment celui de l’EFSA.

Pascal Perri a alerté sur le danger de la post-vérité, et celui des biais idéologiques et politiques qui peuvent conduire à des impasses technologiques.

2/ Peur et croyances

L’alimentation est le territoire des émotions, dans lequel on peut facilement utiliser la peur.
Là se présente un défi idéologique, au-delà du défi technique, scientifique, et même pédagogique.
Il faut par exemple se battre sur la question du vocabulaire : non au mot bassines par exemple. Ce sont des réserves d’eau. La consommation de viande est également un terrain de bataille.

3/ Choisir ses dépendances

Pour Pascal Perri, il y a 4 sujets sur lesquels la souveraineté ne peut pas être discutée : l’alimentation, l’énergie, la santé et l’éducation.

À travers cette question de souveraineté, se pose la question du revenu agricole : sans revenu, il n’y a pas de production.
Les lois EGAlim ont bien apporté une réponse partielle à la déflation alimentaire qu’a connue la France ces 10 années (au détriment du revenu des agriculteurs), mais le rapport de force reste déséquilibré.
Selon le Réseau d’information comptable agricole (RICA), l’Excédent brut d’exploitation (EBE) a beaucoup progressé, mais le revenu a baissé.

Il faut accepter que l’agriculture française ne peut pas ressembler à l’agriculture des pays plats et de la concentration capitalistique.

Il y a, en France, selon l’auteur, des débats inutiles, comme la ferme des 1 000 vaches. Ce qui compte, c’est le bien-être animal : « On peut être bien à 1 000 et mal à 15 ! »

Et côté congressistes ?

La première interrogation concernait la place des associations et du discours anti-agricole, anti-viande dans les médias, avec l’impression que la propagande médiatique va contre l’agriculture.
Pascal Perri a appelé à une prise d’initiative sur le vocabulaire utilisé, et à construire le propre récit de l’agriculture vu par les agriculteurs.
Les conflits d’intérêts sont une source d’inquiétude partagée, le sujet des substituts artificiels à la viande en est une parfaite illustration.

Sur la question du climat et du carbone, Pascal Perri estime que l’on est confronté à problème de réchauffement du climat, et il faut s’interroger sur la façon de s’adapter.
Le dérèglement climatique est, selon lui, une formule qu’il faut contester, car il n’y a jamais eu de règlement climatique.
Les sources du réchauffement climatique ce n’est pas la France, ce ne sont pas les agriculteurs. Le paradoxe est que l’on vient contester le modèle chez les bons élèves.

Sur le bio et l’alimentation, Pascal Perri n’oppose pas les agricultures. La problématique tient dans la soutenabilité économique des productions, et dans le fait que l’alimentation est un secteur d’arbitrage, voire de désarbitrage dans la consommation.
Il ne faut pas accepter de tomber dans le piège de la guerre des agricultures.

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