Le collectif « Nourrir », successeur du collectif « Pour une autre PAC » a soumis une demande de réexamen du Plan stratégique national (PSN) français à la Commission européenne.

Pour la Coordination Rurale, il est clair que la PAC 2023-2027 est loin d’être idéale, et elle l’a répété à de nombreuses reprises. La CR avait notamment dénoncé la baisse du budget, ainsi que sa renationalisation. La PAC est finalement de moins en moins agricole et de moins en moins commune. Mais certaines positions tenues par les différentes institutions européennes lors des trilogues auraient même pu la rendre encore plus contraignante. La concertation nationale a abouti à des arbitrages qui, s’ils ne sont pas tous satisfaisants, ont au moins le mérite dans le cadre réglementaire imparti, d’essayer de préserver les équilibres et de ne pas bouleverser la base des soutiens agricoles.

Les agriculteurs font face à des incertitudes économiques et géopolitiques. Ils ont besoin de visibilité sur le plan administratif, et la PAC et le PSN en font partie. Le cadre ayant été défini assez tardivement, les agriculteurs n’ont finalement que très peu de temps pour s’approprier une réforme avec les changements qu’elle induit. Comment envisager de se projeter dans l’avenir si les textes et les critères d’attribution des aides changent tous les 6 mois ? Et les changements sur le plan environnemental dans la nouvelle PAC sont substantiels, et induiront nécessairement des changements de pratiques. En effet, l’éligibilité aux aides est soumise à une conditionnalité étendue et renforcée, et les écorégimes ne dépendent pas d’un budget supplémentaire, mais sont bien une réorientation d’une ligne budgétaire existante assortie de nouveaux critères d’accès. Les exigences augmentant donc sans contrepartie financière, il était nécessaire d’avoir des critères qui soient assez inclusifs pour emmener le plus d’agriculteurs dans la transition.

L’acte de production agricole doit cesser d’être diabolisé ! L’agriculture ne peut pas être appréhendée uniquement sous l’angle de l’environnement. La production agricole n’est pas un gros mot mais au contraire une activité vitale.

Il est tout à fait possible d’envisager de bouleverser les conditions d’attribution des aides de la PAC afin de poursuivre d’autres objectifs que ceux fixés dans l’article 39 du TFUE… à condition, au préalable, de régler de manière durable un certain nombre de problématiques :

- la question des prix payés aux agriculteurs, afin qu’ils couvrent enfin les coûts de production, permettent d’investir et de se verser une rémunération décente ;

- l’incohérence entre les politiques commerciales, environnementales et agricoles dont les agriculteurs sont la victime principale ;

- l’incohérence entre les politiques « vertes » et l’exigence de sécurité et d’autonomie alimentaire : comment continuer de produire pour plus de monde, pour moins cher, sur moins de surfaces, sans irriguer et sans engrais ni produits de santé du végétal ?

- l’absence de réciprocité entre les exigences imposées aux agriculteurs de l’Union européenne et les importations en provenance de pays tiers.

Ces problématiques réglées, il serait alors possible de se passer des aides compensatoires pour ne vivre que de la vente à un prix équitable des denrées produites sur l’exploitation. Comme le réclame, depuis des années, le slogan de la CR : « des prix, pas des primes » !

Compte tenu de son positionnement tout au long de la construction du PSN, la CR imagine que, pour le collectif, vouloir réviser le PSN pour qu’il soit à la hauteur de ses ambitions en matière de lutte contre le changement climatique passe notamment par des écorégimes plus élitistes, une conditionnalité durcie, s’agissant notamment de la rotation des cultures, un renforcement des aides à l’agriculture biologique et certainement un transfert du 1er pilier vers le second, bien plus important, cette dernière mesure laissant une enveloppe moins importante aux paiements directs et aux aides couplées. Quid alors des soutiens agricoles de la PAC qui représentent, pour de nombreuses fermes, une part importante, voire la totalité, du revenu ?

Il faut rappeler que la PAC n’est pas qu’une aide aux agriculteurs (elle l’est d’ailleurs de moins en moins et a échoué à « assurer un niveau de vie équitable à la population agricole »), elle assure surtout des prix raisonnables / bas / abordables aux consommateurs.

Le citoyen militant a certainement des convictions écologistes qui ne sont majoritairement pas les préoccupations du consommateur. Et compte tenu de l’inflation, l’alimentation va malheureusement, pour la santé des consommateurs et les agriculteurs, continuer d’être une variable d’ajustement du budget des ménages.

A ce titre, la CR pense que revoir le PSN pour renforcer les aides à l’agriculture biologique serait une erreur. La marche forcée demandée par la Commission européenne est purement dogmatique, et ne tient absolument pas compte de la saturation des marchés, que ce soit en lait, en viande, en céréales ou les œufs. Il ne faut pas subventionner une surproduction, laquelle ne peut être que préjudiciable aux producteurs bio en activité, et une condamnation à ceux en conversion. Pour maintenir des prix cohérents, le développement du bio et la montée en gamme doivent répondre à une demande et un à comportement d’achat de la population.

L’objectif d’un pourcentage de la SAU en bio n’est au mieux qu’une injonction politique invalidante pour la filière bio. A quoi cela sert-il de produire des denrées que personne ne peut se payer ? Sauf bien sûr, si la finalité est d’avoir (encore) plus de bio au prix du conventionnel. Mais ce n’est pas non plus un objectif soutenable ni durable.

Aussi, avant de vouloir déstabiliser les aides de la PAC, il nous semble qu’il faut d’abord et urgemment assurer un revenu décent aux agriculteurs, ainsi qu’un cadre stable et protecteur leur permettant de se projeter sereinement dans l’avenir.

C’est pourquoi, au lieu de réformer un PSN qui, comme son nom l’indique, régit des règles nationales, la Coordination Rurale souhaite au contraire que la future réforme soit abordée dès à présent à l’échelle européenne. C’est avec une politique agricole commune forte et protectrice que les consommateurs bénéficieront de produits locaux de qualités et les agriculteurs européens de prix rémunérateurs.

Mais faisons les choses dans l’ordre !

 

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