Les lois dites « Chassaigne » avaient pour but affiché la revalorisation des pensions de retraite agricoles. Cependant, au fur et à mesure des retours qui nous parviennent sur l’application de ces lois, la réalité n’atteint pas les promesses qui nous ont été faites et les pensions agricoles restent bien trop faibles.

La loi Chassaigne 1

Adoptée en juillet 2020 et pleinement en vigueur depuis novembre 2021, cette loi est censée porter le minimum des pensions de retraite des chefs d’exploitation à 85 % du SMIC net (1175,62 € en 2023). Cette mesure est la bienvenue quand on sait que la moyenne mensuelle des pensions des non-salariés agricoles est de 880 € (Conseil d’orientation des Retraites septembre 2022, page 149).

Il est ainsi prévu un complément différentiel qui sera ajouté pour abonder la pension du retraité, avec une formule de calcul inscrite à l’article D 732-166-4 du code rural :
[(85% SMIC net – PMR (1)) x Nb trim. cotisés Chef d’entreprise / nb trim. tranche d’âge] – RCO.

Ce complément différentiel est proratisé relativement au nombre de trimestres cotisés en tant que chef d’exploitation par rapport au nombre de trimestres requis pour sa tranche d’âge. On déduit des 85 % du SMIC net le montant de la PMR : ce principe défavorise les pensions inférieures à ce montant. On y déduit aussi le montant de la RCO (Retraite Complémentaire Obligatoire). On ajoute ensuite le résultat de ce complément différentiel au montant de la pension du retraité. Mais comment aboutir aux 85 % du SMIC net, si on a retranché la RCO qui fait partie de la pension ?

Il est généreusement précisé dans le V de l’article L 732-63 du code rural « Lorsque le montant des pensions de droit propre servies à l’assuré par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires incluant le montant du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire, français et étrangers, ainsi que par les régimes des organisations internationales excède un plafond fixé par décret, le complément différentiel est réduit à due concurrence du dépassement. »

Ainsi, au titre de cet article, la MSA inclue fréquemment les pensions indépendantes du statut de non-salarié, pour écrêter ce complément différentiel.

Cependant, l’alinéa III de l’article D 732-166-2 du code rural précise : « Le versement du complément différentiel ne peut avoir pour effet de porter le total des droits propres, de base et complémentaires, servis à l’assuré par le régime d’assurance vieillesse des personnes non-salariées des professions agricoles au-delà d’un montant égal au produit du montant prévu au IV de l’article L. 732-63 par le rapport ; Dnsa / DR».

Les pensions éventuelles de salarié d’un NSA n’ont donc pas à être intégrées dans le plafond des 85 % du SMIC net, d’autant que le complément différentiel est proratisé au nombre de trimestres cotisés en tant que chef d’exploitation.

La loi Chassaigne 2.

En vigueur depuis le 1er janvier 2022, elle est destinée à abonder les pensions des aides familiaux et conjoints non-salariés de chefs d’entreprise. Elle est censée permettre aux pensions de ces retraités d’atteindre le montant de la PMR. Cependant, il lui a été déterminé un plafond égal au plafond de l’ASPA (2) égal à 961,08 € pour 2023.

Le problème est que l’article L732-54-3 du code rural inclut dans ce plafond les droits dérivés :

« Lorsque le montant de la majoration de pension prévue à l’article L. 732-54-2 augmentée du montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l’assuré par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que les régimes des organisations internationales excèdent un plafond dont le montant est égal à celui de l’allocation de solidarité aux personnes âgées prévu, pour une personne seule, à l’article L. 815-4 du code de la sécurité sociale, la majoration de pension est réduite à due concurrence du dépassement. »

Cette notion de droit dérivé résulte de l’interprétation officielle du droit de la sécurité sociale :
« Les droits dérivés désignent deux droits : le droit à des prestations en nature maladie et maternité ouvert aux personnes ayants droit de l’assuré et le droit à la retraite de réversion (fraction de la pension de retraite dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré) pour les conjoint et ex-conjoint survivant. »

Il en résulte que les veuves et les veufs, dès lors qu’ils perçoivent la pension de réversion du conjoint décédé, voient l’abondement de la loi Chassaigne 2 de leur pension personnelle d’aide familial ou de conjoint écrêté, voire carrément supprimé, indépendamment du plafond prévu pour le service de la pension de réversion.

En conclusion, on se retrouve ainsi avec des lois aux textes encourageants, mais les interprétations restrictives qui sont réalisées par les services de la sécurité sociale leur enlèvent toute efficacité, au détriment des agriculteurs, leurs aides et leurs conjoints. Des belles promesses tant médiatisées aux réalités peu communiquées, il résulte une somme de désillusions et d’amertume.

(1) PMR : Pension Majorée de Référence : 748€ en 2023
(2) ASPA Allocation de Solidarité aux Personnes Agées

Dans la même catégorie

Économie
Économie
Importations
Économie