La Coordination Rurale (CR) ne restera pas inactive face à la modification des redevances de l’eau, qui préfigure une aggravation de la situation économique des exploitations. En outre, les règles envisagées ne sont que le premier pas vers une augmentation récurrente des prix de l’eau. Non pas pour protéger la ressource, mais pour financer les choix des collectivités territoriales.

Six mois après l’annonce du plan eau, le gouvernement a décidé de rejeter la responsabilité financière sur les agriculteurs, l’industrie et EDF. La réforme des redevances doit, selon les calculs de l’État, dégager 475 millions d’euros ; des fonds qui bénéficieront aux agences de l’eau. Pour ceux qui devront mettre la main au portefeuille, les augmentations devraient intervenir au 1er janvier 2025. Outre un relèvement des plafonds, le ministère de l’Écologie a décidé l’instauration d’un taux plancher. Concrètement, les redevances d’EDF augmenteront de 100 millions d’euros, celles pour l’industrie de 20 millions, et enfin 10 millions pour l’agriculture. On est loin des 475 millions annoncés. Pour l’entourage du ministère de l’Écologie, les agences et les comités de bassin devront faire des choix en fonction du contexte local. Les 10 millions de l’agriculture ne sont qu’une estimation plancher.

Les agences de l’eau financent en partie les investissements à long terme des collectivités locales. Pour cela, elles prélèvent déjà plus de 2 milliards d’euros. Pour quels résultats ? Les fuites pullulent, l’épuration des eaux urbaines est parfois plus que douteuse, et même si c’est un autre sujet, l’entretien de certains canaux est en déshérence.

Face à l’ensemble des difficultés, la solution envisagée par l’État se borne à surtaxer les secteurs économiques en général et le secteur agricole en particulier. Cette imposture ne réglera rien. Elle permettra simplement aux collectivités publiques, surreprésentées au sein des agences, de se féliciter de faire payer aux méchants agriculteurs ce qu’ils doivent. Pour faire passer la pilule, l’écologie et la peur volontairement entretenue du changement climatique feront amplement l’affaire.

Comme l’a rappelé Véronique Le Floc’h lors de l’audition à l’Assemblée nationale : « La sanction par le prix entraînera un cumul d’effets négatifs pour l’agriculture. Rappelons au préalable que l’arrosage et l’abreuvage ne sont pas des options au sein des exploitations. Tout d’abord et de manière totalement mécanique, cela représentera un coût supplémentaire. Un surcoût qui devrait être répercuté sur les prix à la production comme le prévoit EGALIM. A l’heure actuelle il n’existe aucune garantie que la répercussion sera possible voire envisageable. C’est donc une charge qui viendra grever les budgets des exploitations y compris pour les investissements en matériels économes en eau. De plus, elle incitera les exploitants à abandonner certaines cultures, ce qui entraînera une uniformisation des variétés cultivées basée sur le coût de la nouvelle redevance. Enfin, cela générera une inégalité flagrante entre les régions ».

L’augmentation du prix de l’eau n’est pas le seul cadeau fait à l’agriculture. L’augmentation de la redevance pour pollution diffuse devrait permettre d’encaisser 37 millions supplémentaires sur le dos de l’agriculture (en plus des 10 millions d’euros de redevance cités plus haut). Là encore, la Coordination Rurale a été très claire sur ses positions comme l’a rappelé Véronique Le Floc’h : « Une fois encore les agriculteurs sont désignés comme uniques responsables des pollutions. Lors d’une action de prélèvement des exutoires urbains (1), nos représentants charentais ont démontré que les teneurs en glyphosate de ces dits exutoires étaient supérieures à celles trouvées en sortie des exutoires ruraux. L’augmentation de cette redevance ne peut se concevoir qu’à l’unique condition d’un contrôle de l’ensemble des rejets ».

Les 47 millions d’euros qui vont saigner les finances des agriculteurs feront couler les plus fragiles. Et ce n’est qu’un minimum puisque les agences doivent encore trouver 308 millions d’euros pour atteindre les 475 millions envisagés. Un écart qui sera comblé par l’agriculture ou selon les mots du ministère de l’Écologie « en fonction des équilibres locaux ». EDF ayant déjà fait flamber ses tarifs et l’industrie étant source d’électeurs, il ne faut pas être devin pour comprendre quel sort est réservé aux agriculteurs… Surtout après avoir été accusés de tous les maux, d’avoir été pris pour cibles et au final désignés comme responsables et coupables de la situation.

La Coordination Rurale entend se battre pour rappeler qu’il n’y a pas d’agriculture et d’alimentation sans eau. À défaut de répercutions sur les prix, c’est la quantité de denrées alimentaires qui sera impactée.

(1)https://www.coordinationrurale.fr/nos-cr-locales-actualites/aquitaine-limousin-poitou-charentes/cr-16/cr-info-16-le-journal-de-la-coordination-rurale-de-charente/

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