La Commission européenne a récemment communiqué sur le plan d’urgence visant à garantir l'approvisionnement et la sécurité alimentaires en période de crise. Dans ce document, elle reconnaît la défaillance et les limites des politiques alimentaires et agricoles menées jusque là.

C’est un premier petit pas intéressant, même si la Coordination Rurale reste très réservée quant aux implications d’une telle communication, les exigences de santé, de sécurité alimentaire et prospérité des agriculteurs semblant devoir passer derrière celles du commerce international.

Suite à la crise Covid-19, l’Union européenne (UE) entend ainsi « intensifier sa coordination d’une réaction européenne commune aux crises touchant les systèmes alimentaires » ainsi qu’il est énoncé dans la stratégie intitulée « De la ferme à la table ».

La Commission note bien que « grâce à la résilience du système alimentaire de l’UE, la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19 n’a pas débouché sur une crise alimentaire ».

Et si du côté de la production, les prix sont restés relativement stables tout au long de la crise, sur certains marchés comme la pêche et l’aquaculture, les pommes de terre, la viande et le vin, la fermeture des services de restauration a fait brutalement chuter la demande.

Le système a tenu parce que les agriculteurs ont continué de travailler, et que les chaînes d’approvisionnement ont pris leurs responsabilité et ont également continué de travailler, parfois dans des conditions déplorables (se souvenir des routiers).

Les agriculteurs proches des pôles urbains et pratiquant la vente directe ont été pris d’assaut, et certains ont innové dans leurs pratiques commerciales (livraisons, démarchage). Si pour certains c’était en partie une manière d’éviter les grandes surfaces et donc d’augmenter la distanciation physique, le confinement a reconnecté, au moins un temps, la population avec son alimentation et ses agriculteurs.

Pour la Commission, « les paiements directs constituent un dispositif de sécurité pour les revenus qui favorisent la résilience des exploitations agricoles de l’UE ». C’est oublier qu’en période « normale », les aides PAC sont déjà une part très importante du revenu des agriculteurs.

L’adoption rapide, à la mi-mars 2020, du cadre temporaire pour les aides d’État a heureusement permis aux États membres d’accorder un soutien financier, mais au final assez léger en agriculture.

Nous pouvons féliciter la Commission de pointer dans son document certaines dépendances et vulnérabilités de la chaîne alimentaire de l’UE. Ceci devrait faire réfléchir nos responsables nationaux quant à la dépendance de la France en fruits et légumes, en viande de poulet, etc.

« Par exemple, 76 % des farines d’oléagineux destinées à l’alimentation animale dans l’UE sont importés. Le secteur de la pêche est fortement dépendant des importations, l’autosuffisance de l’UE étant de 14 % pour les cinq espèces les plus consommées. 85 % des importations de l’UE de graines de soja se concentrent sur 3 pays. Les intrants, comme les engrais ou les produits chimiques, proviennent de quelques pays voisins.» Effectivement excédentaire pour certaines productions, l’UE reste gravement déficitaire pour d’autres. Pour la CR, il est donc impératif de stabiliser les marchés, de redimensionner la production européenne en fonction de la demande et d’assurer des débouchés stables avec des prix planchers supérieurs aux coûts de production.

La Commission note que « la complexité des chaînes d’approvisionnement alimentaire, lesquelles sont étroitement liées à d’autres écosystèmes industriels tels que les transports et l’énergie, complique la capacité de réaction face aux situations de crise. En raison de ces interdépendances, une perturbation dans un autre secteur économique peut avoir des répercussions sur la chaîne alimentaire. » La crise actuelle sur les engrais et le prix de l’énergie en est la triste illustration.

La Commission suggère de « surveiller les déséquilibres du marché et, si nécessaire, de les corriger rapidement, en tirant pleinement parti des outils existants, notamment dans le cadre de la PAC. »

La Commission n’oublie pas que les outils de gestion de crise proposés par les eurodéputés ont finalement été peu nombreux à être intégrés dans la nouvelle PAC.

La très libérale Commission ne manquera pas non plus de se rappeler la suppression des outils de régulation du marché, et la signature d’accords de libre-échange dans lesquels l’agriculture fait figure de variable d’ajustement. Cet abandon par l’UE de la régulation des productions et des marchés nous a contraints à nous engager dans un système de spécialisation totalement déconnecté des coûts de production, entraînant une dégradation colossale des revenus des agriculteurs. Ce que la Commission admet : « Les systèmes de production intensive spécialisés, potentiellement plus efficaces sur le plan économique, peuvent ne pas être les plus résistants en période de crise ».

Enfin, pour la Commission, « les États membres seront encouragés à maintenir leurs propres plans d’urgence au niveau national, ou à les élaborer, et à les partager ». Faut-il voir dans cette déclaration un souhait de subsidiarité, ou de renationalisation (c’est à la mode depuis la PAC 2023) d’un dispositif qui n’existe pas ?

La crise Covid a montré que les Régions étaient plus agiles pour trouver des solutions d’approvisionnement ou de coopération que certains États entre eux. Et face à une crise, nous pouvons nous interroger sur la capacité des États à coopérer sur un sujet aussi crucial que l’alimentation, quand cela était déjà très compliqué pour des masques chirurgicaux… .

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