Dans la quête de nouvelles sources d’énergie de substitution au pétrole, l’agriculture est souvent mise à contribution. Non contente de devoir nourrir le monde, elle est proposée comme devant être directement ou indirectement productrice d’énergie. Avant toute chose, il nous paraît essentiel de rappeler qu’un des objectifs prioritaires de l’agriculture européenne est de viser l’autosuffisance alimentaire de l’Union européenne qui n’est pas atteinte. Loin de là !

Pour autant, face au manque de rémunération des produits agricoles, les agriculteurs doivent savoir saisir toutes les opportunités qui se présentent pour améliorer leurs conditions de vie, notamment celles liées à la politique de la transition énergétique avec ses objectifs nationaux du PPE (Plan pluriannuel de l’énergie).

Une loi pour l’accélération des énergies renouvelables vient d’être adoptée. Voici ce qu’il faut retenir :

Distinction opérée entre l’activité photovoltaïque et l’agrivoltaïsme

D’un côté, les centrales photovoltaïques qui n’apportent pas de services à l’agriculture…
Le projet de loi facilite l’installation de panneaux solaires sur des terrains déjà artificialisés ou ne présentant pas d’enjeu environnemental majeur. Ces projets ne seront possibles qu’en zones incultes ou sur les terrains en friche de puis au moins 10 ans. Les installations devront être réversibles.
Un décret est censé venir préciser la condition de durée et des arrêtés listeront les zones localement disponibles, mais il nous semble indispensable que soient également clairement définies les notions de sols réputés incultes ou non exploités.

… D’un autre, l’agrivoltaïsme qui est défini et son déploiement encadré.
Les installations agrivoltaïques devront permettre de créer, maintenir ou développer une production agricole, qui devra rester l’activité principale et devront être réversibles.

Définition de l’agrivoltaïsme

La définition adoptée à l’article 11 decies offre désormais un cadre juridique pour un développement raisonné et durable de l‘agrivoltaïsme. Reconnu comme un outil agricole, l’agrivoltaïsme doit satisfaire l’une des 4 conditions suivantes :
• améliorer le potentiel agronomique des cultures ;
• constituer un levier permettant aux agriculteurs de lutter contre les effets du changement climatique ;
• aider à faire face aux différents aléas du type sécheresse ou stress hydrique ;
• contribuer à améliorer le bien-être animal.

Il faut aussi que l’installation ne porte pas une atteinte substantielle à l’un des 4 services précités, ou limitée à 2 d’entre eux.
Enfin, il faut également que la production agricole reste l’activité principale de la parcelle agricole.
Cette notion d’activité principale n’est pas détaillée et l’application de ces règles fera l’objet d’un décret futur en Conseil d’État.

Il est expressément indiqué que les parcelles avec une activité agrivoltaïque seront éligibles aux aides PAC.

Simplifier les procédures

Plusieurs mesures sont introduites pour simplifier les procédures environnementales et réduire la durée d’instruction des projets. Il s’agit de diviser par deux le temps de déploiement des projets et de revenir dans la moyenne des pays européens.

Tous les projets nécessiteront un avis de la CDPENAF (article L111-30). Toutefois, ce ne sera qu’un simple avis dès lors qu’il y aura sur le département « Un arrêté préfectoral, pris après consultation de la CDPENAF, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées, établit un document-cadre sur proposition de la chambre départementale d’agriculture pour le département concerné. Ce document-cadre définit notamment les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d’installation mentionnée au présent article et à l’article L. 111-29 ainsi que les conditions d’implantation dans ces surfaces. Ces surfaces sont définies en veillant à préserver la souveraineté alimentaire. »

Il conviendra pour les CR départementales d’être très vigilantes sur la mise en place de ce document cadre. La planification des zones prioritaires de déploiement des projets d’énergies promet d’être un sujet de crispation. Cela risque de générer des batailles territoriales locales. Pour la CR, il n’appartient pas aux collectivités locales de prioriser quelles exploitations seraient les plus à même de porter ces projets. Cela reviendrait à retirer à l’exploitant agricole le choix de sa façon de produire.

L’avis de la CR

La CR se satisfait de la distinction opérée entre l’activité photovoltaïque et l’agrivoltaïsme. Les installations dites « agrivoltaïques » devraient effectivement bénéficier d’un cadre plus souple, mais en apportant un service directement à l’activité agricole sur la parcelle, et en maintenant la production agricole comme activité principale. Le texte de loi prévoit également des sanctions envers des projets qui dégraderaient les productions agricoles de manière significative, ce que nous saluons.

Cependant, nous constatons un certain nombre de manquements. Ainsi, cette notion d’activité principale n’est pas détaillée dans le texte et nous nous interrogeons sur les critères qui seront pris en compte. Un critère de temps passé sur l’activité agricole par rapport au temps passé sur l’activité photovoltaïque pourra être retenu. En revanche, un critère de revenu ne semble pas adapté pour déterminer le caractère principal de l’activité agricole, en raison de la forte variabilité des revenus agricoles et du fait que l’un des buts de l’activité photovoltaïque est de rentabiliser l’exploitation des parcelles concernées. Il est également nécessaire de prévoir le cas où l’activité agricole devient temporairement impossible, comme par exemple une longue maladie ou un accident touchant l’exploitant, l’installation devant alors pouvoir conserver son caractère agrivoltaïque. L’indication dans le texte de loi que « le fait pour la production agricole d’être considérée comme l’activité principale peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol. » n’est pas particulièrement rassurante et la CR sera extrêmement vigilante lors de la prise du décret d’application correspondant.

Qui sera en charge de la mission de contrôle et quel sera le coût pour les agriculteurs ou les autres porteurs de projet ? Si une simple ligne directrice est donnée à la chambre d’agriculture locale et à la DDT, cela ne nous semble pas suffisamment précis. En effet, certaines positions dogmatiques doivent être combattues. Un cadre strict doit être mis en place au niveau national et les structures préfectorales sont à privilégier par rapport aux chambres d’agricultures qui ne sont, pour la plupart, pas à même de rendre des jugements éclairés.

La CR reste vigilante sur les décrets d’application qui seront pris pour préciser la mise en œuvre de la loi.

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