Raymond Monier a représenté la CR aux 2e et 3e réunions de l’atelier 14 des États généraux de l'alimentation, sur l’investissement, l’accompagnement technique et la recherche.

Êtes-vous satisfait de l’avancée des travaux dans cet atelier ?

R. Monier : non ! Les réunions 2 et 3 sont trop restées sur des généralités et n’ont constitué qu’un retour sur ce qui a été dit dans les précédents ateliers. J’ai demandé, comme d’autres participants, une véritable entrée en matière pour la 4e !

Je regrette aussi l’éloignement de l’esprit initial de cet atelier 14, qui est en train de dériver vers un atelier 11 bis (transition écologique de l’agriculture).

Pouvez-vous nous rappeler la principale revendication de la CR dans cet atelier ?

R. Monier : nous estimons à la CR que l’investissement ne peut être rendu possible que par des prix rémunérateurs. Actuellement, bien rares sont les exploitations capables d’investir. Selon l’IDELE, en 2016, 45 % des éleveurs lait et viande ont présenté une trésorerie nette globale négative ou un ratio d’endettement supérieur à 40 %. L’IDELE remarque aussi la disparition de la capacité d’autofinancement et la généralisation du refinancement par de nouveaux emprunts, ce qui est très inquiétant. Côté céréaliers, certains vivent leur troisième voire quatrième année difficile.

La CR défend aussi l’idée d’investissements en faveur du bien-être de l’agriculteur, afin de réduire la pénibilité, les risques et d’améliorer l’environnement de travail. Mais les ministères ont apparemment du mal à évaluer et à quantifier le bien-être de l’agriculteur, et ce que cela signifie en termes d’investissement.

Que pensez-vous des dispositifs PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations) proposés dans les régions ?

R. Monier : nous espérions justement un bilan chiffré sur l’ensemble de la France pour la 3e réunion et il a fallu que je demande avec insistance qu’il soit présenté à la 4!

Le principal problème est que le PCAE ne finance qu’une partie de l’investissement (20 à 50 %). Comment l’agriculteur peut-il faire pour financer le reste ? L’endettement de certains est déjà très lourd.

Justement, le président Macron a promis 5 milliards d’euros d’argent frais sur 5 ans. N’y-a-t-il pas là une opportunité de moderniser les outils de production ?

R. Monier : ces 5 milliards concernent la recherche et l’innovation, pas l’investissement sur les fermes. Et l’on voit déjà tout le monde (chambres d’agriculture, organismes de recherche, instituts techniques, industriels, Ademe, associations écologistes…) prêt à se battre pour avoir sa part du gâteau, au point de se demander si l’agriculteur ne va pas en récupérer les miettes ! On voit par exemple In Vivo sur tous les fronts : biocontrôle, agriculture de précision, numérique, Big data… ce qui peut faire craindre une position monopolistique et que les fournisseurs prennent la main sur les agriculteurs.

La CR défend au contraire une redescente maximale de cette manne sur les exploitations, car beaucoup d’innovations proviennent des agriculteurs : par exemple, les drones à usage agricole, les progrès agronomiques...

N’y-t-il pas d’autres solutions de financement ?

R. Monier : il y a la DPI (Dotation pour investissement) mais son inadaptation pousse à l’investissement dans du matériel, en vue de défiscaliser. La CR a demandé la possibilité de sur-amortir la construction ou l'aménagement de bâtiments, mesure qui a retenu l’attention des autres participants.

Pour retrouver des prix, la solution n’est-elle pas la montée en gamme des productions ?

Monier : un représentant de la filière volaille a justement mis en garde contre cette solution. Comment monter en gamme l’ensemble de la production française si une partie seulement peut être vendue sous label ? Car le reste, en conventionnel, manque de compétitivité face aux importations !

Le président Macron cherche à renforcer la contractualisation mais cela suffira-t-il à nous faire retrouver des prix suffisants pour investir ?

Que pensez-vous du livre blanc de la multiperformance, présenté par l’APCA ?

R. Monier : il ne s’attaque pas au vrai problème. Un agriculteur multi-performant au sens de l’APCA restera exposé à la volatilité excessive du marché ! Pour l’APCA, il s’agirait d’être ultra-compétitifs sur tous les plans mais comment réaliser tous ces miracles, surtout dans le contexte de filières telles qu’organisées actuellement ? Elle nous propose des pis-aller, faute de pouvoir maitriser notre destin par la voie communautaire ? Le problème de l'impossible concurrence avec les agricultures des pays les plus compétitifs, imposée par l'OMC, ne semble pas non plus leur effleurer l'esprit !

Il est probable que les EGA constituent pour les chambres d’agriculture, une opportunité de récupérer des missions, consistant à fournir aux agriculteurs du service payant. Pour le montage d’un dossier PCAE et le permis de construire, les chambres peuvent facturer plus de 8 000 €. Et bientôt, conseil et vente de produits phytopharmaceutiques seront séparés, obligeant l’agriculteur à recourir à un conseil payant…

Dans la même catégorie

Économie
Économie
Importations
Économie