Madame la Ministre,

Le 31 juillet dernier, vous avez mis en place une commission de suivi hydrologique : lieu d’échange et d’information s’intéressant aux conséquences de la sécheresse sur les différents usages de l’eau et sur les milieux naturels. Si cette commission a toute son utilité, elle ne doit pas priver les agriculteurs et notre pays d’une stratégie ambitieuse sur le long terme.

D’après un rapport du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER), sur les « contributions possibles de l’agriculture et de la forêt à la lutte contre le changement climatique » (22 septembre 2014), « la France a la chance de disposer d’une ressource en eau globalement très abondante et qui le restera malgré le changement climatique. Or, cette ressource est encore très peu stockée et mobilisée : la capacité de stockage dans les bassins les plus sollicités ne représente souvent que de 2 à 3 % des écoulements annuels, contre par exemple 50 % sur l’Ebre en Espagne et 200 % sur l’Oum er Rbia au Maroc. Il sera donc possible de stocker et mobiliser davantage d’eau pour satisfaire les besoins en eau des plantes, et contribuer ainsi à permettre l’adaptation de l’agriculture et à préserver les emplois ».

En outre, cité dans ce rapport, le GIEC lui-même sonne l’alerte sur « l’importance nouvelle du stockage de l’eau et de l’irrigation, y compris en Europe, afin de pouvoir satisfaire les nouveaux besoins agricoles en eau en prévenant les conflits d’usages. La gestion de l’eau va donc devoir évoluer et le stockage être considéré comme un moyen de l’adaptation, un outil de gestion des risques. Une vision d’adaptation de type « sobriété » n’est plus suffisante ».

Voilà qui conforte magistralement la Coordination Rurale et son slogan historique : « stocker l’eau de l’hiver pour irriguer l’été ».

Or, quand on constate le sort réservé en France à l’irrigation et au stockage de l’eau, en totale contradiction avec ce qui vient d’être énoncé, cela jette un froid ! Il est ahurissant de voir que cette recommandation capitale du GIEC fasse l’objet d’aussi peu de publicité dans notre pays.

Il semble en effet que le zèle français soit à géométrie variable ! En vue de la 21e conférence des parties (COP) sur le climat organisée à Paris en décembre 2015, la France, si soucieuse de passer pour une bonne élève, ne devrait-elle pas afficher un réel volontarisme en matière de stockage de l’eau ?

Au lieu de cela, les français ont dernièrement assisté, médusés, aux événements du barrage de Sivens, durant lesquels l’Etat a fait preuve d’une faiblesse coupable à l’égard d’extrémistes de la décroissance : des méthodes quasi-terroristes l’ont ainsi emporté sur la démocratie et la légalité !

Sécuriser l’approvisionnement alimentaire des populations est-il vraiment une priorité ? Les réserves d’eau et l’irrigation sont caricaturées par leurs adversaires comme servant uniquement à la monoculture de maïs alors qu’elles présentent un intérêt pour bien d’autres cultures, y compris pour sécuriser la production de fourrages destinés aux animaux (et leur abreuvement).

Certes, une instruction technique du 4 juin 2014 précise les modalités de financement de réserves de substitution par les agences de l’eau, dans le cadre d’un projet de territoire cohérent avec les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). Or, les projets de SDAGE 2016-2021 sont restrictifs vis-à-vis de tels projets, en particulier le SDAGE Loire-Bretagne, et les agences de l’eau rêvent toutes de faire diminuer les prélèvements. Pourtant, d’après le CGAAER et le GIEC, l’eau est abondante en France et son stockage y est sous-développé !

Afin de relever les défis alimentaires et climatiques qui nous attendent, la Coordination Rurale vous demande solennellement de faire du stockage de l’eau une priorité nationale.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

Bernard Lannes Président national

Dans la même catégorie

Viande
Bio
Grandes cultures
Alimentation