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A l'approche des élections présidentielles, les candidats défendent chacun leur programme. La CR a réalisé le programme agricole qu'elle souhaiterait voir défendu par notre futur président de la République.

Ce programme se décline en 5 points principaux. Le premier : défendre l’Agriculture au niveau international en exigeant l'Exception Agriculturelle à l’OMC.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions doivent être menées :

  • Protéger l'agriculture européenne de la concurrence des autres agricultures mondiales par des droits de douane variables aux frontières de l'UE.
  • Refuser les importations dont les normes de production ne correspondent pas aux normes européennes.
  • Lutter contre la concurrence déloyale en matière sociale et environnementale en UE en travaillant sur l'harmonisation des normes.
  • Permettre le développement des agricultures des autres zones du monde pour procurer à tous les états la sécurité alimentaire.

La préférence communautaire : principe permanent du Traité de Rome

C’est le fondement même d’une PAC sous bonne protection que nous appelons de nos vœux. Chacun peut constater les effets destructeurs de la logique d’imposer toujours plus de contraintes aux agriculteurs européens pour répondre aux supposées « attentes » de la société et dans le même temps de consommer des produits en privilégiant leur bas prix, quelles que soient leurs conditions de production. La préférence communautaire, à travers les droits de douane variables que nous souhaitons pour protéger l'agriculture européenne, n'est pas utopique, ni le reflet d'un repli sur soi, comme le montrent ces extraits du Rapport du Sénat n° 112 sur la notion de préférence communautaire (2005-2006).

Extraits :
« Tous les commentateurs de la politique agricole commune expliquent que celle-ci repose sur trois principes fondamentaux : unité de marché, « préférence communautaire », solidarité financière. Le principe de la « préférence communautaire », qui ne figure pas en tant que tel dans les textes, découle de la mise en place du prélèvement communautaire. Le prélèvement est en fait un droit de douane variable qui est calculé par différence entre le « prix de seuil » (de niveau élevé et fixe) et le prix d'entrée dans la Communauté des marchandises provenant de pays tiers (de niveau très inférieur et variable en fonction des cours mondiaux). Il permet de donner une « préférence communautaire » sous la forme d'un avantage en matière de prix aux produits de la Communauté par rapport aux importations en provenance de pays tiers.

La préférence communautaire est bien aujourd'hui un principe permanent de l’esprit du Traité de Rome, suite à un arrêt de la Cour de justice européenne datant de mars 1968. Il indique que le Conseil européen doit tenir compte « le cas échéant, du principe dit de la "préférence communautaire" qui constitue un des principes du traité », en pesant les intérêts des agriculteurs et des consommateurs. Reste à la France et notamment à son futur Président à rappeler ce principe politique à ses partenaires européens et à les convaincre de le faire appliquer.

Pour avancer : la garantie des normes pour le consommateur

Un moyen d’avancer dans l’application effective de la préférence communautaire tout en protégeant les consommateurs européens à travers des normes garanties selon leurs souhaits, est de refuser les importations qui n'y répondent pas. Cette possibilité figure de manière explicite dans l'article 20 de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT, qui préfigurait l'OMC).

Ainsi, « au titre des règles de l'OMC, les pays ont le droit de prendre des mesures commerciales pour protéger l'environnement (en particulier la santé des personnes, des animaux ou la préservation des végétaux) ainsi que les espèces en voie d'extinction et les ressources épuisables. Il ne revient pas à l'OMC de leur " accorder " ce droit. »

Jacques Sapir nous rappelait, lors du Congrès de Poitiers en décembre 2011, qu'en termes de gouvernance internationale, on ne peut espérer un accord unanime dans la plupart des cas, car il y aura toujours des opposants à la mise en place d'une mesure. Alors, la seule façon d’avancer est de prendre l'initiative de l'action, avec la ferme intention de convaincre peu à peu les autres partenaires de faire de même. La France doit en ce domaine être fer de lance d’une nouvelle sécurité alimentaire des Européens.

La lutte contre la concurrence déloyale est le centre de nos préoccupations, que ce soit en Europe ou avec les pays tiers. L’UE ne peut pas être qu’un simple libre marché et il est indispensable de tendre le plus rapidement possible vers une harmonisation européenne des normes environnementales, fiscales et sociales.

De la préférence communautaire à l'Exception Agriculturelle

Pour aller plus loin dans la préférence communautaire, il faudrait élargir les raisons susceptibles d'engendrer des mesures commerciales (relèvement de droits de douane) au domaine social. 
Mais le rapport du Sénat soulève que cela irait « à contre-courant des engagements pris par les Communautés européennes auprès de l'Organisation mondiale du commerce. » « Les négociations au sein de l'OMC entraînent donc mécaniquement une érosion de la préférence communautaire et une baisse des droits, même si le principe reste présent. »

On ne peut qu'en déduire la nécessité impérieuse de sortir l'agriculture du champ de compétences de l'OMC. Le choix est simple : rester dans le dogme en poursuivant dans le libre-échangisme mondial qui démantèle l’organisation pourtant indispensable de l’agriculture européenne ou tenter de redresser la situation en militant pour l'Exception Agriculturelle à l'OMC. Il est évident que de nombreux pays en voie de développement suivraient la France dans cette initiative car cela leur permettrait de refuser la destruction de leurs agricultures locales par nos exportations subventionnées et d’avancer eux aussi en développant leur agriculture vers la recherche de la sécurité alimentaire : une des clés de la lutte contre la faim dans le monde est en jeu. La situation de dumping est aggravée par les aléas climatiques et sanitaires : la FAO estime que la facture des pays pauvres pour s’approvisionner en céréales devrait atteindre 32 milliards de dollars en 2012 (+ 4 % / 2011, dont la moitié pour le seul blé). La situation s’aggrave, réagir est urgent ! Il n’est pas possible d’admettre qu’un marché tel que celui de l’alimentation mondiale, gravement et structurellement déficitaire, continue d’être maltraité par des accords qui contribuent à décourager la production alimentaire  et à faire mourir de faim des paysans. C’est le comble du libre-échangisme : on applique à un marché déficitaire les règles d’un marché excédentaire ! 

Conclusion

L'épouvantail agité face aux défenseurs de la préférence communautaire est la crainte de mesures de rétorsions qui conduiraient à ne plus pouvoir exporter nos produits et nos services. D'où l'importance de se recentrer sur les besoins de l'UE et donc le marché européen. C'est d'autant plus important en matière agricole que notre dépendance vis-à-vis des importations des pays tiers est forte pour certains produits de base comme les protéines végétales destinées à l’alimentation animale ou encore le sucre. Ainsi, c'est une bonne occasion d'adopter en parallèle une stratégie raisonnable, voire vitale, en faveur de la sécurité alimentaire de l'Europe et des Européens.

A cet égard, il faut signaler la confusion implicite des pouvoirs publics et représentants agricoles entre productivité et compétitivité en matière d'agriculture. Alors que le bon sens des « Pères de l'Europe » les a amenés naturellement à chercher à augmenter la productivité de l'agriculture pour assurer la satisfaction des besoins alimentaires des Européens, le passage progressif et insidieux à la compétitivité de l'agriculture européenne montre que l'objectif majeur est devenu d'accéder au marché mondial. Or, si l'UE n'a vocation ni à nourrir le monde, elle n’a pas non plus  à prélever sur les productions agricoles des pays tiers et à aggraver ainsi la sous-nutrition des pays en développement   pour combler un déficit qu’elle entretient sciemment.

Extrait du dossier "La CR présente son programme agricole pour les élections présidentielles"

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