La CR a écrit à Ségolène Royal et à Stéphane Le Foll pour faire suite aux déclarations du Ministre, dans une interview au journal Le Montagne du 2 octobre, à l’occasion du Sommet de l’Elevage à Cournon :

"Il y a une vraie discussion avec la Commission. La question de l’eutrophisation et des 18 milligrammes, c’est un sujet qui mérite un débat scientifique. On le mènera."

"Avec Ségolène Royal, nous devons définir des critères scientifiques de ce qu’on appelle « l’eutrophisation continentale », car c’est ce phénomène dommageable pour l’environnement qui déclenche le classement en zone vulnérable. Nous allons donc commanditer une étude pour pouvoir opposer des arguments scientifiques à la Commission européenne."

 

La CR propose aux deux ministres de faire appel à un panel de chercheurs étrangers.

 

 

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,

 

Suite à la condamnation de la France quant à la mauvaise application supposée de la directive nitrate, la volonté de sa remise à plat a été exprimée à plusieurs reprises par différents ministres.

Nous souhaitons vous apporter des arguments scientifiques concernant cette directive, qui structure la politique environnementale depuis plus de deux décennies mais qui est erronée.

 

En effet, contrairement à l’opinion dominante et à l’illusion qu’entraîne la persistance de la norme sur l’eau potable, les nitrates ne présentent que des effets bénéfiques sur la santé et n’entraînent aucun pollution des eaux.

La prise en compte de ce constat scientifique amènerait à revoir complètement  notre réglementation, tant sur le plan sanitaire qu’environnemental. La directive nitrate de 1991 reflète les préoccupations de  l’époque qui sont devenues obsolètes 23 ans plus tard.

Les économies permises par cette prise en compte de la réalité scientifique sont considérables, tant pour les finances publiques que privées.

 

En particulier, concernant les eaux douces, il est établi que le phosphore en solution dans l’eau constitue le seul élément responsable des proliférations algales dans les eaux ; cette teneur en phosphore est essentielle, quelle que soit la teneur en nitrate des eaux. Ces proliférations sont le fait de cyanobactéries fixatrices d’azote atmosphérique ; cet azote n’est jamais limitant.

C’est donc seulement sur le phosphore qu’il faut agir pour éviter toute eutrophisation. Cette réalité est connue depuis les années 1970, au terme d’essais en vraie grandeur et de longue durée (travaux de David Schindler, notamment). L’apport de nitrate ne provoque jamais de prolifération algale.

 

Schindler et Vollenweider, puis Barroin (INRA de Thonon-les-Bains) qui a lu et explicité leur travaux, ont bien démontré qu’il fallait ne s’occuper que du phosphore pour contrôler l’eutrophisation des eaux douces : c’est la stratégie du « P only » (« Phosphore seulement »).  

Cette synthèse est largement accessible et il serait assez aisé de l’établir à nouveau, sans mener de longues investigations. Nous donnons ci-après quelques références bibliographiques fondamentales sur ce sujet.  

 

Paradoxalement les experts français au fait de cette synthèse sont relativement rares et leurs engagements dans des programmes de recherche en cours, centrés sur la réduction des nitrates dans les milieux, obscurcissent souvent leur jugement.

Dans ce contexte, comme cela avait été conçu en Suède à propos des modalités d’action pour protéger la mer Baltique, le recours à une commission d’experts étrangers indépendants nous paraît la démarche la plus fructueuse.      

 

Restant à votre disposition pour consolider la défense de la France dans ce domaine, nous vous prions de croire en notre respectueuse considération.

 

Le président de la CR
Bernard Lannes

 

 

Quelques références bibliographiques essentielles sur le sujet des proliférations algales en eau douce :

Barroin G. (1999), Limnologie appliquée au traitement des lacs et des plans d’eau, Les Etudes des Agences de l’Eau n°62, 215 pages.
Disponible sur : http://www.documentation.eaufrance.fr/entrepotsOAI/EIA/B14376.pdf

Barroin G. (2003), Gestion des risques Santé et Environnement: le cas des nitrates. Phosphore, azote et prolifération des végétaux aquatiques, Assises internationales Envirobio. Editions de l’Institut de l’Environnement. Courrier de l’environnement de l’INRA février 2003.
Disponible sur : http://www.inra.fr/dpenv/barroc48.htm

Barroin G. (2004), Phosphore, Azote, Carbone… Du facteur limitant au facteur de maîtrise, Courrier de l’environnement de l’INRA n° 52, pp 1 à 25.
Disponible sur : http://www.inra.fr/dpenv/pdf/barroc52.pdf

Schindler D. W. (1975), Whole-lake fertilization experiments with phosphorus, nitrogen, and carbon, In Ver Theor Angew Limnol Verh 19:3221–3231.
Disponible sur : http://www.nrcresearchpress.com/doi/abs/10.1139/f74-110#.VEeBDxZ2TNV

Schindler D. W., Hecky R. E.,  Findlay D. L., Stainton M. P., Parker B. R., Paterson M. J., Beaty  M. K., Beaty§, Lyng M., Kasian S. E. M. (2008), Eutrophication of lakes cannot be controlled by reducing nitrogen input: Results of a 37-year whole-ecosystem experiment, PNAS August 12, vol. 105 n°32 pp. 11254–11258.
Disponible sur : http://www.pnas.org/content/105/32/11254.full.pdf+html

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