Faisant suite aux manifestations menées par la CR12 ces derniers jours, une délégation de notre syndicat, amenée par le président Jean-Noël Verdier, été reçue en urgence par le préfet Charles Giusti le 6 février.

La parole a été donnée en premier au jeune exploitant Éloi Nespoulous, qui a demandé à ce que les éleveurs soient reconnus comme les garants de l’entretien des paysages et s’est montré extrêmement circonspect sur l’impact d’Egalim : « Comment peut-on faire confiance à cette loi, qui prévoit des taxes de 2 %, face à de grosses structures comme Lactalis ou Bigard alors que ce dernier ne publie même pas ses chiffres d’affaire ?! ». Éloi a également demandé à ce que l’origine des produits de transformation soit enfin mentionnée sur les emballages, afin que le consommateur sache ce qu’il achète. Il a souligné que la charge financière sur les exploitations de l’Aveyron est énorme, à cause du foncier qui représente une pression toujours plus forte.

Aveyron : la déprise agricole

Jean-Noël a souligné que des zones agricoles étaient abandonnées et qu’il est important que l’administration puisse favoriser la pluriactivité. « Quand le désert arrive, c’est la friche. Quand la friche est là, c’est le loup, le sanglier, les prédateurs qui pullulent ».

Pierre Lapeyre a cité des lieux comme Villecomtal, Les Espeyroux où il y avait quatre agriculteurs, puis deux l’an passé et aujourd’hui, tous arrêtent... Partout où les exploitations ne correspondent pas au modèle de haut rendement économique, c’est l’abandon et l’abandon conduit directement à la perte. « Il faut redynamiser l’élevage plutôt que d’importer des brebis d’un autre continent et cela permettra de remettre des jeunes sur les propriétés » a mentionné Nicolas Guitard.

Financiarisation mortifère

Jean-Noël Verdier a rappelé que la financiarisation de l’agriculture dénoncée par la Coordination Rurale est à l'origine du mal-être actuel : « Lorsqu’un voisin se suicide, criblé de dettes et que vous aidez sa famille à le dépendre, vous restez marqué à vie ! C’est de cette misère-là dont nous parlons et c’est pour que cela s’arrête que nous sommes ici ce soir ! »

Les causes sont multiples, mais le fait de transformer l’alimentation en produit financier est indéniable. Cela a amené une accélération de tout le système agricole : Nicolas Guitard a expliqué que « Lorsqu’on s’installait il y a une trentaine d’années, il y avait une visibilité sur 20-30 ans. Aujourd’hui, c’est impossible : tout est remis en question à cinq ans. » Jean-René Delmas a même rajouté que sa visibilité est seulement de quelques jours, selon les prix donnés.

Le problème des complexités administratives fut un des autres points soulevés par le président : « Entre les difficultés financières et les complexités administratives, la colère est permanente et ce qui s’est produit ces derniers jours n’est qu’un avertissement. Il est temps que les politiques français prennent à bras le corps le refus de cette complexité avant qu’il y ait un dérapage incontrôlable. »

Une année blanche pour l’Aveyron

Compte-tenu des difficultés de trésorerie des agriculteurs, la CR12 a demandé la mise en place d’une année blanche avec report total des intérêts et que la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFPNB) soit totalement supprimée.

« Le bio s’en sort très difficilement, a rappelé Pierre Lapeyre, et là-dessus on apprend que les traitements phytos sont de retour… Nous sommes désespérés... Un point qui a fait très mal, c’est la prime d’installation bio : certains s’en sont saisis et puis tout abandonné au bout des cinq ans ».

La question du vieillissement des agriculteurs a été soulevée : beaucoup d’exploitations se transmettent de père en fils, mais les biens ne sont jamais payés parce que le fils n’a pas les moyens. Nicolas Guitard estime que l’on est en train de gruger les agriculteurs qui partent à la retraite.

Le président Verdier a redit qu’il est temps que les politiques français prennent à bras le corps le refus de cette complexité avant qu’il y ait un dérapage incontrôlable.

Durant cette soirée, le préfet Giusti a été très à l’écoute. Il a bien compris qu’entre les difficultés financières, et les complexités administratives, cette colère agricole ne peut être que permanente.

Il a rappelé que pour lui, le sujet principal est que les agriculteurs puissent avoir toujours envie et le courage de produire la souveraineté alimentaire de la France.

  De gauche à droite : Jean-Noël Verdier, Éloi Nespoulous, Nicolas Guitard, Pierre Lapeyre, Jean-René Delmas, M. Fraysse DDT, M. le préfet Charles Giusti et le responsable de la ddetspp.

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