La Coordination Rurale d’Île-de-France a écrit au Préfet de la région Île-de-France afin de l'alerter sur la situation dramatique dans laquelle se trouvent actuellement les agriculteurs franciliens et français. Les élus CR souhaitent le rencontrer afin de trouver des leviers pour améliorer les conditions de travail et de vie des agriculteurs en leur permettant de vivre dignement de leur métier. Voici la lettre qui a été envoyée :

 

"Monsieur le Préfet,

La situation dramatique actuelle des agriculteurs ne fait qu’empirer de jour en jour avec des décisions, des reportages et des actions qui nuisent de plus en plus à notre profession.

L’actualité récente avec la question des zones de non traitement (ZNT) aux abords des habitations et des bâtiments symbolise un coup stigmatisant supplémentaire pour l’agriculture et ajoute une pression à des agriculteurs soumis à toujours plus de contraintes dans l’exercice de leur profession. Se construit une dualité dans la manière d’aborder la thématique agricole et une véritable ambivalence dans les décisions qui y sont liées.

En effet, d’un côté, le Programme national de l’Alimentation prône le développement de l’éducation à l’alimentation de la jeunesse et la valorisation du patrimoine alimentaire français. L’article 44 de la loi EGALIM votée il y a presque un an est également en faveur de la protection de notre agriculture puisqu’il « interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. ». Ces deux exemples sont encourageants pour le devenir de notre profession et méritent d’être salués.

Cependant, d’un autre côté l’article précédemment cité n’est toujours pas appliqué. Nous nous demandons même s’il finira par l’être un jour, notamment quand on sait que seuls 6 containers importés en France sur 5 000 sont aujourd’hui contrôlés. S’ajoute à cela l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA) qui doit être voté prochainement par les sénateurs après avoir reçu une majorité de votes favorables à sa ratification par les députés en juillet dernier. Cet accord dessert totalement notre agriculture en la mettant en concurrence avec des pratiques totalement différentes et dont, de l’aveu même du directeur de l’Alimentation (DGAL), la traçabilité n’est pas réalisable. De la même manière, l’accord avec le MERCOSUR menace également les agriculteurs français et européens. Notons la condamnation des terres agricoles, bétonnées, urbanisées, et donc perdues à jamais, comme pour le projet d’Europacity qui va faire disparaître des terres arables proches de la région parisienne et de ses 10 millions de bouches à nourrir. Et avec l’accord de l’État en tant qu’aménageur…

Au milieu de tout cela, se trouvent les paysans français. Ils ne savent plus où donner de la tête. Ils voient les quelques lueurs d’espoir offerte par certaines décisions s’éteindre peu à peu à cause de décisions contradictoires. Malgré notre rôle nourricier primordial, nous avons l’impression d’être les laissés-pour-compte, une simple variable d’ajustement dans des accords qui ne font qu’accélérer le déclin du nombre d’exploitants, faute de prix rémunérateurs, et par là de notre indépendance alimentaire. C’est un fait, et même une conséquence résultant de toutes les charges et contraintes qui s’accumulent sur les agriculteurs et s’ajoutent à un agribashing permanent des médias et riverains : la profession agricole est malheureusement marquée par un taux de suicide dramatiquement élevé. Plus d’un par jour ! Vous trouverez d’ailleurs joint à ce courrier une lettre ouverte au président de la République et à ses ministres pour les sensibiliser à ce fléau symptomatique d’une agriculture maltraitée.

Outre l’instauration de ZNT, le Gouvernement souhaite encore interdire l’utilisation du glyphosate. Aucune alternative n’est proposée en remplacement. Nous déplorons que la profession reste si timide face à l’importance de la recherche d’alternatives agronomiques intelligentes pour le développement d’une agriculture qui tienne compte de la vie du sol. La combinaison de ces deux contraintes suffira à elle seule à mettre en péril des dizaines de milliers d’exploitations déjà chancelantes. Pourtant, les agriculteurs utilisent des machines contrôlées. Ils sont formés pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) a été approuvée par le seul organisme agréé, à savoir l’Anses. Or, ce sont toujours les agriculteurs qui sont désignés comme coupables et montrés du doigt alors qu’ils ne font que respecter la loi et les autorisations. Les organismes de recherche ont en ce sens une grave responsabilité dans différents maux dont les agriculteurs sont accusés alors qu’ils en sont les premières victimes.

Enfin, la situation au quotidien est devenue de plus en plus pénible. Cette année, les prix des céréales ont fortement baissé cette année alors que les charges ont augmenté. En plus des contraintes météorologiques inhérentes à notre métier, nous voyons se multiplier les contraintes administratives, comme par exemple les surfaces d’intérêt écologique (SIE) que chaque agriculteur est tenu de semer à des dates imposées, ce qui relève tout bonnement de l’aberration agroécologique. Nous sommes sans cesse contrôlés alors que nous avons l’agriculture la plus stricte et la plus durable au monde. Et dans le même temps, sont autorisées des importations massives de denrées qui ne respectent pas nos normes mais qui ont une conséquence terrible : l’agriculture française meurt peu à peu. Et nos dirigeants en sont complices !

La Coordination Rurale d’Île-de-France souhaiterait vous rencontrer au plus vite pour discuter de tout cela afin de tenter de trouver ensemble des leviers pour améliorer les conditions de travail et de vie des agriculteurs en leur permettant de vivre dignement de leur métier. Nous aimerions également aborder avec vous lors de cette réunion la gestion des déchets du projet Grand Paris et ses conséquences sur les milieux ruraux.

Certains de l’intérêt que vous porterez à notre courrier et à notre demande de rendez-vous, et dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Préfet, l'assurance de notre haute considération."

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