Mercredi 5 juillet 2017, 13h30

Une vingtaine d’agriculteurs d'Île-de-France, ainsi que le président de la CR45, ont fait le déplacement au siège de la DDT de Seine-et-Marne, à Melun. Ils ont été reçus par le directeur adjoint, Laurent Bedu, ainsi que deux de ses collaboratrices, dont Sandrine Lemenager, responsable du service Agriculture et Développement Rural.

L’échange, cordial, voire amical, s’est déroulé en deux temps : tout d’abord, Patrick Clogenson et Pascal Lepère, respectivement président de la CR Île-de-France et président de la CR Couronne parisienne, ont exposé les motifs de notre visite. Dans un second temps, nous avons eu les réponses du directeur adjoint ainsi qu’une discussion.

Nos revendications étaient les suivantes :

  • Nous sommes là pour demander l’interdiction de tout contrôle sur nos exploitations tant que les aides promises (MAE, soldes des aides PAC, aides Bio) ne seront pas versées.
  • De plus, il est lamentable qu’un agriculteur en difficulté, stressé par le contrôle sanitaire sur son exploitation réalisé par des militaires armés de mitraillettes, ait été abattu dans le dos. C’est à croire que l’administration cherche à mettre le feu dans les campagnes…
  • En France, on se fiche des agriculteurs qui ne demandent qu’à vivre de prix rémunérateurs et non d’aides (cf. la première revendication à l’origine de la création de la CR en 1992).
  • Les contraintes environnementales doivent être européennes et non franco-françaises (comme promis par le président Macron) ; il faut que l’administration française cesse de surtransposer les réglementations européennes au niveau national, en voulant toujours « laver plus blanc que blanc » comme disait Coluche.
  • Toujours face au zèle de l’administration française, la CR d’Île-de-France demande l’arrêt de la surenchère des contraintes réglementaires sur les rivières, en refusant l’alignement des fossés et points d’eau sur ces même contraintes.
Plusieurs questions ont été posées par les présidents :
  • Comment se fait-il que l’on importe des millions de tonnes de soja transgéniques et que l’on nous interdise d’en produire ?
  • Comment se fait-il que l’on importe des marchandises pour lesquelles nous sommes excédentaires, produits avec des phytos interdits en France, et dont la qualité sanitaire n’est pas toujours contrôlée ?
  • Comment se fait-il que nous devions rivaliser économiquement avec des pays (même européens) dont le niveau de charges sociales et fiscales est différent ?
  • Comment se fait-il que l’on demande à des jeunes agriculteurs de rembourser les aides à l’installation, en raison d’un revenu trop faible, alors que nous sommes tous en train de crever ? Nos jeunes installés sont les plus vulnérables et rien n’est fait pour les protéger… Ou est passée la justice ?
  • Pourquoi nos hommes politiques votent en permanence des textes qui satisfont les lobbies des multinationales ?

S’en suit une courte déclaration, une supplique pourrait-on dire :

« L’agriculture française ne sera jamais compétitive, avec toutes les charges, toutes les contraintes que vous nous appliquez. La solution que nous proposons depuis longtemps serait de sortir l’agriculture de l’OMC, en vue de protéger nos productions, nos paysans, nos terres… De plus, il est regrettable qu'en grande culture, nous ne puissions pas vendre nos productions directement, ni facturer aux négociants, coops, le vrai prix de notre travail...

Le bas-peuple, dont nous faisons partie, en a plus qu’assez et finira par se révolter, si vous ne faites rien… comme en 1789 !

Bientôt, nous ne pourrons plus vous nourrir… tout simplement ! »

Après cet exposé, empli d’un mélange d’émotions, de désespoir et d’une incroyable force intérieure, M. Bedu prit la parole.

Concernant les retards de paiement, le directeur adjoint de la DDT nous a assurés que le reliquat des MAE bio 2015 serait versé en fin d’année et que les MAE bio 2016 le seraient en avril-mai 2018. Le motif invoqué pour ces inacceptables retards est que l’ASP ne maîtrise pas la complexité des logiciels informatiques car ils semblent victimes, eux aussi, de la complexification des réglementations. En attendant, leurs contrôles se poursuivent toujours avec férocité…

M. Bedu s’est engagé aussi à faire remonter à l’Onema le mécontentement des agriculteurs qui se retrouvent fréquemment face à des agents de la police de l’eau « armés jusqu’aux dents ». Il n’est pas rare de les voir arriver sur les exploitations face au paysan avec une main sur le revolver… Une attitude inacceptable, digne de petits shériffs du Grand Ouest américain…

Concernant les prix sur le marché mondial, on ne peut pas faire grand chose, hormis de « shunter » le système en s’organisant collectivement, en dehors des grands groupes.

Sur la question du remboursement des aides à l’installation, lorsqu’un jeune installé est en grande difficulté, le directeur-adjoint de la DDT s’est engagé personnellement à trouver une solution. Les difficultés que rencontrent nos jeunes agriculteurs, face à une crise agricole sans précédent, sont indépendantes de la qualité de leur travail et de leur respect des engagements du PDE.

Enfin, M. Bedu a précisé que si un agriculteur refuse d’être contrôlé, son dossier est mis de côté : cela a pour conséquence immédiate un retard dans le versement des primes PAC. Aussi, il a établi pour ses services administratifs une charte des contrôles PAC dans laquelle la pédagogie, l’explication des démarches auprès des agriculteurs, sont les clefs de voûtes.

Il a demandé à ses agents de faire des efforts lors des contrôles, d’expliquer les démarches… Il demande instamment aux agriculteurs de rester courtois et surtout de ne pas stresser. La violence d’une part, le zèle d’un agent d’autre part, n’ont jamais abouti sur des solutions positives… Il y a un équilibre à trouver car la DDT a bien conscience que la situation pour le monde agricole est explosive, comme elle ne l’a jamais été.

Finalement, ce sont des agriculteurs tristes et résignés qui ont quitté cette réunion à 16h00.

Tout le petit monde administratif se renvoie la balle car au final, « c’est la faute à l’Europe ». Un peu facile tout de même ! Quand on nous explique les « problèmes informatiques » de l’ASP, on est partagé entre le rire et la colère. Comment une administration n’est-elle pas capable d’être performante en termes d’informatique ?

A l’heure où l’on pressurise nos agriculteurs au quotidien, en leur imposant d’être performants sur la qualité de leurs productions, sur une gestion irréprochable de leurs exploitations, et tant d’autres choses, il serait temps que l’administration cesse d’être victime et bourreau…

Il est bien triste de constater qu’en France, rien n’est fait pour que nos vaillants et courageux paysans puissent vivre… Juste vivre sereinement d’un métier qu’ils exercent avec foi et passion…

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