Contexte : Une filière viande bovine en manque de rémunération

Comme bon nombre de secteurs défavorisés (géographiquement ou par manque de structuration), la filière viande a du plomb dans l’aile en Haute-Marne. En effet, les prix de la viande sont bas.

Cela s’explique principalement par la crise sanitaire ayant gelé une partie des débouchés comme la restauration. Cependant, les prix des aliments, eux, n’ont pas suivi cette tendance et ont au contraire fortement augmenté en raison des sécheresses récurrentes partout en France. Ces prix faibles et l’augmentation des charges ont ainsi fortement fragilisé la trésorerie de nombreux éleveurs.

Cependant, les charges et la rémunération des éleveurs ne sont pas les seules problématiques de la filière haut-marnaise. En effet, la concurrence déloyale fragilise aussi la filière. Cette concurrence déloyale est due au fait que la France continue à promouvoir les traités de libre-échange comme le MERCOSUR, faisant arriver sur notre marché des milliers de tonnes de viandes produites selon des normes bien inférieures aux nôtres et donc à des coûts bien moindres que la viande française. De plus, il y a une absence totale de contraintes fiscales et sociales sur ces importations qui, par ailleurs, ont un impact négatif sur l’environnement. Il est aussi important de rappeler que la CR se bat pour l’application de l’article 44 de la loi EGAlim qui interdit tout importation de denrée alimentaire ne respectant pas nos normes de production, ce qui est le cas ici.

Un manque d’outils de proximité pour la filière

Alors que la crise sanitaire nous a montré que de plus en plus de consommateurs souhaitent consommer local, la fermeture ces dernières années d’un grand nombre d’abattoirs dans le secteur conduit à des situations aberrantes ou les animaux sont expédies très loin pour être abattus. Même au sein de notre département, nous ne pouvons pas transformer la viande que nous produisons. Cela a pour conséquences de priver notre département d’outils de valorisation essentiels à notre filière viande et des emplois qu’elle induit. Pour la CR 52, il faut que cela change.

Pourtant un projet d’abattoir dans la Haute-Marne doit voir le jour depuis maintenant plusieurs années. C’est pour cela que, dans un souci de cohérence, la Coordination Rurale de la Haute-Marne a toujours demandé que soit réalisé un projet plus ambitieux. Le projet qui nous est proposé aujourd’hui est bien loin de nos attentes et ne nous satisfait absolument pas.

Un projet acté en 2020, mais aux dimensions dérisoires

Alors que la Coordination Rurale de la Haute-Marne s’est toujours battue pour la construction d’un abattoir ambitieux et inter-département pour la Champagne-Ardenne, afin de permettre un abattage de proximité dans le secteur, le projet actuel ne permettrait de prendre en charge qu’un petit nombre d’animaux, ce qui est ridicule vu le nombre d’éleveurs dans le secteur.

Face à ce constat, la Coordination Rurale de la Haute-Marne demande donc une reconsidération de ce projet d’abattoir, afin que le département de la Haute-Marne puisse bénéficier d’un abattoir à la mesure de ses élevages.

Pour Eric Prévot, éleveur bovin, le chemin que doit suivre la filière bovine en Haute-Marne est clair :

« Si nous voulons redresser notre filière, il nous faut des outils qui permettront de valoriser notre production dans les départements excentrés du Grand Est, afin de répondre à l’attente des consommateurs et des professionnels du métier de bouche (bouchers, traiteurs, GMS, collectivités). Si l’on prend l’exemple de la Haute-Marne, on trouve encore des collectivités pouvant être des débouchés potentiels pour nos productions. On peut citer par exemple la base aérienne de Saint-Exupéry et l’école de gendarmerie, ou encore les hôpitaux qui ne sont que quelques exemples de débouchés hors cadre familial. Ne laissons pas mourir notre belle région par l’envahissement de concepts et autres débordements produisant de la viande ne provenant pas de notre région.

Il est important de rappeler que pour l’instant, les abattoirs régionaux sont vétustes ou inexistants. L’abattoir de Troyes avec son sous-poudrage en perspective ou celui de Vitry-le-François, âgé de plus de 50 ans et donc appelé à être réformé, ne peuvent pas porter notre région. Il en est de même pour les autres abattoirs.

Pour le département de la Meuse, hormis l’abattoir de Belleville-sur-Meuse, il ne reste rien ! Ne parlons pas de l’abattoir de Chaumont ou avant 2018, 2800 tonnes annuelles étaient abattues et transformées. Maintenant, il n’y plus que 450 tonnes annuelles réalisées sur l’abattoir. Pour rappel, 450 tonnes, c’est ce qu’abat le Groupe Bigard « Bœuf Charal » en une matinée dans l’un de ses abattoirs les plus performants.

C’est pourquoi je suis partisan d’un projet à la mesure de notre filière. Aujourd’hui, Chaumont et ses proches alentours peuvent fournir facilement un abattoir régional ambitieux et moderne, servi en aval par des agriculteurs responsables et desservi par une autoroute exceptionnelle. Tout cela en permettant de respecter l’environnement et en privilégiant les circuits courts.

Ainsi, ce ne sont qu’à ces conditions que ce projet pourra répondre aux attentes de la filière viande bovine de notre territoire. Nous avons besoin du soutien de chacun et de tous pour promouvoir notre métier d’agriculteur, respectueux de ses élevages. Continuons de nous battre afin que notre travail soit justement rémunéré, tout en restant fiers de servir nos consommateurs.»

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