Jeudi 17 novembre, se tenait la 3e réunion régionale de crise agricole 2016 en région Centre-Val de Loire. Philippe Ribault a claqué la porte de la réunion, il nous explique ici pourquoi :Après avoir passé bien une heure à faire le point sur la crise et à essayer de dénombrer les agriculteurs ayant fait des démarches bancaires, nous avons constaté, avec Laurent Lheure, président de la CR45, que beaucoup d'agriculteurs n'étaient pas sur les écrans radar de l'administration et des Chambres d'agriculture. L'absence d'experts-comptables autour de la table était une nouvelle fois un signe de méconnaissance du fonctionnement financier d'une exploitation agricole en région Centre-Val de Loire. Et pour cause, le partenariat « agriculteur/expert-comptable/banquier » fait souvent partie des clés de la réussite d'une bonne gestion.

La restructuration de l'agriculture !

Avec une présence pléthorique de fonctionnaires de tous ordres à cette réunion, des communications précises des directeurs régionaux du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel, un état des lieux exhaustif des dettes clients annoncé par les deux chefs comptables des coopératives Axéréal et Interface, notre brillant préfet de région a trouvé comme solution ultime à cette énième crise « la restructuration de l'agriculture ». En clair, que les « canards boiteux », ou ceux qui croyaient dur comme fer au bel avenir de notre métier de producteurs de nourriture, envisagent de céder ou de vendre leur exploitation. À cette affirmation, les présidents de Chambres d'agriculture présents ont surenchéri, en précisant que dès le mois de juillet, Xavier Beulin avait proposé cette solution, allant même jusqu'à demander à l'administration d'octroyer 1500 € à un agriculteur qui céderait sa ferme !

Cette prise de position affirmée du préfet de région (position qui a certainement dû lui être imposée par le ministre lui-même), m'a profondément mécontenté, et au nom de la défense d'un monde agricole équilibré, prônée depuis sa création par la Coordination Rurale, j'ai fermement pris la parole pour exprimer mon opposition à cette solution ! Principale hérésie dans cette proposition ? La moyenne d'âge des agriculteurs en Région Centre-Val de Loire, qui se situe autour de 51 ans (pour les chefs d’exploitations). Cette moyenne très élevée provoquera mécaniquement, à court et moyen terme, une diminution importante du nombre d'exploitants. La société civile nous demande de pratiquer une agriculture raisonnable, ce n'est certainement pas l'agrandissement à outrance qui sera la dynamique de notre région.

Un déficit proportionnel à la taille de l'exploitation

Un déficit de 550 €/ha sur la ferme moyenne d'Eure-et-Loir de 130 ha représente au total 71 000 € de perte. Le même déficit sur une ferme de 1 000 ha, fera 550 000 €. Non, la solution n'est pas là ! Est-il normal de produire à perte pour nourrir nos concitoyens ? À la CR, nous faisons inlassablement des propositions réalistes que certains ne veulent pas comprendre…

J'ai également profité de cette réunion pour rappeler au préfet de région, alors qu'il me disait que l'on n'était pas là pour faire du syndicalisme, qu'une exploitation agricole qui disparaît, cela représente une perte de 7 emplois induits. Avez-vous estimé le coût de cette fameuse solution de restructuration en matière d'emploi ? Les présidents des Chambres présents, d’obédience FDSEA, ont fait « le gros dos », tout comme le représentant de la Confédération Paysanne ! Pour les premiers cités, la rémunération procurée par leurs responsabilités extérieures leur fait indéniablement perdre leur bon sens paysan, et votre défense professionnelle par la même occasion.

Ce que je n'ai pas eu le temps de dire...

Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de dire au préfet ce que j'ai écrit dans la France Agricole en février dernier : « il est dommage que les membres de ce gouvernement qui sont idéologiquement opposés aux fermes de 1 000 vaches, de 1 000 veaux, de 1 000 truies et de 1 000 hectares, n'empêchent en rien leur multiplication. »

En conclusion, cela était encore une réunion où les gens de terrain sont méprisés… Et cela devient insupportable. Jacques Laigneau disait d’ailleurs :

« les traités ne durent que le temps que les peuples les supportent ! »

Philippe Ribault, président de la CR Centre

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