Chacun se souvient des paroles de Xavier Beulin d’avant crise : « Il faut être capable de produire à moins de 300 € la tonne ». Ou encore celles de Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA : « une exploitation de 250-300 vaches est plus rentable qu'une de 80 vaches ! »
Aujourd’hui, les producteurs subissent les conséquences néfastes de cette stratégie, stratégie qui accentue la spirale infernale de l’endettement des producteurs générant en parallèle l’explosion des bénéfices des industriels ! Pourtant, le scénario de ces représentants continue de se dérouler comme ils l’ont prévu : le manque à gagner des producteurs, à savoir 100 €/tonne de lait se transforme, chaque jour, en autant de bénéfices supplémentaires chez les industriels. Le doublement du bénéfice du 1er semestre 2016 chez Danone, grâce au prix bas de la matière première, le prouve ! Pourtant, la FNSEA vise uniquement Lactalis, comme si tous les transformateurs ne bénéficiaient pas de ces prix bas ! Mais que pense alors Xavier Beulin des résultats des coopératives, gérées et administrées par des élus, à qui on a appris que les bénéfices se faisaient grâce à l'achat d'une matière première peu chère ? Ces administrateurs ont-ils conscience que cette stratégie s’opère au mépris de la trésorerie des producteurs qui leur ont accordé leur confiance ? Les coopératives ont, pour la majorité, isolé leurs filiales où la valeur ajoutée créée est élevée. Les dividendes, censés revenir aux coopérateurs, s’y évanouissent par des stratégies fiscales bien rodées ! Leurs résultats décalés laissent à penser qu'elles rêvent d'une diminution du nombre de sociétaires… Ça doit faire partie de leur stratégie ! Comme ces industriels champions des fusions-acquisitions, les producteurs devraient se regrouper, grossir et surtout investir.
Dans ce système, il faut être de taille XXL plutôt que S pour résister. En plus des aides de la PAC, ce sont les plans successifs de sauvetage qui vont tenter de maintenir les exploitations sous perfusion ! Pourtant, les trésoreries prouvent que ces aides sont quasi-inutiles. Le syndicat majoritaire, très familier avec la finance, valide là la financiarisation des exploitations ! Cette financiarisation sonnera le glas de l’indépendance, de l’autonomie ou même de la survie des exploitations ! Les exploitants ne peuvent plus accepter cet état de fait sans résister !
Alors, il faut s'y prendre autrement !
La CR dénonce cette financiarisation. Nous sommes chefs d'exploitation ; nous possédons la matière première ! Nous devons reprendre le pouvoir et nous réapproprier les marges confisquées ! La crise n'aura comme solution durable qu'un retour à des prix rémunérateurs grâce à une régulation de la production, un ajustement de l'offre à la demande ! L’EMB et l’OPL de la CR ont mis au point le Programme de responsabilisation face au marché (PRM), un outil de régulation abouti et surtout financé ! Le syndicat majoritaire ne l’a pas soutenu. De plus, l’OPL de la CR maintient la même stratégie depuis toujours puisque la CR est née de l’idée « Des prix plutôt que des primes » ! Ces primes ont contribué à rendre les producteurs de plus en plus dépendants d’un financement extérieur jusqu’à les asphyxier aujourd’hui.
Si Xavier Beulin vient dans le Morbihan, que vient-il annoncer ? Si son discours face aux producteurs n'est plus le même qu’avant la crise, alors, c'est un menteur et un irresponsable ! C'est prouvé : la répartition des marges est inéquitable ! La PAC est entièrement à revoir : nos coûts de production doivent être pris en compte sans quoi, c'est l'emploi direct, soit 2,5 emplois par exploitation laitière qui pourraient être perdus en même temps que nos exploitations fermeraient.
Aujourd'hui déjà, le consommateur veut de la matière première issue de fermes familiales, dont l'origine peut être tracée, le mode de production identifié et la garantie d'un produit respectant parfaitement les exigences de la Cop 21 ! Mais cela sera-t-il encore possible ?
Les industriels justifieront alors l’importation de leurs approvisionnements et le consommateur devra se contenter de produits finis, uniquement transformés en France ou bien des produits fabriqués dans des fermes industrielles par les agriculteurs d’aujourd’hui employés comme « techno-serfs ». Ces produits leur seront vendus à des prix élevés, déconnectés de leur véritable valeur ajoutée.
La CR restera attentive aux discours de Xavier Beulin en Bretagne. Comment peut-il encore être crédible ?