Les nouvelles technologies que nous employons de plus en plus dans notre métier nous offrent la possibilité d’être plus performants. Au-delà de cet aspect, les données que ces nouveaux appareils génèrent, peuvent nous faire craindre une surveillance généralisée et une utilisation de nos données personnelles et professionnelles sans notre consentement. Ainsi, la sécurisation des données agricoles est un enjeu à ne pas louper.

Avec les nouveaux appareils connectés, les possibilités de collecter, stocker et traiter des données environnementales, agronomiques, industrielles et logistiques se multiplient. Positionnés à même la terre, sur pilotis, sur les bâtiments, sur les animaux d’élevage, sur les tracteurs ou encore sur des drones, les capteurs agricoles amassent aujourd’hui des milliers de données sur la température, l’humidité de l’air et du sol, mais aussi la santé des plantes et des animaux, la qualité de nos productions …

Sous couvert de services, de nous délivrer des conseils, de nombreuses données nous appartenant alimentent des sociétés qui nous les revendent, sans oublier au passage de s’enrichir, sur notre dos.

Nos coopératives devront montrer l’exemple

Un rapport réalisé par Asterès, financé par Bayer, intitulé l’amont agricole, nous explique que les coopératives auront un rôle primordial car elles centraliseront les données pour éventuellement prodiguer des conseils. Nous savons que nos coopératives ne sont pas des modèles de transparence, c’est pourquoi nous pouvons légitimement nous demander le sort qui sera réservé à nos données collectées par elles. Quel sera le pouvoir des exploitants face aux grandes coopératives pour rester maître de leurs données ?

Pour cette raison, nos coopératives doivent s’engager dès maintenant à ne pas vendre nos données, garantissant ainsi aux agriculteurs leur propriété.

Le rapport cité précédemment nous informe également qu’à l’avenir, avec l’avènement d’une agriculture de précision, les acteurs de l’agrochimie subiront une contraction de leurs ventes. Rappelons également que le plan Ecophyto ambitionne de réduire de moitié l’usage des produits phytosanitaires. Ainsi, les industriels sont menacés sur leur cœur de métier. Les acteurs de l’agrochimie qui vont gagner moins d’argent vont donc chercher des solutions pour récupérer ces pertes. Et, avec nos données, il y a du business à se faire !

Nous pouvons donc nous poser la question de la législation concernant les équipements agricoles étrangers. Si la France semble être consciente de la protection de nos données personnelles, où seront stockées ces données d’entreprises étrangères ? Qui pourra les utiliser ? Par exemple, on ne peut pas accepter que The Climate Corporation, filiale de Monsanto/Bayer surveille les parcelles de blé de Picardie ou les prairies de Normandie, collecte des données avec les machines et les capteurs agricoles et que de leurs bureaux californiens, ils conseillent aux agriculteurs d’utiliser leurs semences, leurs engrais ou leurs produits phytosanitaires. La portabilité, la confidentialité et finalement la propriété des données critiques donnent lieu à beaucoup de questions, qu’il s’agisse de l’utilisation en quasi-instantanée de volumes de récolte par les fabricants de moissonneuses pour prendre position sur des marchés à terme ou de l’évaluation très précise de la valeur d’une exploitation pour une cotation ou un rachat

Le big data est inévitable et fait partie de l’évolution de l’agriculture. Nous ne pourrons pas y échapper et d’ailleurs, cela ne serait pas souhaitable car c'est un progrès, mais nous devons rester sur nos gardes et la réflexion doit être rapidement menée par nos parlementaires en vue de réglementer.

Anne Renouard, éleveuse dans les Côtes d'Armor (22)

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