La Coordination Rurale de l'Ain s'est mobilisée auprès des députés du département afin de les sensibiliser sur le vote prochain de la loi EGA dite "pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable".

Objet : Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Vous allez être prochainement saisi(e) du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

La Coordination Rurale de l’Ain, syndicat agricole représentatif au niveau départemental, entend par le présent courrier vous alerter sur les conséquences de son vote en l’état pour les agriculteurs.

Si ce projet de loi comprend bien des dispositions positives pour les agriculteurs, l’absence de moyens de contrainte et de contrôle limite fortement leur efficacité. De plus, des éléments issus des États Généraux de l’Alimentation, pourtant fortement en faveur des agriculteurs et d’un équilibre des relations commerciales, n’ont pas été repris. Enfin, l’annonce de futures ordonnances visant à traiter une part importante des éléments problématiques est particulièrement décevante, le traitement de nombreux problèmes grevant le secteur agricole ayant été de fait reporté.

L’article 1 du projet, modifiant plusieurs articles du Code rural et de la pêche maritime, comprend de nombreuses mesures présentant un risque pour les agriculteurs, alors que certaines dispositions en leur faveur et discutées lors des EGA n’ont pas été intégrées.

Il prévoit tout d’abord le transfert de l’obligation de proposer un contrat de l’acheteur au producteur. Cela renforce ainsi les obligations pesant sur les agriculteurs, à peine de sanction en cas de non respect des éléments obligatoires d’un tel contrat. Cette obligation vise à forcer les agriculteurs à rejoindre des organisations de producteurs, abandonnant de fait leur indépendance, alors que les nombreuses dérives constatées dans ces structures font planer de sérieux doutes sur leur capacité à défendre les intérêts de l’ensemble de leurs membres.

Dans ce même article du projet, on retrouve les clauses obligatoires dans les contrats et contrats-cadre qui prévoient notamment la présence d’indicateurs du coût de production dans les critères de détermination du prix. La défense d’un juste prix payé aux agriculteurs étant le principal combat de la Coordination Rurale, nous ne pouvons que saluer cela. Cependant, la rédaction de l’article présente le coût de production comme un indice parmi d’autres, sans priorité particulière. Or, pour assurer un revenu aux agriculteurs, il est nécessaire que le coût de production représente un prix plancher. Au vu de la rédaction actuelle, absolument rien n’impose le réel respect des coûts de production aux acheteurs.

En outre, les précisions sur l’origine des indices à prendre en compte pour la détermination du prix ne sont pas de nature à rassurer sur le futur des relations commerciales entre producteur et acheteur. En effet, contrairement à ce qui a été évoqué lors des EGA, l’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges n’est plus mentionné comme organisme source des indices. Celui-ci constituerait pourtant, avec les moyens adaptés, le meilleur garant de la justesse des indicateurs à prendre en compte. À l’inverse, le projet de loi laisse une totale liberté aux parties pour déterminer les indices à prendre en compte, leur permettant même de choisir leurs propres indicateurs. Une telle liberté présenterait un important risque de dérives, notamment en cas de déséquilibre entre les parties. Il serait dès lors bien préférable d’encadrer les indicateurs utilisables, par exemple via un décret désignant les organismes publiant de tels indices éligibles pour une utilisation dans ces contrats.

L’article 5 du projet de loi évoque le rôle des interprofessions quant à la proposition d’indicateurs relatifs aux différents critères devant être pris en compte pour la détermination du prix des produits. Les interprofessions seraient ainsi encouragées à proposer de tels indicateurs accompagnés de recommandations quant à leur utilisation pour la détermination et la révision du prix. Cela nous laisse craindre un marchandage entre les parties prenantes de l’interprofession insérant un biais faussant la réalité des indicateurs et en particulier ceux concernant les coûts de production des produits agricoles. Cela traduit la volonté du gouvernement de se dédouaner de toute problématique liée à ces indicateurs, visible via la non reprise de l’OFPM pour la détermination de ces indices. De plus, ces guides d’utilisation des indicateurs ne seraient en rien contraignant, limitant considérablement leur portée dans l’équilibrage des relations économiques dans le secteur agricole.

Outre les points directement liés à la contractualisation, ce projet de loi fait également référence à la restauration collective, sujet régulièrement abordé lors des EGA ainsi que dans les précédentes campagnes électorales. Or nous ne retrouvons pas mention dans ce projet de loi des 50 % minimums de produits locaux, issus de l’agriculture biologique ou bénéficiant d’un autre label de qualité. En effet, ces produits devraient uniquement constituer « une part significative » des produits acquis selon l’article 11 du projet.

Le critère local fait également l’objet d’une étrange reformulation via une référence au « coût du cycle de la vie des produits ». Cet indicateur est généralement utilisé pour des produits ayant un coût d’utilisation, de maintenance, de recyclage, etc. Il est donc étonnant de l’utiliser pour des produits agricoles, surtout à la place d’une simple mention au caractère local du produit pouvant être réalisée via une référence à une zone délimitée autour du point de restauration collective.

Si l’interdiction des promotions sur les produits phytosanitaires (hors produits de biocontrôle) est évidemment une importante avancée pour réduire leur utilisation, nous estimons que l’article 14 manque d’ambition et devrait également prohiber la publicité réalisée pour ces produits.

Enfin, nous déplorons le fait que de nombreux points ne soient abordés au sein de ce projet que via des annonces de futures ordonnances les concernant. L’assainissement du fonctionnement des coopératives agricoles, notamment en ce qui concerne la redistribution des gains, devrait être un sujet prioritaire et non reporté à plus tard, tout comme l’encadrement des promotions des produits alimentaires. De même, le médiateur de la coopération agricole, le rehaussement du seuil de revente à perte, le gaspillage alimentaire, la séparation des activités de conseils et de vente des produits phytopharmaceutiques, le conseil annuel individualisé en conditionnant la délivrance et le renforcement du système des certificats d’économies de ces mêmes produits sont autant de sujets que ce projet de loi refuse de traiter et renvoie à de futures ordonnances.

En conséquence, ce projet nécessite en l’état d’importantes modifications afin de réellement améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole.

Vous remerciant de l'attention portée à ce courrier, et de bien vouloir défendre la cause des agriculteurs, nous restons à votre disposition pour vous apporter tout complément d'information et nous souhaiterions pouvoir vous rencontrer à votre convenance afin de pouvoir discuter plus avant de ce projet et des changements qu’il nous semble nécessaire d’apporter.

Nous vous prions de croire, Madame la Députée, Monsieur le Député, en l'expression de notre haute considération.

Jean-Claude MONIN

Président de la CR de l’Ain

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