La Coordination Rurale (CR) s’offusque du prétexte de « prix d’achat du lait élevé payé aux éleveurs » évoqué par Bercy pour exclure les industries laitières, privées comme coopératives, de la réouverture des négociations commerciales. Dans l’émission « Quelle époque ! » diffusée samedi 20 mai 2023, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, estime que « le prix du lait est décent ». Comment peut-il prétendre cela, alors que ce prix ne permet pas d’assurer une rémunération aux éleveurs ?

En tant que membre de l’European Milk Board (EMB), les producteurs du syndicat jugent inacceptable que les producteurs et les consommateurs soient contraints de payer pour entretenir les industriels, mais aussi les grandes surfaces, assoiffés de profits, avec la caution de Bruno Le Maire de surcroît ! En contact permanent avec les autres éleveurs européens, ils savent que, sur 2022, leurs homologues néerlandais ont été payés au moins 10 centimes d’€/litre (100 €/1000 l) de plus ! Même le prix moyen du lait européen est supérieur de 6 centimes (60 €/1000 l) au lait français ! Et ce, sans loi EGALIM. Leurs industriels ont certainement compris qu’à défaut, les éleveurs allaient cesser la production. Ce n’est visiblement pas encore le cas en France, et pourtant, nous assistons à une accélération de la baisse de la collecte, et les difficultés de transmission des exploitations ne sont pas encore au summum ! À croire que certains politiques et industriels profitent de la situation tant qu’aucun conflit social, qu’ils pensent impossible, n’éclate. Certes, il n’est pas encore lancé du côté des producteurs, mais il le faudra, et il ne saurait tarder tant le mépris est grand ! Aussi, il est urgent que le ministre de l’Économie retrouve lucidité et impartialité dans ses décisions. Il sait que l’indice des prix du lait français a augmenté de 20 % « sortie ferme » l’an dernier et qu’en face les charges ont, quant à elles, augmenté de 24 % (source INSEE). Et c’est sans compter que beaucoup d’éleveurs ont subi une baisse de production liée à la sécheresse, à charges égales !
« Avec leurs achats de lait français très compétitif, les industries laitières françaises ont économisé 2 milliards d’euros sur le dos des producteurs ! Ce manque à gagner par exploitation représente en moyenne plus de 2 SMIC nets annuels ! Le prétexte d’investissements à venir pour des transitions, de la décarbonisation, etc., avancé par certains industriels n’est pas entendable au regard du retard accumulé en la matière sur les exploitations ! Les industriels n’ont qu’à faire comme les consommateurs et les producteurs, s’adapter ! », s’insurge Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière et présidente de la Coordination Rurale.

La section Lait de la CR pointe le manque de transparence des industriels laitiers qui se cachent toujours derrière les prix des produits industriels pour justifier des prix à la production éternellement insuffisants, et déplorent le manque de compétitivité des élevages français. Plutôt que de s’intéresser à la gestion de nos fermes, les industriels devraient certainement revoir leur stratégie commerciale, notamment la multiplicité des gammes.
Tout le monde doit bien comprendre que si les producteurs sont encore là, c’est parce qu’ils assument leur rôle nourricier. Ils sont, sans aucun doute, plus attachés à la souveraineté alimentaire que les politiques et les industriels ! En effet, grâce à ces derniers, sur 2022, les importations de lait vrac ont encore augmenté de 37 % et celles de beurre de 10 % ! Et il faudrait peut-être que les agriculteurs et les consommateurs les remercient !?

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