La 9e étape du Tour de France amènera les cyclistes de Nantua (Ain) jusqu'en Savoie, avec une arrivée à Chambéry. Au pays de l’AOC Abondance, à Gruffy (74) précisément, Justine, 28 ans, est conjointe collaboratrice depuis plusieurs années, et en cours d’installation sur une ferme laitière.

Combien êtes-vous sur la ferme ?

Le Gaec compte deux associés à l’heure actuelle : Jean-Marc, mon mari et Jacques, son frère. J’y ai le statut de conjointe collaboratrice depuis 2010, et je vais devenir associée à part entière dans quelques mois. Nous élevons 45 vaches laitières et livrons environ 300 000 litres de lait (nous pourrions aller jusqu’à 350 000) à la coopérative des Trois massifs de Gruffy. Le lait y est davantage payé qu’en conventionnel (480 €/1000 litres) car il est entièrement transformé en AOC Abondance.

Comment ton parcours pour t’installer se déroule-t-il ?

Au début, je ne voulais pas prendre les aides à l’installation, mais le comptable m’a indiqué que compte tenu de mon profil et du projet, cela devrait passer. Nous sommes en zone de montagne, aussi les démarches étaient rentables. J’ai réalisé mon rendez-vous PPP il y a peu. Du fait de ma formation et de mon expérience, il me faudra réaliser le stage 21h et le stage Gaec de 2 jours. Par contre, mon statut de conjointe collaboratrice depuis plusieurs années m’exempte de « l’année d’essai » obligatoire pour tous les jeunes qui intègrent un Gaec en Haute-Savoie. C’est une spécificité départementale, que l’on ne retrouve pas par exemple en Savoie.

Quelle est la prochaine étape ?

L’évaluation de l’exploitation reste à faire : mise aux normes, situation financière… mais cela nous semble une formalité. En réalité, mon installation est en attente depuis un moment et nous élaborons notre projet depuis maintenant 2 ans. Au départ, la situation n’était pas favorable : une ferme un peu trop petite, des enfants en bas âge… Puis, nous avons décidé de sauter le pas, mais nous avons d’abord élaboré notre projet avant de rencontrer la chambre d’agriculture. Notre objectif n’est pas d’accroître la production, ni d’agrandir les bâtiments… Nos emprunts seront remboursés en 2021, et une autre installation est prévue d’ici 4 à 5 ans.

Comment souhaitez-vous développer l’activité ?

Nous voulons optimiser le travail, en ciblant les investissements : un peu de renouvellement de matériel, du matériel de fabrication des farines (à base de l’orge et du soja produits sur l’exploitation, auquel nous ajoutons maïs, pulpe, tourteau, lin et son achetés à l’extérieur). Nous pouvons gagner du temps, notamment sur l’alimentation des animaux et libérer en moyenne une heure par jour. À l’heure actuelle, bien que n’ayant pas le statut d’associée, je travaille à temps plein sur la ferme. Je dois reconnaître que j’ai été très bien accueillie au PAI. Mon dossier devrait être traité rapidement, certainement parce que notre projet est abouti, réfléchi et que les risques sont calculés : investir sur l’autonomie fourragère nous coûte environ 50 000 €, alors qu’un nouveau bâtiment pour accroître la production nous en aurait coûté au moins 5 fois plus.

Le fait de travailler sur la ferme a sûrement aidé à mesurer ces risques.

C’est l’avantage de ces années d’attente : je sais aujourd’hui ce que je veux et ne veux pas. Nous pourrions par exemple travailler à augmenter la productivité, mais cela réduirait la durée de vie des vaches, augmenterait les frais vétérinaires… Nous, nous gardons nos vaches 8 ans en moyenne quand d’autres ne les gardent que 4 lactations. Nos frais vétérinaires s’élèvent à 1 000 € par mois, quand d’autres sont à 3 000 €. En 2010, nous avions perdu environ un tiers du troupeau (pneumonie puis mycoblasmes). 15 vaches sont mortes en 1 semaine ! Je tremblais le matin en arrivant à l’étable, à l’idée de ce que j’allais trouver. Nous avons racheté des animaux, élevé un peu plus et aujourd’hui nous avons retrouvé une stabilité. Cela nous a pris pas mal de temps, mais quand tu travailles avec du vivant…

Et ton engagement syndical ?

Je suis arrivée à la CR par hasard, je ne connaissais pas les syndicats et à vrai dire cela m’intéressait peu… Mais j’étais amie avec la fille du président de la CR73. Elle lui a parlé de moi, de nos discussions sur l’agriculture et un jour, il est venu me rendre visite pour me parler de la CR, de leur volonté de défendre les jeunes installés dans les Savoie. Cet échange, et l’envie de m’engager pour le métier, m’ont décidé. Je suis partie sur la liste de candidature aux élections chambre d’agriculture. C’est tout neuf pour moi, et j’apprends. Je considère que si je veux être efficace en réunion et défendre l’agriculture, je dois me tenir au courant des évolutions. Mon but est de construire et travailler. Je ne suis pas là pour faire la guerre mais pour défendre l’agriculture. Je veux lutter contre le copinage, et j’aime à la CR le dynamisme des autres agriculteurs, notre volonté de ne pas rester « enfermés » dans les logiques et codes de l’agriculture. Surtout, et c’est ce qui a fini de me convaincre, c’est notre vision de l’agriculture : il faut vivre de nos produits. C’est vrai que la FNSEA commence à le reprendre, mais c’est bien la CR qui défend cette idée depuis 25 ans maintenant !

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