Troisième étape du Tour de France : Verviers - Longwy. Portrait de Jean-Marc Chone, agriculteur dans en Meurthe-et-Moselle, depuis 2011. Il travaille un peu plus de 110 hectares en polyculture et pratique l’agriculture de conservation depuis son installation.

Qu’est-ce qui t’a amené à l’agriculture ?

Je suis issu du milieu agricole, mais j’ai une tout autre formation : j’ai fait les Beaux Arts, un peu de communication, et j’ai commencé ma vie professionnelle dans ce milieu. J’ai par la suite travaillé dans l’immobilier. En 2010, j’ai décidé de m’installer en succession de mon père. Malheureusement, il est décédé accidentellement en début d’année 2011, et j’ai repris l’exploitation à l’enlèvement des pailles qui a suivi.

Comment s’est déroulée ton installation ?

Bien qu’il s’agisse d’une reprise d’exploitation, en propriété, elle n’a pas été simple. Lors des premiers rendez-vous, soit on me conseillait de faire perdurer l’activité d’élevage, soit on me disait que je ne réussirai pas la reprise. J’avais un autre projet en tête, mais avec les formalités administratives, il a fallu trouver une solution intermédiaire. Ma mère a d’abord fait la reprise pendant quelques mois, et il m’a fallu attendre l’automne pour m’installer. J’ai alors pu mettre en place le projet que je souhaitais : j’ai abandonné l’élevage et j’ai développé les grandes cultures, avec l’objectif de diversifier mes productions et de changer les modes de culture.

Que cultives-tu aujourd’hui ?

Je produis du colza, du blé, de l’orge, des pois et du lin de printemps. Je pratique les Techniques culturales simplifiées (TCS). J’essaie de toujours évoluer. Par exemple, je voudrais développer davantage les légumineuses, car l’orge dégage peu de rémunération. J’ai aussi acheté depuis peu 5 hectares qui seront mis en vergers, et je pense aussi à la création d’un atelier apicole. Ça prend du temps et je mets tout ceci en œuvre en fonction du contexte économique, en fonction des disponibilités financières, etc.

As-tu bénéficié d’aides à l’installation ?

Je l’ai fait pour suivre certains conseils que l’on me donnait, pour pouvoir prétendre à récupérer des terres. Mais si je devais aujourd’hui refaire les démarches, je ne prendrais pas les aides à l’installation : elles sont trop inadaptées aux conditions de l’entreprise. Un prévisionnel est un vœu pieu, et quand on est agriculteur, il faut pouvoir agir en temps et en heure (achat de matériel imprévu, par exemple). J’ai été touché par le gel en première campagne, j’ai subi la baisse des prix… mais j’ai heureusement réussi à éviter de justesse les avenants. Pour moi, c’est une grosse arnaque : partout est mise en avant l’amélioration des compétences et du niveau de formation des jeunes installés, mais ce système d’aides à l’installation nous place concrètement sous tutelle, à la fois de l’administration et des services chambre. Beaucoup de personnes partagent cet avis : je siège en Crit et aussi au CRP (gestion du PDR Lorraine), et lors d’une précédente réunion, les centres de gestions reconnaissaient qu’il valait mieux ne pas demander les aides pour être tranquille et réactif au niveau de la gestion.

La question des intrants te tient beaucoup à cœur.

Oui, j’ai en tête de m’attaquer aux dossiers des ententes sur les prix des intrants et des pièces détachées. Étant un agriculteur frontalier, je ne peux que constater que de l’autre côté de la frontière, la concurrence joue réellement. Ce n’est pas le cas en France, et c’est contraire selon moi aux règles mêmes de concurrence. Ce dossier est lourd et complexe, mais je suis sûr de son intérêt pour les agriculteurs. Concernant les phytos, je voudrais que l’on cesse de les caricatures et la diabolisation. Aujourd’hui, les autorisations de mise sur le marché sont très rigoureuses et les agriculteurs utilisent ces produits à bon escient, avec parcimonie et par nécessité. Le glyphosate est un bon exemple : il est utilisé dans les TCS, à des doses bien moindres que celles préconisées. Étrangement, alors que la molécule tombe aujourd’hui dans le domaine public (comme une certaine atrazine en son temps), il se trouve que tout un tas d’ONG mènent des actions pour tenter d’en obtenir l’interdiction. Qu’avons-nous en remplacement ? Aujourd’hui, rien. Sans nul doute, on peut compter sur les industriels pour trouver un produit de substitution, plus cher évidemment, et dont on découvrira peut-être dans quelques années qu’il est plus nocif que le glyphosate. Sur ces dossiers, il faut agir avec prudence et sagesse !

Et le syndicalisme, comment y es-tu venu ?

J’ai d’abord côtoyé indirectement la CR, sans le savoir : adepte des TCS, j’ai assisté à mon premier Festival du Non labour et semis direct (NLSD) en 2011 dans l’Aube. Dans la famille, mon père n’était plus syndiqué, mais ma mère oui. Lors de mon installation, cela s’est finalement fait naturellement : une réunion, puis une autre, et ensuite l’engagement sur la liste aux élections.

Et pourquoi la CR ?

Pour moi, la CR est en phase avec notre époque, soucieuse de l’environnement et défendant toutes les agricultures (bio, conservation, conventionnel…). Nos positions sont plus complexes et responsables que celles de la FNSEA, par exemple, qui a de manière générale un discours un peu schizophrénique : défendre l’installation et l’agrandissement, ou encore affirmer que l’on veut des prix (sans connaître les coûts de production) mais sans cesse revendiquer de nouvelles aides. Nous sommes présents pour négocier, discuter, échanger...  A la CR, on ne promet pas la lune, mais des idées et des modes d’action différents. Pour nous, l’individu, ses initiatives, priment alors que j’ai la conviction que la FNSEA défend d’abord les filières.

Quelles actions as-tu déjà entrepris avec la CR ?

Nous avons réussi en 2016 un projet qui me tenait à cœur : accueillir le NLSD dans notre région ! La chose n’a pas été simple, car il a fallu vaincre les réticences locales. Nous avons par exemple rencontré quelques problèmes organisationnels, lié à l’encombrement occasionné par les concours de labours, mais notre engagement a permis de trouver les solutions. Je représente aussi la CR au sein de plusieurs comités, et je me rends compte que nous sommes de plus en plus entendus par les administratifs car nos propositions sont cohérentes, notamment vis-à-vis de la réglementation européenne. Mais pour autant, il n’est pas toujours facile de faire sa place dans ces réunions, techniques et complexes, et pour lesquelles nous nous rendons compte que sont transmises au syndicat majoritaire des informations qui ne nous sont pas envoyées…

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