Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture a reçu le 28 septembre 2015 un rapport affirmant que la filière sucrière française dispose de la capacité à produire des volumes importants de sucre de qualité à un prix compétitif qui lui permettra de tirer parti de la fin des quotas sucriers (1er octobre 2017), tout en augmentant la production ainsi que les exportations qui ne seront plus limitées. Pour la CR Picardie, ce rapport qui recommande de supprimer les outils de régulation pour produire plus et payer moins les producteurs est une aberration.

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Une concertation à sens unique

Apparemment, les deux rédacteurs de ce rapport, Serge LHERMITTE, délégué ministériel aux entreprises agroalimentaires, et Thierry BERLIZOT, membre du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), ont rencontré l’ensemble des acteurs concernés de l’amont et de l’aval de la filière. La Coordination Rurale attend toujours d'être consultée. A la lecture de ce rapport, on peut imaginer que les producteurs souhaitent produire plus pour être payés moins. Pourtant, il fallait être aveugle pour ne pas lire dans les cortèges des manifestations récentes d'agriculteurs : « ON VEUT DES PRIX REMUNERATEURS ». Les représentants de la profession concertés plaident-ils plus pour la filière que pour leurs propres rangs ?

Des stocks de sucre déjà difficiles à écouler

Marc Delobel, notre représentant au Conseil spécialisé Sucre de FranceAgrimer, nous rapporte que lors de sa dernière réunion, il avait été établi que les stocks de sucre au niveau européen étaient très importants. Malgré ce constat, les recommandations tournent toujours vers l'idée qu'il faut produire plus afin d'exporter plus. Pour la Coordination Rurale, la fin des quotas en 2017 créera forcément une surproduction européenne de saccharose de betterave, mais aussi d'isoglucose de blé. Les coûts de production des planteurs européens étant encore supérieurs de 30 % à ceux de leurs homologues brésiliens, les betteraviers courent le risque de voir encore les prix à la vente chuter. Afin de conserver une production betteravière en France (1er producteur européen), les sucreries devront assurer la régulation pour des prix rémunérateurs pour les producteurs.

Compenser la baisse des prix par l'augmentation des rendements n'est plus possible !

Les innovations génétiques récentes ont permis d'augmenter les rendements de 40 % ces dix dernières années, ce qui a pu compenser légèrement la baisse des prix déjà orchestrée de longue date. Mais la marge de progression encore possible par la génétique n’est plus que de 8%, sans compter que les restrictions d'utilisation de produits phytosanitaires annoncées (néonicotinoïdes) laissent présager l'atteinte des plafonds maxima de production. La Coordination Rurale rappelle que la mise en place d'une politique qui vise à produire plus pour payer moins les agriculteurs n'est plus tenable.

Impossible de pérenniser la production sans prix rémunérateurs !

La suppression des quotas sucriers suivra celle des quotas laitiers, disparus depuis le 1er avril 2015. Mais la production de betteraves est différente de celle du lait : elle demande moins d’investissements et il est possible de choisir de produire ou non des betteraves en fonction du cours du marché. Le marché peut se réguler plus facilement que celui du lait mais, sans outil de régulation, il peut également devenir chaotique. L'agriculteur capable de produire des betteraves peut facilement changer de production et c'est ce qu'il risque de faire en fonction des cours, alimentant ainsi la dérégulation.

La production betteravière de notre pays est ainsi remise en cause dans la mesure où les sucreries qui ne pourront pas échapper à la concurrence feront elles-mêmes disparaître leurs producteurs... et s'autodétruiront en même temps. En s'attaquant aux quotas sucriers, l'Union européenne, avec la complicité des gouvernants qui la composent,  arrive au terme de son plan : donner accès aux consommateurs européens à une alimentation basée sur des matières premières agricoles achetées au cours mondial pour transférer leur pouvoir d'achat vers d'autres biens de consommation. Ce plan est bel et bien un jeu de massacre qui va provoquer un réveil douloureux lorsque les besoins alimentaires croissants tendront à nouveau le ressort des prix mondiaux.

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