Un projet d’ordonnance, daté du 6 décembre, fixe les modalités de la séparation des activités de vente et de conseil relatives aux produits phytopharmaceutiques (PPP), amorçant ainsi un virage autoritaire vers la « sortie des pesticides ».

Attention : un nouveau projet d'ordonnance a sensiblement modifié les éléments présentés ci-dessus.

Voir l'article : Séparation conseil-vente : volte-face du gouvernement !

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Un manque de discernement et une aberration scientifique !

Pour l’instant, en l'état des dispositions prévues par le gouvernement, l’achat de PPP sera soumis à la présentation d’un justificatif de délivrance du conseil stratégique, dispensé annuellement à l’agriculteur.

L'agriculteur restera donc libre de suivre ou de ne pas suivre le conseil qui lui sera dispensé, ce conseil n'étant pas (encore) contraignant. Sa seule obligation sera de présenter son justificatif de conseil annuel pour pouvoir acheter les produits dont il a besoin.

Mais à terme, il est envisagé que le conseil spécifique (substance, parcelles, cible, dose…) conditionne également l’achat de PPP. Cette idée de la prescription par ordonnance trotte depuis quelques années dans la tête de certains fonctionnaires, estimant qu'il faudrait d'ores et déjà passer à un tel système mais que les professionnels agricoles ont y sont trop réticents !

Il y a de quoi réticent : pour prévenir et guérir une maladie ou faire face à un ravageur, l'agriculteur devrait, au préalable, se faire « prescrire » un produit précis par un conseiller appelé « phytiatre », exactement comme un patient se fait prescrire un médicament par son médecin. À une nuance près, ce prescripteur, dont on ignore pour l’instant comment seront évaluées et garanties les compétences, devrait opter pour des méthodes alternatives non chimiques ou des produits de biocontrôle. En résumé, la "prescription" se ferait avec un objectif de moyens et non de résultat. Une aberration totale !

L’innovation industrielle au moyen de la chimie, bénéficie à tous les secteurs de production. Seule son utilisation en agriculture est pointée du doigt et totalement remise en cause. La Coordination Rurale dénonce ce non-sens scientifique et cette privation du bénéfice de l’innovation.

Le problème pris par le mauvais bout

Ainsi, le gouvernement s’apprête à nier une réalité pourtant évidente : l’utilisation de PPP, fortement déterminée par la pression de bioagresseurs, elle-même fortement déterminée par les conditions climatiques. Il est donc difficilement possible de diminuer le recours aux PPP lorsqu’un climat plus humide augmente la pression des ravageurs.

Le découplage conseil/vente et son corollaire, le conseil stratégique obligatoire et payant, ne sont donc que les premiers pas vers un système totalement verrouillé, le but étant de diminuer par la force les quantités de PPP utilisées.

Il suffirait pourtant que des alternatives efficaces et économiquement abordables soient mises en marché pour que les agriculteurs diminuent leur recours aux PPP. Le gouvernement cherche donc à combler les lacunes de la recherche et l’innovation par des moyens coercitifs et liberticides.

Passage du statut de décideur à celui d’exécutant

C’est l’essence même du métier d’agriculteur qui est atteinte ! Auparavant, il avait intégré la compétence pour la santé de ses plantes, équivalente à celle d’un médecin pour la santé humaine. Cette réforme le rétrograde au rang d’infirmier.

Jusqu’ici, il engageait sa responsabilité et sa crédibilité vis-à-vis des consommateurs et son éthique alliée à ses compétences était la meilleure garantie et protection. Désormais l’agriculteur pourra être instrumentalisé par des prescripteurs dissociés de l’acte de production et pas forcément compétents.

C’est aussi une situation comparable à celle inimaginable d’un médecin qui ne pourrait prescrire lui-même les médicaments après avoir examiné le patient et posé son diagnostic.

Le conseil obligatoire : un nouveau business de 300 millions d’euros par an !

Il faut comprendre que le délai transitoire de 2 ans, laissé par le projet d’ordonnance ne vise qu’à donner le temps à des sociétés de conseil privées de se créer.

C’est un marché de 300 millions d’euros annuels (au bas mot) qui leur est offert et auquel il faut ajouter les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) qu’ils pourront collecter facilement et revendre aux distributeurs, ces derniers n’étant plus en mesure d’atteindre leurs objectifs de CEPP car amputés de leur activité de conseil.

L’outre-mer bientôt pénalisé par les CEPP

Dernier recul apporté par ce projet d’ordonnance : les CEPP vont être étendus aux collectivités d’outre-mer, jusqu’ici exemptées. Ce n’est pourtant pas la diminution des quantités de PPP utilisées qui devrait être prioritaire dans les zones ultramarines mais plutôt le comblement des 80 % d’usages orphelins portant préjudice aux cultures maraîchères vivrières.

Pour complaire à une opinion publique sous influence des associations environnementalistes, le gouvernement se montre décidément habile à inverser l’ordre des priorités…

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Au sens de l’article 38 de la Constitution

A l’exception des produits de biocontrôle, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque

Fondé sur un diagnostic, ce conseil stratégique tient compte de la rotation.

A l’exception des agriculteurs certifiés, notamment en HVE (haute valeur environnementale) de niveau 3

Voir à ce sujet la conclusion du rapport du CGAAER et du CGEDD : Conséquences de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques, octobre 2018

Le terme de « phytiatre » existe déjà : il s’agit d’un spécialiste de l'étude des pathologies végétales et de leurs traitements.

En tant qu’« éligibles » au dispositif des CEPP

Restant cependant « obligés » au dispositif des CEPP

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