PAC 2013, une PAC en contradiction avec le Traité de Lisbonne

Avec la PAC, les agriculteurs vivent une erreur historique et en sont malgré eux les acteurs. Les responsables politiques français et européens affirment que ce n’est pas la bonne route, mais ils ne remettent pas en cause les fondements de ce qui la conduit dans l’impasse et tiennent donc le même cap.

Pourtant, l’administration et les parlementaires européens ont la mission d’appliquer tous les articles du Traité de Lisbonne. Or, il faut bien constater qu’il y a un énorme problème dès le 1° de l’article III-227, qui stipule que la politique agricole commune a pour but :

1) « d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant le développement rationnel de la production agricole ».

Il n’est aucunement question ici de compétitivité qu’on met systématiquement en avant comme argument central pour se tourner vers le marché et faire disparaître les agriculteurs les plus faibles, mais bien de productivité qui pourrait en sauver beaucoup et qui n’est par contre jamais évoquée...

2) « d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ».

Les candidats au RSA sont de plus en plus souvent des agriculteurs qui ont su surmonter leur répugnance à s’y inscrire pour tenter de survivre.

3) « de stabiliser les marchés».

La volatilité actuelle des marchés des matières premières agricoles, dénoncée par tous, est une injure au Traité. La régulation des marchés, qui seule peut résoudre ce problème de fond, est parfois évoquée par les mêmes qui désarment les outils de régulation des productions, indispensables pour stabiliser les marchés. Les moyens proposés sont des outils financiers (marchés à terme) – qui seront au mieux inefficaces dans un marché équilibré et au pire accélérateurs de volatilité en cas de déséquilibre - ou assurantiels.– soit d’abord un coût supplémentaire pour réparer des dégâts prévisibles mais n’ayant pas fait l’objet de prévention.

4) « de garantir la sécurité des approvisionnements ».

On ne peut garantir que la quantité et la qualité de ce que l’on produit. Or, le déficit agricole de l’Union est évalué à une superficie équivalente à 35 millions d’hectares par une étude allemande récente, soit largement plus que la Surface Agricole Utile française. En valeur, il s’est situé constamment autour de 8 milliards d’euros depuis 2000. Malgré cet état de fait, le mythe des excédents européens reste soigneusement entretenu…

5)  « d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ».

Là aussi, c’est l’échec total quand on sait que les prix à la consommation n’ont jamais cessé de grimper alors qu’ils se sont effondrés à la production. Le blé étant aujourd’hui au prix de 1988 et il y a quelques mois à celui de 1973, les consommateurs voudraient bien retrouver du pain au prix de ces années-là...

En matière de politique agricole, le Traité de Lisbonne n’apporte d’ailleurs rien de nouveau puisqu’il ne fait que reprendre entièrement les missions fondamentales définies par le Traité de Rome : la PAC est la politique originelle et fondatrice de l’Europe qui consiste à mettre l’économie au service de la paix, de l’intérêt général des citoyens et des Etats.

L’erreur majeure de la Commission est, à l’inverse, de vouloir placer tout le monde sous l’autorité de la main invisible du marché. En témoigne le « débat public » en 4 questions proposé au printemps par internet à plus de 500 millions d’européens, dont la première était « Pourquoi avons-nous besoin d’une politique agricole commune en Europe ? »
Cette question essentielle n’avait pas lieu d’être puisque la réponse est, comme on l’a vu, inscrite dans le marbre des Traités qui régissent l’Union. Pourtant, les maigres 5500 réponses obtenues ont servi à réécrire l’article III du Traité sous couvert de modernisation de la décision démocratique… Très discrètement, une nouvelle consultation publique a été lancée le 23 novembre dernier (en anglais uniquement…) pour analyser l'impact des trois scénarios dévoilés le 18 novembre et qui forment le socle de ses propositions. L’introduction rappelle que le Traité de Lisbonne a confirmé les objectifs de la PAC, mais ajoute aussitôt: « Cependant, les défis à relever par l'agriculture de l'UE sont devenus plus larges et plus complexes à cause de l’interdépendance des questions économiques, sociales et environnementales et de leur  dimension globale ». Cela justifierait de substituer de nouveaux objectifs aux objectifs initiaux de la PAC…

Outre son caractère irresponsable au vu des enjeux vitaux en termes de sécurité alimentaire des Européens, cette démarche n’est pas crédible car le traité de Lisbonne date d’il y a à peine plus d’un an. Cette dérive est inacceptable.

Il est donc indispensable de faire évoluer la réflexion et l’action. C’est à la fois simple et très compliqué car c’est du ressort politique. Le préalable est de mettre un terme aux concessions faites par les négociateurs européens à l’OMC et de reprendre tout ce qui a été abandonné.

La France qui préside cette année le G20, peut et doit être le fer de lance de cette réorientation. Le secteur stratégique qu’est l’agriculture doit être défendu des agressions de l’OMC. Les Américains l’ont compris et ambitionnent d’augmenter le nombre de leurs agriculteurs réellement productifs de 10 %. A l’heure de reconstruire la PAC, l’Europe a un rendez-vous crucial avec l’histoire. Soit elle rompt avec la direction prise en 1992 et elle sort l’agriculture des griffes de l’OMC en faisant reconnaître l’exception agriculturelle : ses agriculteurs seront alors « la solution » pour un XXIème siècle de prospérité économique et sociale. Soit elle se couche et l’agriculture passera aux mains de quelques grosses multinationales qui auront accaparé la première puissance agricole du monde en asservissant ses paysans et en tenant sa population en otage.

Pour en savoir plus sur la PAC 2013 :

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