La production de fruits et légumes a toujours été soumise à de grandes variabilités de cours. D’une année à l’autre, le revenu était au rendez-vous. Depuis 1992, les bonnes années se font plus rares, et nombre de productions ne sont plus rentables. La pomme, par exemple, se vend en dessous de son coût de production depuis 3 ans.

Cette année, pour la première fois, des vergers de pommes n’ont pas été récoltés. C’était déjà une réalité pour la cerise, qui est un produit très saisonnier. Mais la pomme se conservant et se commercialisant toute l’année, les producteurs récoltaient en attendant un redressement des cours. La pomme n’est pas la seule production touchée. Ainsi, le prix d’achat au producteur de l’abricot, de l’artichaut, de la carotte et de la nectarine ont été en 2009 jusqu’à 30 % inférieur au prix moyen des 5 dernières années.

Si on regarde les aides perçues par les producteurs de FetL, elles se montent en moyenne à moins de 2 700 €/exploitation. Globalement, le secteur des FetL perçoit 3 % des aides européennes alors qu’il représente 16 % du chiffre d’affaires global du secteur agricole.

La pêche française face à la Sharka

Les surfaces de pêchers ont drastiquement diminué entre 1990 et 2007 : -44 %. Le verger en 2007 ne compte plus que 15 857 ha, contre 28 201 en 1990 (source : Agreste). Ainsi, la France est devenue importatrice nette de pêches et nectarines en 2003. En 2006, les importations avaient augmenté de 37 % (par rapport à la moyenne des exportations 2002-2005).

Principale cause de cette disparition de vergers : la maladie de la Sharka, classée maladie de quarantaine, véritable impasse pour les producteurs de fruits à noyaux. Le virus de la Sharka (Plum Pox Virus) touche l’ensemble des variétés de Prunus. Ce virus est présent sur une grande partie du territoire français, et touche aussi les sujets sauvages. Cette maladie du bois se transmet essentiellement par les pucerons.

Une fois la maladie diagnostiquée, les producteurs sont dans l’obligation d’arracher tout ou partie de leur verger. L’indemnisation est insuffisante pour faire face aux charges : amortissements d’investissements de production, de stockage et de commercialisation en sous utilisation et bien entendu pertes de récolte.

Voilà plus de 10 ans que cette lutte contre la Sharka se pratique, sans que l’on puisse constater une amélioration sanitaire. Le seul constat à ce jour est la disparition d’une très importante surface de vergers de pêchers de qualité. La CR demande donc d’appliquer le devoir de production (conservation du verger avec nettoyage des arbres contaminés), avec un suivi sanitaire du verger réalisé par les agriculteurs eux-mêmes. Et tant que cela ne sera pas mis en place, elle estime nécessaire une indemnisation supplémentaire de 25 €/arbre arraché sur 4 ans pour accompagner les producteurs.

De réformes en réformes…

La nouvelle OCM, modifiée en 2007, n’a pas aidé les producteurs comme elle l’aurait pu. En fait, peu de choses ont changé. Et quant aux bonnes idées, comme la distribution de fruits et légumes dans les écoles, le projet peine à être mis en place !
En 2008, suite à la réforme de l’OCM, le ministère de l’Agriculture a joué au « chamboule tout » avec la gouvernance du secteur. Résultat : les stations d’expérimentation sont en difficultés financières, il n’y a plus de statistiques fiables, qui étaient fournies par les comités de bassin, et pour couronner le tout, il est plus compliqué que prévu de créer les AOPn* !

Bas de page : * Associations d’Organisations de Producteurs nationales

Plan de soutien 2009 : un beau geste, mais qui restera insuffisant

Le 6 août, B. Le Maire annonçait un plan d’aide immédiat de 15 M€ pour les producteurs de FetL. Ce plan concerne ceux dont au moins 30 % de l’activité est liée à des produits en crise, notamment la nectarine, la pêche, l’abricot et la tomate. Prise en charge des cotisations sociales, prise en charge d’intérêts d’emprunts… bref les dispositifs habituels : de petits pansements sur un grand brûlé ! Ces aides, utilisées efficacement, auraient pu être très utiles. Mais pour cela, il fallait changer les méthodes, ce que le ministère de l’Agriculture n’a pas fait !

Ensuite, le ministre s’est penché sur le coût du travail occasionnel et a proposé d’augmenter l’exonération du dispositif TO-DE (travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi), c'est-à-dire d’exonérer 80 à 90 % les cotisations patronales. Cela représente un effort financier de l’Etat considérable : 180 à 200 M€ par an. Mais même l’exonération totale des cotisations sociales patronales des saisonniers annoncée le 27 octobre dernier par N. Sarkozy ne suffira pas pour ramener le coût horaire de la main-d’œuvre saisonnière au niveau de nos concurrents. Les solutions se trouvent donc ailleurs !

Rapport de J. Remiller

Le 6/07/2009, le député Jacques Remiller (38) a rendu un rapport à la demande du Premier Ministre sur les FetL, intitulé « Fruits et légumes : les nouveaux enjeux en 2009 ». Ce rapport de synthèse énonce 8 préconisations :

Rapport Remiller

Compétitivité : les deux principaux handicaps des producteurs français sont la main-d’œuvre et le manque de spécialités phytosanitaires

Le coût de la main-d’œuvre française pénalise notre économie, et plus encore notre agriculture. Non que les salariés soient payés trop chers, mais les charges afférentes au coût du travail sont de plus en plus importantes. Le secteur des FetL en pâtit, puisqu’il emploie 400 000 salariés en équivalent temps plein. La majorité de ces emplois sont saisonniers (taille, cueillette), activités qui souvent ne peuvent être mécanisées. Le coût de la main-d’œuvre représente ainsi en moyenne 50 % du coût de revient du produit. En France, le coût de la cueillette se situe entre 11 et 13 €/h, contre 6 €/h en Allemagne et 7 €/h en Espagne ! Soit jusqu’à 7 €/h de différence ! En effet, l’Allemagne a supprimé l’équivalent allemand du SMIC pour les emplois agricoles. Ainsi, pour un producteur allemand, un prix de vente de 0,20 €/kg de mirabelles est rémunérateur, alors que le coût de revient du producteur français est de 0,45 €/Kg !

Côté phytosanitaires, ça ne brille pas non plus : l’agriculture française utilise 1,9 milliards € de PPP, dont moins de 4 % de génériques ! En Allemagne, ce sont 40 %, et en Espagne 60 % des produits utilisés qui sont des génériques… Etant donné qu’ils sont 40 % moins chers, nous devrions réduire la facture de 380 millions € en imitant nos voisins européens et les produits de marque, concurrencés, seraient meilleur marché. Soit au minimum une économie de 1 000 € par entreprise agricole !!! Mais selon nos hauts fonctionnaires « un produit pas cher est un produit frelaté » et « si les produits étaient moins chers, les agriculteurs en utiliseraient plus » ! Avec un tel raisonnement, on n’est pas au bout de nos peines. C’est notamment pourquoi le ministère ne nous laisse pas accès aux produits génériques, qu’il souhaite balayer. On en conclut bien évidemment que le cas des génériques relève plus du financier que du technique ou du règlementaire.
Outre l’aspect du coût, le manque de matières actives devient crucial. Les usages orphelins sont de plus en plus nombreux en FetL, au point que certaines cultures semblent aujourd’hui difficiles à maintenir !

Les propositions de la CR pour la filière fruits et légumes

1.    Relancer la compétitivité de la filière en mettant en place la TVA sociale sur l’ensemble des produits agricoles.

2.    Relancer la consommation de fruits et légumes, qui ne fait que baisser. Il est urgent de promouvoir la vente de fruits et légumes de saison afin d’éviter les achats de produits importés et ainsi les recentrer sur une offre saisonnière, qualitative et locale. Mettre en avant auprès des consommateurs la qualité des produits français et européens, qui respectent des normes sanitaires bien plus strictes que les produits importés. Pour faire découvrir ou retrouver le goût d’en manger aux enfants : distribution gratuite de fruits et légumes frais dans les écoles.

3.    Réformer le système de commercialisation. Mettre en œuvre le coefficient multiplicateur de manière automatique en cas de crise, et revoir les coefficients qui sont à ce jour inadaptés. Moraliser les marchés est urgent : interdire toute remise sous quelque forme que ce soit et imposer le paiement à réception de la facture. Former les vendeurs et mettre en place la vente assistée pour relancer la consommation en aidant les consommateurs à choisir leurs produits. Faire apparaître clairement l’origine du produit sur l’emballage et la mettre en avant, interdire le réemballage des produits importés, permettre la simplification de l’emballage sont autant de mesures qui permettront au consommateur de s’y retrouver dans ses achats. Il faut maintenir les certificats d’imports, et ceci pour tous les volumes d’importation. Il faut également mettre en place des calendriers avec des dates limites de vente en fonction du produit importé et de son origine.

4.    Réformer la politique européenne et pour cela, transformer l’OCM en OCPM (Organisation Commune des Productions et des Marchés) avec une véritable politique de régulation des marchés dans le cadre d’une vraie préférence communautaire, cela afin d’anticiper les périodes de crise et de les éviter : établissement de calendriers de mise en production et de commercialisation pour les différents pays de l’UE. Etablir un cadastre fruitier et maraîcher européen est essentiel à la mise en place de l’organisation de la production. Pour une meilleure équité, il faut instaurer l’égalité de traitement entre les producteurs et ainsi élargir les aides européennes à tous les producteurs, qu’ils appartiennent ou non à des groupements.

Une organisation de filière plus simple pour être plus efficace

Aujourd’hui, rien n’est clair. Depuis la suppression des comités de bassin, de nombreux travaux ne se font plus (statistiques entre autres). La CR propose de remettre à plat toutes les organisations de la filière FetL et de clarifier ainsi les missions, afin d’améliorer le rendement et de vérifier la pertinence des cotisations payées par les agriculteurs. Les missions seraient ainsi réparties sans redondances et en réel travail de concertation entre les organismes et ceci dans le respect d’un véritable pluralisme syndical.

Faciliter l’emploi de main-d’œuvre : les préconisations de la CR

  • Mettre en place la TVA sociale.
  • Sensibiliser les jeunes des lycées agricoles aux métiers de la filière FetL et ses débouchés.
  • Faciliter le travail des jeunes de plus de 16 ans pour favoriser l’insertion professionnelle en cas d’échec scolaire.
  • Raccourcir les délais administratifs des formalités d’embauche pour les travailleurs étrangers et les nouveaux entrants, étant donnée la grande difficulté en France de trouver de la main-d’œuvre en agriculture. Permettre aux organismes spécialisés de faire des contrats adaptés aux exploitations suivant les pics de travaux, comme un contrat à durée déterminée de 3 à 8 mois avec possibilité de scinder la période d’embauche en 2 temps (par exemple faire un contrat de 2 x 4 mois avec une période de latence de 1 mois entre).
  • Etendre l’allègement des charges sociales aux salariés en CDI afin de pérenniser ces emplois.
  • Simplifier l’administratif, notamment pour les exonérations. Pour prendre un exemple concret, il est possible de faire économiser les charges salariales aux jeunes. Or pour leur donner cet avantage, l’employeur est tenu de remplir un formulaire supplémentaire, de faire des calculs, de demander à l’employé une attestation sur l’honneur… Nous sommes loin de la simplification administrative voulue (et toujours non appliquée) par D. Bussereau.

Le redressement judiciaire : une solution trop peu utilisée en agriculture

Perçu comme un épouvantail, le redressement judiciaire permet dans de nombreux cas de conserver l’intégrité de l’entreprise. C’est une bouée de sauvetage méconnue et mal perçue.

La procédure de redressement judiciaire est instituée par l’article L 631-1 du Code de Commerce. Elle est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Pour les agriculteurs, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance.

L'ouverture de la procédure de redressement judiciaire nécessite obligatoirement que l’entreprise soit en état de cessation de paiements (impossibilité de faire face à ses dettes avec l’actif disponible). Le tribunal examine le dossier et décide soit de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, soit d'une procédure de liquidation judiciaire lorsque le redressement est manifestement impossible.

Redressement Fruits et légumes

Lorsqu’il met en place la procédure de redressement judiciaire, le tribunal nomme un juge commissaire, un mandataire de justice et un administrateur judiciaire. Ensuite, il institue une période d'observation, afin d’établir un bilan économique et social et de formuler des propositions pour permettre à l'entreprise de poursuivre son activité. Quand il s'agit d'un agriculteur, cette période peut être fonction des cycles culturaux en cours et des usages spécifiques aux productions de l'exploitation. C’est une réelle période blanche, qui permet de constater les rentrées d’argent de l’entreprise, pendant laquelle celle-ci est généralement sous tutelle de l’administrateur judiciaire. Si le revenu est trop insuffisant, la liquidation judiciaire de l’entreprise est prononcée. Dans le cas contraire, la procédure de redressement judiciaire continue, avec l’institution possible d’un plan de redressement, qui peut permettre l’étalement des dettes sur une période pouvant aller jusqu'à 10 ou 15 ans, le rachat de tous les prêts pour n’en constituer qu’un seul, ou d’autres mesures.

Les protagonistes de la procédure

Le juge commissaire est plus spécialement chargé du suivi du dossier du débiteur. Il dispose de pouvoirs spécifiques et pourra notamment autoriser le recours à des concours bancaires à court terme, autoriser des licenciements pour motif économique, fixer la rémunération du dirigeant, autoriser la cession d'actifs.

L’administrateur judiciaire a pour mission d'aider au redressement de l'entreprise. Il examine avec le débiteur les raisons de la défaillance, décide des mesures à prendre pour permettre la restructuration de la société et élabore un projet de plan de redressement. Il est en quelque sorte le « tuteur » du débiteur. Le dirigeant conserve la maîtrise de l'exploitation de son entreprise au quotidien tout en informant strictement l’administrateur judiciaire.
 
Le mandataire de justice est le représentant des créanciers. Il a pour mission de recueillir et de vérifier les déclarations de créances aux fins d'établir un état du passif. Il gère avec le débiteur les créances salariales.
 

Attention, protégez vos biens propres !

De manière générale, et avant toute procédure de redressement judiciaire, il convient de protéger ses biens propres (domicile, jardin, autres biens…) par un acte notarié afin de les rendre insaisissables et distincts de l’exploitation. Selon la forme sociétaire de votre exploitation, il est donc nécessaire de vous renseigner afin de savoir comment vous pouvez bénéficier de cette protection.

Le mot de Christian Fouquet, membre de la section FetL

La procédure de redressement judiciaire fait partie de la gestion d’entreprise. Personne ne décide d’être grêlé ou de vendre moins cher. Il n’y a donc pas lieu de se sentir coupable d’un mauvais résultat comptable, mais au contraire, de se sentir victime. Tout au long de la procédure, le risque de liquidation est présent. Mais pour certains d’entre nous, il est évident que si nous ne réagissons pas, notre exploitation est perdue. La loi nous donne une possibilité qui peut être selon les cas une réelle porte de sortie. Il n’y a pas à rougir de faire ce choix : il s’agit de sauvegarder son entreprise, son patrimoine. Mieux vaut réagir que succomber. Par contre, il faut bien le préparer et s’entourer de personnes compétentes (expert comptable entre autres).

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